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Education nationale : Les sanctions infligées viciées en droit

Le Professeur Mouguiama Daouda, le Ministre de l’Education nationale, a pris des sanctions et le couperet est tombé sur la tête de plusieurs responsables d’Etablissements du secondaire, dans ce que l’on peut désormais appeler la ‘’saga des faux bulletins’’. Qu’un Ministre en vienne ainsi à sanctionner dans un élan de salubrité pour tordre le cou à de mauvaises pratiques, ne peut que réjouir les citoyens et autres habitants de ce pays.

Mais, l’émotion dépassée, il convient tout de même, de se poser de bonnes questions. L’enseignant du secondaire public est avant tout un fonctionnaire de l’Etat régi par le Statut général de la Fonction publique, le Code de déontologie de la Fonction publique, le Statut général des fonctionnaires et, en l’occurrence, le statut particulier de l’Education nationale. Dans ce registre, le Statut général des fonctionnaires dispose que : «  toute faute commise par un fonctionnaire, dans l’exercice de ses fonctions, l’expose à des sanctions disciplinaires qui vont des sanctions mineures, dont la suspension temporaire dans les seuls cas limitativement énumérés, et des sanctions majeures, qui prévoient également la suspension de fonctions dans les autres cas que ceux prévus dans les sanctions mineures ».

Les sanctions mineures sont infligées immédiatement par décision du Ministre responsable, sans consultation préalable du conseil de discipline, mais après explications écrites de l’intéressé en ce qui concerne les fonctionnaires servant dans les administrations centrales ; et par les gouverneurs et chefs de missions diplomatiques pour les fonctionnaires exerçant à l’intérieur et à l’extérieur du pays. On note donc que la condition préalable, sine qua non, est celle de la demande d’explications. Or, dans les mesures prises par le Ministre de l’Education nationale, il semblerait, comme l’affirment certains des responsables sanctionnés, qu’il n’y a pas eu d’enquêtes formelles ni de demandes d’explications. Au surplus, dans ce qui apparait ici comme des sanctions majeures, il est clair, selon la loi, qu’elles ne peuvent être prises qu’après consultation d’un conseil de discipline qui émet un avis sur la sanction à appliquer. Le conseil de discipline offre la garantie du contradictoire pour le fonctionnaire qui reçoit obligatoirement le dossier de ce qui lui est reproché. A ce sujet, il faut se référer aux articles 126 à 144 du titre VII, intitulé ‘’Discipline’’, de la loi n°8/91 du 26 septembre 1991 portant Statut général des fonctionnaires pour comprendre tous les contours disciplinaires d’un fonctionnaire. Il en va de même de la loi n°20/92 du 8 mars 1993 portant Statut particulier des fonctionnaires du secteur éducation qui en son article 52 renvoie aux dispositions des articles 126 à 144 de la loi n°8/91 susvisée pour ce qui est des règles disciplinaires. Du reste, la loi n° 1/2005 du 4 février 2005 portant Statut général de la Fonction publique ne dit pas autre chose dans ses articles 87 à 91 mettant en présence un organe de décision et un organe consultatif appelé conseil de discipline, et instituant des garanties du droit de la défense.

Cependant, l’on constate que Ministre de l’Education nationale a pris des mesures apparemment conservatoires, sous forme de sanctions majeures, mais que celles-ci se heurtent en droit à de sérieux problèmes. Il apparait en effet que le Ministre a prononcé des sanctions de suspension sans avoir requis au préalable des explications de la part des intéressés, dans l’esprit du contradictoire, le conseil de discipline n’a pas été consulté pour avoir son avis sur de telles sanctions majeures.

Et, sauf dispositions particulières contraires, la loi n°8/91 prévoit que les sanctions majeures ne peuvent être infligées que par le Premier Ministre (article 134). On remarquera que le Ministre s’est arrogé le droit de suspendre des fonctionnaires jusqu’à une période de 5 ans, alors que la loi susvisée prévoit que la situation du fonctionnaire suspendu doit faire l’objet d’une décision dans un délai de 4 mois à compter du jour de la prise d’effet de la sanction. Car, durant la suspension, le fonctionnaire perd son droit au traitement à l’exception des prestations familiales. Et, à l’expiration de ce délai de 4 mois, le fonctionnaire est rétabli dans son droit au traitement si la sanction n’a pas été confirmée dans les termes de la loi. A notre humble avis, ce dossier est d’une importance telle que le Ministre se devait d’en saisir le Conseil des Ministres, compte tenu du fait que les responsables d’établissements sont nommés par décret et que le Ministre de la Fonction publique avait son mot à dire dans l’affaire qui tient tout de même du droit de la fonction publique. De la sorte, le Ministre est-il allé trop vite, trop loin, sans s’assurer de tous les contours et se souciant davantage de  ‘’l’effet de com’’ ? Pour jeter aux chiens des fonctionnaires d’un tel niveau, le Ministre en a-t-il mesuré tous les contours au point de devoir se livrer maintenant à une justification à renfort médiatique ? Il ne serait pas surprenant, même s’il a cru bien faire, que sa hiérarchie le désavoue pour non-respect des normes et du ‘’politiquement correct’’. Car, le Professeur de linguistique, qui n’est pas un tantinet juriste, devrait savoir que les textes qu’il prend doivent répondre à l’Etat de droit et ses mesures ne pas obéir à toute visée populiste. Et qu’il se dise bien que le pouvoir, dont quelqu’un a dit qu’il est ‘’l’aphrodisiaque suprême’’, n’est jamais solidaire dans le politiquement incorrect.

Tout le monde est d’accord avec lui qu’il faut s’attaquer aux maux qui minent l’Education nationale, mais il importe pour cela d’être transparent à tous les niveaux, de se conformer au droit et de ne pas viser de petits calculs. Le temps nous en dira certainement plus !

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