Malgré le fait qu’elle soit prohibée et condamnable, puisque les indélicats qui en tirent jouissance encourent jusqu’à 5 ans d’emprisonnement ferme, assortis d’une amende allant jusqu’à 10 millions de nos francs, la pratique répréhensible des prêts à l’usure prend de plus en plus d’ampleur. Touchant en grande partie des agents publics. La fermeté des banques à accorder des crédits au moins nantis est la conséquence de ce phénomène.
Crédit très rapide : de 2 millions, 7 millions de Fcfa, Crédit en espèces, pour fonctionnaires et privés, Crédit facile en 2 heures, de 100 000 à 3 000 000 Fcfa. Ces messages publicitaires suivis des adresses des prêteurs, régulièrement publiés dans les journaux gabonais, ont totalement disparu ces derniers mois. En juillet dernier, le Conseil national de crédit (Cnc) a vivement condamné la prolifération de ces établissements de crédit illégaux. Cette décision a certes fait disparaître la publicité dans les médias, mais pas la pratique. Les offres de crédits circulent désormais de bouche à oreille. Les taux d‘intérêt vont de 30 à 40 % par mois, alors qu’ils ne dépassent guère les 15 % annuels dans les banques traditionnelles. « j’ai été abordé dans une banque par un usurier qui m’a proposé un crédit en deux heures, alors que je revenais, sans succès, de chez mon gestionnaire pour la troisième fois, pour solliciter un prêt afin d’inscrire ma fille dans une école en France », raconte M. Minko Edou. Sans se soucier du taux d’intérêt fixé à 25 % par mois, il a accepté l’offre. « Avec le temps, le crédit est devenu trop lourd. Plus les mois passaient, plus les remboursements étaient impossibles avec mes propres revenus. Et depuis, je vais de crédit en crédit. Un vrai cauchemar ! », confie-t-il, démoralisé. Le recours croissant aux usuriers s’explique d’abord par la crise économique de plus en plus aigüe qui secoue le pays : le taux de croissance ne dépassant pas 1,3 %, alors que la population augmente de 2,5 % par an et que l’inflation dépasse 2 %. La situation a empiré avec la hausse de la TVA passée de 18 à 25 %, qui a fait flamber les prix sur les marchés de Libreville. |
D’après une étude de la Banque mondiale réalisée en 2003, 29 % de la population gabonaise vit aujourd’hui dans une extrême pauvreté. L’ouverture d’un compte bancaire est soumise aux mêmes conditions. En outre, les banques conditionnent les prêts. La présentation des trois derniers bulletins de salaire et souvent d’une personne qui se porte caution, si le prêt sollicité est important. Les petits fonctionnaires et une bonne partie de la population sont donc exclus des circuits conventionnels de crédit, car le salaire minimum garanti varie de 44.000 Fcfa à 92.000 Fcfa suivant le secteur professionnel, inférieur au minimum requis pour ouvrir un compte bancaire. Seule solution alternative, le micro-crédit proposé par des institutions spécialisées. Il est encore peu développé au Gabon. En 2003, le secteur de la microfinance comptait 2450 clients au Gabon et près de cent fois plus au Cameroun. A l’époque, c’est le Fonds d’expansion et de développement des petites et moyennes entreprises (Fodex) qui proposait des crédits aux plus démunis et aux petites entreprises. Mais depuis lors, cette entité, pour cause de mauvaise gestion a mis les clés sous le paillasson, obligeant de nombreux Gabonais en manque de ressources de se tourner vers ces prêteurs d’un autre genre qui se sucrent sur le dos des miséreux. Vivement interpellés par l’association gabonaise des usagers des banques (AGUB), le gouvernement Ndong Sima, notamment les ministres des Comptes publics, de la fonction publique et de la Défense nationale sont appelés à se saisir de cette question aux multiples facettes qui, dans l’ombre, détruit des vies et des familles. Le gouvernement qui milite pour une plus grande inclusion financière, doit donc se saisir de cette problématique urgente qui participe à aggraver la pauvreté et à exacerber les disparités économiques. LMA |