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La sacralisation de l’opposition gabonaise :  un miroir aux alouettes ?

Le terme opposition recouvre au Gabon une connotation si sacro-sainte que son usage, si souvent galvaudé, ainsi que la pratique de nombreux acteurs politiques de notre pays contribuent à alimenter une grande confusion dans l’esprit de nombreux Gabonais. Au point, par exemple, qu’il suffit désormais de se dire opposant pour caracoler dans les sondages des réseaux sociaux en nombre de likes que récoltent, sur le net, les posts des uns et des autres opposants fraichement devenus.

 Depuis la mort d’Omar Bongo Ondimba, nombreux sont les cadors du PDG qui sont passés à l’opposition. Question : cela en fait-il des opposants ? Bien sûr que oui. Qui pourrait renier le statut d’opposant à André Mba Obame, Jean EyegheNdong, Casimir Oye Mba, Jacques Adiahénot, Pierre-Claver Zeng, Jean François Ntoutoume Emane, Paulette Missambo, Alexandre Barro Chambrier, Divungui Di Ding Dijob, Séraphin Moudounga, René Ndemezo’Obiang, et, bien entendu, Jean Ping ? Personne. Et il y en a bien d’autres qui, depuis les bords de la Seine, déversent leur bile  sur Ali Bongo Ondimba et les siens jusqu’aux rivages du Komo, et s’auto-estampillent opposants. Qui douterait de leur posture d’opposants  quand leurs plumes et leurs langues profèrent des proposacides dont ils affublent clairement le pouvoir en place ? Personne. Ne confirment-ils pas là leur aversion, même récente, pour le régime en place ? Bien évidemment. Ils sont donc opposants. Nguia Banda et autres…

Mais, par la même occasion, comme un revers de médaille, cela démontre que si plus d’une vingtaine de membres éminents du PDG ont pu passer à l’opposition et s’en réclamer à cor et à cri, il convient de considérer que l’opposition n’est donc pas un lieu « sacro-saint » où n’évolueraient que des anges tombés du ciel. Elle aurait plutôt tendance à ressembler à une sorte d’auberge espagnole où chacun apporte ce qu’il veut bien y apporter. Rentrer dans l’opposition n’est donc nullement synonyme de rentrer dans les ordres. Ce n’est pas un sacerdoce. Passer à l’opposition ne saurait faire de vous une personnalité sacro-sainte. Et, il y a, au moins, trois raisons à cela.

Les factions au sein du PDG existent depuis très longtemps en interne au parti.

Elles étaient désignées sous le vocable de « Tendances ». En fait, elles consistaient en des oppositions intra-muros de la formation politique dominante du pays, le Parti Démocratique Gabonais. Ces « Tendances » ont, avec le temps, évolué en « Caciques » (Myboto), « Rénovateurs » (Ali Bongo et André MbaObame), et « Appelistes » (Toungui et Ndemezo’Obiang). La caractéristique principale de tous ces groupes résidait dans le fait de ne pas s’opposer au Grand Camarade Omar Bongo Ondimba, mais ne cessant de batailler entre eux. Leur existence ne faisait aucun doute ; seul, OBO parvenait à établir une coexistence pacifique entre ces différents groupes au sein du PDG et de l’Etat afin que cela ne dégénère pas en bagarres de tranchées entre groupes rivaux. La mort d’Omar Bongo Ondimba a libéré les vannes et mis fin à la guerre froide.En somme,  l’opposition larvée interne au PDG est devenue officielle.  le PDG est entré dans des guerres ouvertes qui ont été déclarées dès 2009, amplifiées en 2016 et qui se poursuivent jusqu’aujourd’hui. Et, on peut, sans risque de se tromper, affirmer que le PDG est le principal pourvoyeur de l’opposition gabonaise ;

Entre membres de l’opposition gabonaise, hier hiérarques du PDG, des nuances existent.

Il y en a qui, comme Jacques Adiahénot, estiment que ce sont les années 1980 qui ont entamé la déstabilisation politique au Gabon. Pour d’autres, c’est l’arrivée d’Ali Bongo Ondimba à la tête du pays, accompagné de Maixent Accrombessi et sa cohorte d’obligés, qui est le motif principal de la dégradation de la situation politique du pays (Nzouba Ndama, Barro Chambrier, Myboto, et Ping dans une certaine mesure).Et, selon eux, tout était, à les en croire, pour le mieux dans le meilleur des mondes sous OBO. Il s’agit pourtant des mêmes qui, en décembre 2016, juraient croix de bois croix de fer qu’ils résisteraient jusqu’à ce que Jean Ping s’asseye sur le fauteuil présidentiel, et qui fontmaintenant cavaliers seuls privilégiant leurs ambitions partisanes… surtout présidentielles. Quant à quelqu’un comme Ndemezo’Obiang, il apparaît comme appelant à un véritable contrat républicain à durée indéterminée où les contractants seraient dans une logique de « gagnant-gagnant ».

Comme nous le constatons, des sensibilités/nuances au sein de l’opposition et de la classe politique gabonaises, il y en a – et certainement d’autres. Elles confirment bien que cette opposition et notre classe politique dans son ensemble nesont pas des univers monolithiques sacro-saints où dominerait l’unanimisme. Il ne suffit donc pas d’être membre proclamé de l’opposition pour être canonisé sans que l’on ne s’astreigne à connaître les objectifs politiques de tel ou tel. Ni ne devrait suffired’être estampillé proche du pouvoir pour être voué aux flammes  de l’enfer. Car, il se peut qu’il y ait des opposants qui ne soient ni démocrates, ni républicains, mais tout simplement tribalistes. Comment les détecter sans examiner leur programme politique ? Adolf Hitler était bien opposant avant de ravir le pouvoir en Allemagne. C’est un expérimenté en la matière qui écrivait en 1899 qu’ « il faut être myope pour considérer comme inopportunes ou superflues les discussions de fractions et la délimitation rigoureuse des nuances. » (VOL). Et des nuances, il y en a.

 Les Simon OyonoAba’a, les Paul MbaAbessole, les Pierre Louis Agondjo et autres Pierre Mamboundou, malgré leurs statuts respectifs d’opposants, ont, tous, fini par négocier avec le pouvoir d’Omar Bongo Ondimba pour les Accords de Paris et ceux d’Arambo.

Démontrant par-là que l’espace de l’opposition n’est pas un espace sacro-saint ni celui du pouvoir infréquentable. Les Accords d’Angondje de 2017 sont de la même veine. D’autant que de nombreux « résistants » de la CNR de Jean Ping ont, en 2018, décidé de fouler aux pieds leur principe d’aller jusqu’au bout dans leur soutien à Ping. Ils ont pour la plupart (Nzouba, Myboto, Chambrier) retourné leurs vestes pour participer à des législatives et des locales organisées par un Conseil Gabonais des Elections (CGE) dont le projet d’acte de naissance a été co-signé lors des Accords d’Angondje entre le pouvoir et l’opposition conduite par René Ndemezo’Obiang. Un CGE au sein duquel les « résistants » ont siégé.

Stéphane MAMEKA

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