Plus connu sous le nom de photographe, le chasseur d’images est une activité très en vogue, en ce moment, à Libreville, la capitale. En majorité des jeunes gens, on peut rencontrer les photographes un peu partout dans la ville, que ce soit à des carrefours, des ronds-points et sur des lieux de détente (Bars, restaurants, plages …). Cependant, à l’instar de la friperie et du transport de marchandises, cette activité dépend, grandement, de la mobilité des personnes.
S.M est un jeune compatriote d’une vingtaine d’années qui vient d’être admis en classe de Terminale. Tous les jours, dès 8h, il quitte son domicile, sis à Okala, qu’il partage avec sa mère, pour se rendre au Rondpoint d’Awendje, où il exerce le métier de photographe. « Je le fais d’abord par passion, parce que j’aime vraiment ça ; ensuite, pour payer mes futurs frais de scolarité », dit- il. Il demeure en ce lieu jusqu’à 17h, au plus tard, « car on rencontre souvent des difficultés pour rentrer, en raison des embouteillages. Dans ce cas, je fais un bout du trajet à pied ou bien je compte sur une bonne volonté pour m’avancer ou m’emmener jusqu’au quartier. Parfois, il me faut 2.000 FCFA pour le taxi aller et retour », a – t – il ajouté. Quand on lui demande qui photographie – t – il en priorité, il soutient qu’il n’a pas de préférence. « On photographie tout le monde, sans distinction, homme comme femme, petits et grands. Les couples d’un certain âge préfèrent qu’on leur tire leurs photos tandis que les plus jeunes les veulent dans leurs téléphones ». Toutefois, le futur candidat au baccalauréat 2021 reconnaît que « les jeunes filles sont mes meilleures clientes : en raison des réseaux sociaux, elles veulent être à la page et communiquer sur tout ce qu’elles font ». En ce qui concerne sa recette journalière, le chasseur d’images déclare que « ça dépend du nombre de personnes disposées à acheter les photos : on fait 3 photos à 500 FCFA mais si le client en prend plusieurs, on peut les lui faire à 100 FCFA l’unité. C’est mieux que rien, même si ce n’est pas grand-chose ».
Coronavirus et Droit à l’image
« En raison de cette maladie, il y a moins de personnes qui se promènent et les recettes se sont amoindries, alors que c’est une activité, en temps normal, qui est très rentable », déclare R.D.N, un autre jeune chasseur d’images, qui vient de décrocher son sésame pour le cycle supérieur et exerce cette activité pour financer de futures études à l’étranger car il rêve de devenir ingénieur en génie civil ; S.M renseigne sur une autre tracasserie liée à l’activité et au Coronavirus. « Chaque vendredi à 14h, il y a des policiers venant du Commissariat de Belle – Vue 2 ou du 5ème arrondissement qui font des descentes ici et nous malmènent, nous accusant de provoquer des attroupements de plus de dix personnes. Alors, ils confisquent nos outils de travail et nous disent que si l’on veut les récupérer, il nous faudra débourser la somme de 50.000 FCFA à payer dans leurs locaux. Or, vu notre situation, nous sommes obligés d’exercer un autre travail pendant au moins deux semaines pour réunir la somme requise. Et certains d’entre nous louent ces appareils auprès de particuliers à 5.000 FCFA.
Cela fait un mois que l’on n’arrive plus à travailler convenablement à cause de toutes ces descentes ». Ce n’est pas tout : il arrive souvent que des riverains et des photographes en viennent aux mains ; la raison évoquée est le droit à l’image, consacré par l’article 87 du code civil gabonais. « Il y a des gens qui s’imaginent que l’on va publier leurs images sur les réseaux sociaux, d’où l’importance de demander la permission des gens avant de les photographier », souligne R.D.N. « Ces choses – là sont aussi liées à l’éducation et à la mauvaise foi », ajoute S.M. Et à la question de savoir comment l’Etat pourrait aider au bon déroulement de l’activité, c’est, entre autres, la même requête qui revient : le déconfinement total.
« D’habitude, on arrêtait à 20h ; aujourd’hui, c’est à 17h au plus tard », soutient S.M. « L’Etat devrait encourager les jeunes à se lancer dans la photographie car elle empêche la propagation des délits, constitue un moyen de payer ses études et de subvenir à ses besoins, tout en s’affranchissant de la dépendance parentale. Je conseille à mes frères de s’y mettre », poursuit R.D.N. ; Et S.M de conclure, tout en lançant un appel aux pouvoirs publics : « L’Etat peut nous aider d’abord en organisant un ramassage régulier des ordures car des immondices s’entassent aux ronds-points d’Awendje et de Nzeng – Ayong, ce qui ne fait pas beau sur une photo. Ensuite, en envoyant des patrouilles de police, non pour nous brutaliser, car nous ne sommes pas des voyous, mais pour sécuriser la zone, parce que des fois, des conflits éclatent en raison d’un regard de travers. D’ailleurs, vendredi dernier, un gars s’est fait poignarder ici, au Rond-Point d’Awendje ». Espérons que ces doléances recevront un écho favorable !!!!
Yohan Freddy NGUEMA ZUE