Les évènements du 30 août 2023, un mois après, quel apport et que comprendre ? Certes, en cinq semaines, il semble hasardeux de faire une autopsie du pouvoir de Brice Clotaire Oligui Nguema, mais la politique étant comparable à un plat de viande de bœuf qu’il faudrait consommer quand c’est encore chaud, au risque de se retrouver avec des lèvres couvertes de graisse asséchée perdant par la même occasion le bon goût de ce plat longtemps convoité. Le plus souvent, l’infortuné, pour se débarrasser de cette couche de graisse gênante, se racle les lèvres au risque se les pincer et, bonjour la douleur.
C’est fort de ce dicton que m’avait partagé dans les années 80 mon ami, feu Édouard MBADOU qu’il est nécessaire, pour tout gabonais et ami du Gabon de se pencher sur la question. Le 30 août 2023 a apporté la réconciliation du peuple gabonais et son armée, réconciliation qui était plus que nécessaire vu la fracture qui, depuis les élections présidentielles de 2009 jusqu’à celle de 2016, avait créé un véritable désamour entre le peuple et toutes ses forces de sécurité et de défense au motif que ces agents de l’État, de par leur statut et leurs missions exécutaient de façon aveugle les ordres iniques que
leurs donnaient les politiques au pouvoir, considérés par ce peuple comme leurs bourreaux d’autant plus que l’exécution de ces ordres ont toujours été émaillées de grandes violences, ce désamour existait entre ces deux principaux acteurs de la nation. Il était donc impératif voire vital d’y remédier et c’est ce qui fut fait ce 30 août 2023 où les regards en chien-Fayence ont fait place aux embrassades.
Il y’a aussi eu cet apaisement social et surtout ces visages rayonnants, exprimant la paix qui n’est pas l’œuvre principalement des militaires mais plutôt la réaffirmation de la nature profonde voire viscérale attachée à la paix mais l’action des militaires du 30 août a été l’électrochoc qui a réveillé cette fierté restée longtemps endormie à cause des actes de dépossession psychologiques devenus le mode opératoire des autorités déchues par l’armée gabonaise. Ces points positifs relevés, il est tout aussi important d’esquisser une analyse sommaire qui peut être légère ou approximative mais elle a le mérite d’être faite sur la vision des nouvelles autorités gabonaises qui avait entre autres, deux options pour entamer la transition. Soit le Président de la transition Brice Clotaire Oligui Nguema faisait dans le classicisme de prise de pouvoir par les militaires à savoir :
1) former un gouvernement de militaires, des institutions de transition dirigées par des militaires tout comme il pouvait placer ses frères d’armes dans tous les postes de la haute administration et laisser les politiques s’organiser et se préparer pour les élections de l’après transition, ce qui l’aurait épargné les quelques critiques sur la présence de certaines personnalités contestées par l’opinion publique gabonaise surtout quand ces dernières sont du parti démocratique gabonais ( PDG) au pouvoir depuis près de 60 ans ce qui, aux yeux de certains ressemble à un recyclage des vieilles peaux politiques et pour d’autres, à de la provocation.
Tout comme le Président Oligui Nguema pouvait décider de ne pas mettre en place le Sénat et l’assemblée de la transition car seule s’imposait une assemblée constituante, mais le CTRI a décidé de nommer des parlementaires de la transition (Sénat et assemblée Nationale) s’attirant encore quelques critiques sur la part donnée au parti politique et ses affiliés restés longtemps au pouvoir. C’est là où rentre en jeu et la tactique et la stratégie politique des militaires car la deuxième option, qui est celle de faire participer toute la classe politique, tous les bords confondus, la société civile, les activistes et autres composantes de la diaspora semblait être la plus risquée en raison des points évoqués dans la première option mais c’est celle-là que Brice Clotaire Oligui Nguema a choisi, il lui a fallu beaucoup de courage et d’audace tout en espérant qu’il a bien calculé le risque de ne pas refroidir l’élan et la sympathie des premiers jours affichés par le peuple à sa personne.
Tactique et stratégie disais-je car, l’avantage que le CTRI a avec cette deuxième option, c’est que les militaires pourront rétorquer aux critiques des politiques, société civile et autres activistes à la fin de la transition, si le bilan est mitigé, que : l’armée est venue pour la restauration des institutions et nous vous avions laissé le reste, » le grand reste » à savoir : l’économie, le social, la politique etc.
Nonobstant toutes les interprétations politiciennes et le regard très critique de plusieurs gabonais qui ont magnifié l’opération du 30 août, le bilan du premier mois de la transition est positif à plusieurs égards, c’est vrai que les familles précaires n’ont pas encore vu leur quotidien changé mais certains actes et quelques annonces mises en application je citerai pêle-mêle, la gratuité de la scolarité dans les établissements publics et reconnus d’utilité publique, le retour des bourses dans le secondaire, les pensions des retraités, les mille enseignants désormais dans leurs droits, les annonces sur le foncier aux gabonais, la priorité des emplois aux gabonais. N’oublions pas les poursuites et la récupération dans des caches des barons du pouvoir déchu, des quantités d’argent inimaginables, toutes devises étrangères confondues et autres valeurs refuges, toute chose qui n’est pas pour déplaire au peuple.
Le quitus pour son premier mois passé à la tête du pays peut lui être donné mais la suite nous en dira plus.
Jean Hilaires Biteghe Obame , journaliste d’investigations, lauréats international, dunkerque, bull international URTI