Dans un pays où la transparence des chiffres est la hantise des experts de l’opacité, quoi d’étonnant d’apprendre que 31 ne constituent pas la majorité absolue de 61.
C’est vrai que nous sommes au Gabon. De fait, il existe plusieurs types de majorité au cours d’une élection : la majorité simple ou relative, la majorité absolue. Si à la majorité simple, c’est celui qui recueille le plus grand nombre de voix – même si ce n’est pas la moitié des voix- qui l’emporte, il en va tout autrement pour ce qui est de la majorité absolue où le vainqueur doit nécessairement accumuler la moitié des voix plus une voix. Mais, partout dans le monde, deux modes de calculs de cette majorité absolue sont généralement usités en fonction du nombre des suffrages.
Si la totalité des suffrages aboutit à un nombre pair, la majorité absolue est égale à la moitié des voix plus une voix. Prenons 64 voix exprimées, un chiffre pair qui conditionne la manière dont, la majorité absolue sera obtenue : 64/2= 32 +1= 33. Mais, s’il s’avère que le nombre de suffrages exprimés est, comme à Bitam, impair (61), on passe à un autre type de calcul. On rajoute 1 voix à 61 pour atteindre le chiffre pair supérieur, 62, que l’on divise ensuite par 2. Soit 61+1=62/2=31. Donc, sous d’autres cieux, 31 est bel et bien supérieur à 30.
Que s’est-il passé à Bitam ?
A Bitam, il y a eu 64 inscrits, 63 votants, 2 bulletins blancs ou nuls et, finalement 61 suffrages exprimés. Et, il faut bien le rappeler ici, ce n’est pas sur la base du nombre de votants que se définit la majorité absolue, comme le laisse entendre notre confrère Yannick Franz Igoho de « l’Union » qui, tout en reconnaissant que « le jeune loup a bousculé le doyen Emmanuel Ondo Methogo », explique que Christian EdouMintsa a obtenu « 31 voix sur les 63 votants ». Présenté ainsi, cela conforte l’idée selon laquelle le candidat DN n’a pas atteint la majorité absolue. C’est déjà là une méprise de la part de notre confrère car c’est plutôt à partir des 61 suffrages exprimés que se définit la majorité absolue.
Mais, on comprend…pour les besoins de la cause que ne justifierait-on pas ? En fait, alors que la commission départementale électorale du CGE avait entériné l’évidence que 31 sont bien supérieurs à 30 et que Christian EdouMintsa l’avait emporté, la commission provinciale électorale a fait le calcul inverse en divisant les 61 suffrages exprimés par 2, ce qui donne 30,5 auxquels elle a rajouté 1 voix pour trouver la majorité absolue : 31,5, soit 51,63%. Le problème c’est que, dans le monde réel, un demi-conseiller de 0,5%, cela n’existe pas. En revanche, dans le monde réel du département du Ntem, 31 conseillers, c’est bien la majorité.
DN face au pays officiel
C’est une véritable prouesse que celle réalisée par le parti de René Ndemezo’Obiang. Personne ne donnait cher de la peau de DN qui, en tout et pour tout, ne dispose que de 14 conseillers à la commune et au département réunis. Il lui aura fallu convaincre 17 conseillers pour atteindre un nombre suffisant de suffrages pour gagner. Parmi ces 17, un grand nombre appartient à un parti, le Parti Démocratique Gabonais, en pleine guerre des chefs. C’est au vu et au su de tous qu’Emmanuel Ondo Methogo, lors des primaires de son parti, a fait campagne contre ses propres camarades candidats à la candidature au poste de sénateur du Ntem. Le revers de la médaille de toute primaire. Il en est resté des traces et des rancœurs. En effet, l’embarcation PDG, ballottée par ses contradictions internes, a sérieusement tangué. Et, en fine lame politique, le leader de DN ne s’est pas privé de mettre cette situation à profit. Accusant le coup après la proclamation des résultats par la CDE qui donnait DN vainqueur du scrutin, la secrétaire nationale du PDG, venue superviser l’élection a immédiatement convoqué une réunion dont le contenu était sans appel : exclusion de tous les conseillers PDG à l’exception du candidat et de son suppléant.
Mais, alors que tout Bitam exultait de joie à l’idée que Méthode était tombé, il n’a fallu que quelques jours au pays officiel pour se reprendre, invalider la décision de la commission départementale électorale et appeler à un second tour. Et s’il y a quelqu’un qui sait que cet Etat-là n’a pas pour usage de revenir sur ses décisions, c’est bien René Ndemezo’Obiang. Ce qui pourrait expliquer que DN a préféré boycotter ce second tour pour s’éviter une défaite programmée par le pouvoir et plutôt surfer sur le résultat du premier tour qui fait de DN le parti d’opposition élu mais spolié de sa victoire. Laissant ainsi à Emmanuel Ondo Methogo le soin de vanter seul la victoire par procuration d’un « Sénateur par procurations » comme moqué par de nombreux Bitamois.
Parti d’opposition, DN s’est positionné comme tel face au PDG à Bitam et à Mitzic. En revanche, beaucoup, à Bitam, se posent la question de savoir qui, en définitive, le parti de Guy Nzouba Ndama, « Les Démocrates », a soutenu dans le bras de fer qui vient d’opposer Ondo Methogo à Ndemezo’Obiang. Le candidat du PDG ou celui de l’opposition représentée par DN ? Car un soutien franc et entier de « LD » aurait certainement permis de dépasser les 31 et de clore ainsi les débats. Cela se saura.
Stéphane MWAMEKA