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Gabon : en prison  depuis 33 ans, Mba Nteme affirme n’avoir jamais mangé de la chair humaine et clame son innocence

Incarcéré à la prison centrale de Libreville et accusé d’anthropophagie en 1987, Mba Ntem, avec  ses  33 ans de détention, est l’un des plus anciens prisonniers d’Afrique. Convaincu qu’il n’a jamais mangé de chair humaine, il clame son innocent et demande sa liberté. Lionel Ella Enguang, juriste de formation, un visiteur habituel de la prison centrale de Libreville raconte le parcours et la vie carcérale de celui qui a été considéré jusqu’à maintenant comme un véritable cannibale. Lecture.

L’évocation de ce nom est assez parlant pour les ‘’anciens’’.  Dans la conscience collective, Mba Nteme est celui qui mange la chair humaine. Un véritable cannibale.

D’autres vont jusqu’à dire « les Fang mangent les gens. » Et pour soutenir leur assertion, Mba Nteme est celui qui est cité en exemple.

Qui est Theophile Mba Nteme ?

Né en 1950, « le vieux Mba » comme l’appellent affectueusement les agents de la sécurité pénitentiaire, est mécanicien de ligne, conducteur de tout engin sur rail.

Il est également attaché à la culture, un praticien de la médecine traditionnelle. Il en fait sa passion.

En 1987, quelque temps après son retour au Gabon – il revenait d’un court séjour à Bruxelles, il est arrêté et accusé d’anthropophagie dans son temple situé à Akournam, dans la commune d’Owendo.

Retour sur sa version des faits: Mba Nteme se dit innocent.

Lors de nos nombreuses discussions, le vieux Mba me raconte que son temple était situé à Akournam et commençait déjà à refuser du monde grâce aux nombreuses guérisons des patients.

Ce succès lui attire des nombreux ennemis. A tel point qu’un véhicule de la sécurité mobile avait élu domicile devant son temple 24h/24.

Il ajoute qu’en cette période, il avait également des ennuis avec Monsieur AB, une autorité du pays. Mba Nteme reconnaît qu’un patient était décédé dans son temple, et ledit monsieur AB a profité de cette occasion pour en découdre avec lui.

Mba Nteme jure par tous les dieux du monde qu’il n’a jamais mangé même un petit morceau de chair humaine. Les citations qui lui sont attribuées dans la presse sont infondées, dit celui qui ne reconnaît que le décès d’un patient dans son temple.

Condamné en 1988 à la peine capitale pour meurtre

Le 27 avril 1987, « le vieux Mba  » ( il était encore jeune à l’époque des faits!), est placé sous mandat de dépôt et conduit à la prison centrale de Libreville.

Lors de l’audience criminelle du 02 novembre 1988, Théophile Mba Nteme est reconnu coupable de meurtre et condamné à la peine capitale (la peine de mort). Il doit être exécuté.

Que dit la loi sur la peine de mort au Gabon?

La loi n°3/2010 du 15 février 2010 portant abolition de la peine de mort en République gabonaise, en son article 3, dispose que « Dans tous les textes en vigueur, la peine de mort est remplacée par la réclusion criminelle à perpétuité ou par la détention criminelle à perpétuité ».

Mba Nteme est « sauvé »: il échappe à la peine capitale, il ne sera plus exécuté. La peine de mort étant abolie (article 2), il passe alors du statut de prisonnier condamné à la peine de mort au statut de prisonnier condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.

Du fondement en droit de la demande de libération conditionnelle ou grâce présidentielle de Mba Nteme.

L’alinéa 2 de l’article 5 de la loi précitée dispose « le condamné à la réclusion criminelle à perpétuité ne peut bénéficier d’une mesure de grâce , ou d’ amnistie, de libération conditionnelle ou de réhabilitation avant d’avoir accompli 30 ans d’emprisonnement au moins » ».

Or, Mba Nteme a passé 33 ans et 6 mois de prison, l’article susmentionné peut s’appliquer à lui.

Il mérite un aménagement de peine.

Le quotidien de Mba Nteme à prison centrale de Libreville

En 1993, il met en place la première cellule de prière à la prison centrale. Désormais, les détenus peuvent se retrouver pour louer et prier le Seigneur. Son prénom est d’ailleurs « Theophile », c’est à dire « celui qui aime Dieu, » en grec.

Le vieux Mba est un fervent chrétien. De temps en temps, il n’hésite pas à m’évangéliser. Une fois, il m’a dit “je vais t’enseigner le mystère du brigand à la croix !”

Depuis 33 ans de prison, il n’a jamais fait l’objet d’une sanction disciplinaire de l’administration pénitentiaire.

Ses relations avec les matons, ses codétenus sont très cordiales.

Mba Nteme est aussi un grand bijoutier, il vit d’ailleurs des bijoux qu’il confectionne et  vend à certains détenus ou à des visiteurs.

J’ai un ami personnel qui raffole des bijoux de Mba Nteme. Parfois, quand lui-même n’est pas disponible pour se rendre à la prison, il m’appelle « Lionel, stp, dis à Mba Nteme de te remettre mes bijoux s’il a fini avec. » Je ne vais pas citer son nom, pour éviter les problèmes ! Parce qu’il dit aux « go » que son bijoutier est situé à côté de la présidence !

Mba Nteme effectue également les corvées. Il est chargé de prendre les colis des visiteurs pour les remettre aux détenus.

Âgé aujourd’hui de 70 ans, et après 33 ans de prison, le vieux Mba n’a qu’un seul rêve, celui de recouvrer sa liberté, afin de finir ses jours aux côtés de sa famille, et de ses petits-fils qu’il n’a jamais vus. Il sollicite alors la grâce présidentielle ou une liberté conditionnelle sur la base des articles 2 et 5 de la loi n° 3/2010 du 15 Février 2010 portant abolition de la peine de mort en République gabonaise.

 

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