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Le Gabon,  cocotte-minute sans soupape ?

La cocotte-minute est un autocuiseur avec fermeture à baïonnette. Il permet de cuire les aliments sous haute pression. Son usage a provoqué de nombreux accidents occasionnant de graves brûlures causées par le non fonctionnement de la soupape de sécurité. De nos jours, les cocotte-minutes obéissent à des normes de sécurité qui retiennent l’ouverture du couvercle tant que le récipient reste sous pression. Vous avez deviné, le Gabon est à l’image de cette cocotte-minute. La révolution dite des casseroles démontre que notre nation est bien un pays sous pression et qui, sans un Etat-soupape, peut voler en éclats à tout moment.

Les Gabonais sous pression depuis 2016

2016, un immense espoir d’alternance s’est heurté à une riposte sanglante sans précédent de la part du pouvoir en place. A cela sont venues s’ajouter tout un lot de contrariétés auxquelles ont été confrontés, chaque année un peu plus, les Gabonais. Nous faisons référence ici à ces drastiques et systématiques restrictions des libertés par la répression systématiques des manifestations de rue, au coût de la vie et à la réduction du pouvoir d’achat, à l’augmentation hyperbolique du nombre de demandeurs d’emplois, à la fiscalité obérante des mesures individuelles liées à la lutte contre le Covid-19, au danger que constitue l’activité de ces véritables clusters que sont les établissements scolaires. On ne saurait passer sous silence la question de l’insécurité grandissante qui fait l’actualité. Avec ces deux Gabonais, Gildas Iloko et Gency Emane Mvomo, qui sont, pour ainsi dire, passés à la casserole sans que l’on ne comprenne véritablement ce qui s’est passé. OssoukaRaponda, sous pression, s’est engagée à ce que toute la lumière soit faite sur ces meurtres, et, certainement pour faire baisser la tension palpable, à ce que, par ailleurs, les tests et les transports repassent à la gratuité. Cela empêchera-t-il que mijotent  quelques questions dans nos têtes : qui détient les armes dans ce pays ?

Qui a accès aux balles réelles au Gabon ? Cela empêchera-t-il qu’à ces questions se concoctent des réponses prévisibles doigtant…l’Etat. D’ailleurs, n’est-ce pas pour se prémunir contre cette probable mise à l’index, que la police et le procureur de Libreville pointent déjà des « personnes non-identifiées et encagoulées », un commando qui aurait donc ouvert le feu sous le regard impuissant  des forces de sécurité. Possible mais curieux. Ce début de version officielle ne pourra estomper de nombreuses interrogations auxquelles l’enquête, qui vient de s’ouvrir,  se heurtera. Viendra s’y additionner le climat d’insécurité qui n’épargne pas Port-Gentil où, en introduisant innocemment une grenade dans une église du quartier Trois-Filaos, un chrétien a causé un drame. L’arme a explosé, faisant plusieurs blessés dont le fils du pasteur qui s’est vu amputé de ses deux bras. A qui d’autre que  des agents des forces de l’ordre peut appartenir un tel engin ? 

Et, comme se le demande très justement un confrère : « Si les faits tels que décrits sont avérés, comment expliquer que pour faire respecter des simples mesures gouvernementales, notamment le respect par les populations du couvre-feu, des forces de défense et de sécurité soient équipées d’armes de guerre explosives telles que les grenades. Comment cette arme a-t-elle pu se retrouver abandonnée à même le sol sur le lieu d’un check-point ? A quel agent appartenait-elle ? Et, à qui imputer la responsabilité ? »

Déficit de crédibilité du pouvoir et possibilité d’instrumentalisation

Il faut bien le reconnaître, depuis 2016, la relation gouvernants-gouvernés n’a fait que s’abimer dans notre pays. Alimentée qu’elle est par le manque de transparence récurrent au cœur même de la présidence de la République, les ramifications de la corruption au sommet de l’Etat, les infrastructures – notamment routières – délibérément délaissées, l’appauvrissement généralisé, le piétinement de leurs propres Accords d’Angondje etc… Les conséquences d’une telle situation aggravent les fractures sociales. Comment dans ces conditions penser que la parole de l’Exécutif porte une once de crédibilité et sera suivie ? Que les Gabonais la bravent, on ne saurait s’en étonner. Les gouvernants devraient plutôt réfléchir à comment gagner la confiance de Gabonais sous pression depuis 2016. D’autant qu’on dit en Italie que dans une casserole, il y a un désordre apparent, mais si l’on tire sur un spaghetti on peut le suivre du début à la fin. Et, par ailleurs, qu’une casserole qu’on surveille ne déborde jamais. Or les choses ont commencé à déborder à Libreville et à Port-Gentil. Instrumentalisation ? Pas instrumentalisation ? Les « révolutions de couleurs » venues d’ailleurs, ça existe et ça s’exporte.

 Stéphane MWAMEKA

 

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