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Interview/ Laurent Angue Mezui, « La sortie de crise multisectorielle actuelle du Gabon passe obligatoirement par une transition politique et non constitutionnelle comme en juin 2009 »

Après son accession à la présidence du Rassemblement pour le Gabon et au Groupement de 41 partis politiques de l’opposition gabonaise, Laurent AngueMezui, se prononce sur les principaux sujets de l’actualité du moment au Gabon, entre autres, l’état de santé de sa formation politique,  la capacité ou non du Président de la République, Ali Bongo à présider aux destinées du pays, et l’avenir du pays qui passe, selon lui, par une transition politique et non constitutionnelle, comme en juin 2009.

NB : Cette interview a déjà été publiée dans le Temps n°730

Mr le Président vous êtes à la tête du RPG depuis  le 18 janvier 2020 dernier, dans le cadre de la tétravalence.S’il vous était donné de dresser votre bilan d’étape, 7 mois après votre prise de fonctions, que diriez-vous aux populations ?

Laurent AngueMezui : Depuis le 18 janvier 2020, date de mon accession à la tête du RPG, dans le cadre de la tétravalence qui avait consacré un système rotatoire annuel de quatre présidents à l’issue de notre dernier congrès national, à Libreville, je me suis engagé sur un triptyque, à savoir : rendre le parti visible sur la scène nationale et internationale ; rendre le RPG  audible ; rendre le RPG crédible. Ce  triptyque va dans le droit fil des recommandations du congrès. Rendre le parti visible, aujourd’hui, à moins de vouloir faire preuve de mauvaise foi, tout le monde conviendrait avec moi que le parti bouge, malgré la pandémie du covid-19. Rendre le parti audible, depuis un certain temps la voixdu partie n’était plus entendue et cela donnait l’impression que le parti avait rangé ses armes. Depuis mon arrivée, aucun problème nationalne se passe sans qu’on entende la voix du RPG. Je me souviens que le Premier Ministre sortant nous avait reçus avec empressement  en audience, lorsque nous avons donnéofficiellement notre position sur la crise sanitaire actuelle où nous avons fait 12 propositions au gouvernement. Et lorsqu’il s’est agit de la dépénalisation de l’homosexualité, le RPG a été le premier parti politique à monter au créneau, pour demander l’abrogation immédiate de cette loi immorale en déphasage avec nos us et coutumes. Et la partie crédible, c’est le positionnement exact du RPG sur l’échiquier politique national. A ce niveau, j’ai clairement positionné le RPG dans l’opposition aux côtés d’autres formations politiques, tels l’Union Nationale, les Démocrates, pour briser  toutes formes de confusion dans les esprits des populations et de nos militants. Autrement dit, le RPG, n’est plus un parti de la Majorité Républicaine, mais de l’opposition pure et dure. Pour preuve, c’est notre parti qui assume la présidence actuellement du Groupement de 41 partis politiques de l’opposition gabonaise. Donc, nous avons su intéresser les autres, et cette crédibilité porte des fruits sur le terrain aujourd’hui. 

Votre parti a soufflé sa 30ème bougie d’existence le 30 mai 2020 dernier, en pleine crise sanitaire du covid-19, quel est son état de santé aujourd’hui ?

La pandémie du coronavirus a quelque peu freiné le bon déroulement de nos activités sur le terrain. Le 28 février passé, il était question d’installer toutes les structures de base de Libreville, notamment le Conseil Communal, les 6 Conseils d’arrondissements, les 12 délégations d’arrondissements, la Coordination des Jeunes, la Coordination des Femmes. Tous ces bureaux sont constitués et travaillent en sourdine sur le terrain, il ne reste qu’à les renvoyer officiellement à l’exercice de leurs fonctions. Dans la commune d’Owendo, nous avons un Conseil communal et deux conseils d’arrondissements. Et dans la commune  d’Akanda, nous avons un conseil communal, c’est ce qui est de Grand-Libreville qui constitue, pour nous, la 10ème  circonscription politique en dehors des 9 provinces que compte le Gabon. Quant on va dans l’Estuaire, nous avons le provincial de l’Estuaire, le Bureau Départemental du Como-Kango, le bureau communal de Kango, le bureau communal de Ntoum, le Bureau départemental de la Noya.Dans la province du Haut-Ogooué, nous n’avons que le conseil provincial, c’est-à-dire que nous avons nommé les présidents dans toutes les provinces. Là où nous sommes au complet, c’est le Grand-Libreville, l’Estuaire, le Moyen-Ogooué, le Woleu-Ntem, et l’Ogooué Ivindo. Les autres provinces où le parti était en perte de vitesse, sont entrain de constituer les structures de base.

En termes d’élus, combien en avez-vous ?

Cette mandature, nous n’avons pas d’élus à l’Assemblée Nationale comme par le passé. Par contre, nous avons des élus locaux dans certaines provinces du pays. Dans l’Estuaire à Kango, nous avons un Maire titulaire qui est une femme. Dans la province du Woleu-Ntem, nous avons un Maire Adjoint dans le Haut-Como, à Medouneu. Nous avons des élus locaux à Bitam et à Minvoul. Nous en avons également dans l’Ogooué Ivindo précisément à Ovan et à Booué. Il faut dire que cette situation est imputable à plusieurs facteurs : les facteurs exogènes,  et les facteurs endogènes, du fait de n’avoir pas été régulièrement sur le terrain. Le facteur exogène, c’est le non versement de la subvention de fonctionnement des partis politiques par l’Etat depuis 5 ans, excepté le PDG qui utilise les moyens de l’Etat. Vous comprenez que tous les autres partis politiques tirent le diable par la queue

Quelles sont les difficultés auxquelles vous faites face depuis votre prise de fonction ?

Nous faisons face à deux principales difficultés : la pandémie qui a retardé l’installation de nos structures de bases. D’ailleurs, nous avons dû reporter les festivités marquant le 30ème anniversaire de notre parti pour cette raison. L’autre difficulté est d’ordre financier. Comme vous pouvez le constater, depuis plus de 5 ans, les partis politiques, légalement reconnus, ne sont pas subventionnées comme le stipule la loi. Mais toujours est-il qu’un parti fonctionne avec les moyens pour vivre. Fort heureusement que le RPG, est l’un des rares partis politiques à ne pas être locataire. Aujourd’hui, pour survivre, nous fonctionnons avec les cotisations des militants du parti, c’est d’ailleurs ici, l’occasion de leur rendre un hommage mérité sur les colonnes de votre journal,  pour les efforts déployés dans ce sens.

Quelle est la position du RPG sur la capacité ou non du Président de la République, Ali Bongo  à présider aux destinées du pays depuis son AVC ?

Vous voyez, la crise sanitaire actuelle est venue mettre davantage à nu, les limites du système de gouvernance actuelle. Lorsque je suis allé soutenir dernièrement mon ami, Nzouba Ndama, lors du lancement de sa pétition contre la dépénalisation de l’homosexualité, vos collègues m’ont interrogé là dessus, et je leur ai dit que cette dépénalisation nous ressort deux choses : la première c’est que le président de la République, d’obédience musulmane, a renoncé à sa foi. Parce que le Coran interdit formellement l’homosexualité. Et le premier musulman du Gabon,c’est Ali BONGO. Et la deuxième hypothèse, c’est que le Chef de l’Etat ne contrôlerait plus ses troupes.

 Parce que ses troupes se rendent compte qu’il n’est plus en mesure de gérer le pays. Pourquoi je le dis, c’est parce que depuis l’avènement de son ancien Directeur de Cabinet, aujourd’hui écroué  à la prison centrale de Libreville, Brice LaccrucheAlhianga, qui effectua une tournée républicaine, sous prétexte d’être le messager intime du président, dans quel pays un DC effectue une tournée Républicaine, alors que le Chef de l’Etata les capacités de le faire ?Nous arrivons à la crise sanitaire, et nous voyons comment cette crise est gérée sans un recadrage véritable du Chef de l’Etat. Si le commandant en chef n’est pas en première ligne, en période de guerre, on se pose bien des questions à ce sujet. C’est pour cela que nous disons que si nous aimons notre pays pour qu’il soit à l’abri de l’impasse, assoyons-nous autour d’une table pour organiser une transition politique et non constitutionnelle, comme en 2009,où la seconde n’avait pas porté des résultats escomptés. Ce sera l’occasion de mettre à plat toutes les institutions, mettre en placeune constituante pendant que nous allons réécrire la constitution. Le nettoyage de tous les textes électoraux. La mise ne place d’une commission vérité et réconciliation. Une fois tout cela fait,  le gouvernement qui sera mis en place aura un chronogramme consensuel. Ce gouvernement va organiser les élections générales in fine, présidentielles, législatives et locales, sur la base de la transparence et de l’équité. C’est la voie du salut que propose le RPG. Et si nous faisons la sourde d’oreille, en rééditant les errements du passé, ne soyons pas surpris de vivre des lendemains douloureux incertains. Le Gabon est en crise à tous les niveaux, Sortir le Gabon de cette crise multisectorielle, politique, économique, sociale, morale, c’est passer obligatoirement par la transition politique. J’ai foi en  la capacité des compatriotes de tous bords de comprendre que le Gabon n’est pas à échanger, n’est pas à brader ou à bruler, il a besoinplutôt de tous ses fils et filles pour le relever.

D’où l’appel à tous les compatriotes de se mobiliser autour d’un idéal commun celui de se retrouver urgemment autour d’une table, pour accoucher un nouveau Gabon, où il fait bon vivre, qui repose sur des bases consensuelles  solides  et acceptées de tous.

Je vous remercie

Propos recueillis  par Rufin Martial OkeNze

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