L’annonce, par le président de la transition, chef de l’état, d’amnistier les prisonniers d’opinions, lors de son discours d’investiture, le 4 septembre dernier, a-t-il sonné le glas de la justice des vainqueurs ?
«Notre pays mérite des institutions fortes et crédibles. Une gouvernance assainie, plus en phase avec les normes internationales en matière de respect des droits humains, des libertés fondamentales, de la démocratie et de l’état de droit», indiquait le 4 septembre dernier, le président de la transition, chef de l’état, le général de brigade, Brice Clotaire Oligui Nguema, lors de son discours d’investiture, le jour sa prestation de serment. Un moment particulier pour le Gabon, qui venait d’ouvrir une nouvelle page de son histoire, avec l’avènement au pouvoir, le 30 aout 2023, des forces de défense et de sécurité, après plus de 55 ans de pouvoir d’un même parti et d’une même famille, le parti démocratique gabonais et le clan Bongo.
Ainsi, après avoir dénoncé une mauvaise gouvernance du pays, plusieurs décisions ont été publiquement prises par le nouvel homme fort du Gabon. Entre autres, «amnistier les prisonniers d’opinions». Le lendemain, la parole a été jointe à l’acte, avec la libération du charismatique leader syndical, Jean Rémy Yama, l’ancien maire de Libreville, Léandre Nzuè, et l’ancien directeur général de la Caisse national d’assurance maladie et de garantie sociale Renaud Allogo Akué, pour ne citer que ces derniers.
On se souvient que lors de son arrestation à l’aéroport de Libreville, alors qu’il se rendait à Dakar pour des soins médicaux, la société civile avait dénoncé une arrestation arbitraire liée aux opinions de l’universitaire. Mais la justice aux ordres, pour justifier son acte, avait brandi les faits de droits communs : escroquerie, détournements de fonds et abus de confiance. Les mêmes griefs qui ont été quasiment reprochés à l’ancien maire de Libreville et à l’ancien DG de la CNAMGS.
Lorsque, le 5 septembre dernier, le nouveau pouvoir requalifie les faits en considérant ces anciens détenus de prisonniers d’opinions, il est clairement et officiellement établi que l’ancien régime s’est longuement servi de la justice pour neutraliser ses adversaires politiques et ceux qui à ses yeux étaient persona non grata. Avec à la manœuvre, une chaine judiciaire malléable à souhait. Au détriment de la séparation des pouvoirs.
Des exemples sont légions qui montrent que la justice gabonaise, dans la plupart des cas, a toujours jugé en faveur des tenants du pouvoir. Et ce n’est d’ailleurs pas fortuit, lorsque, en paraphrasant l’ancien président ghanéen, Jerry John Rawlings, le président de la Transition, chef de l’état, le général de brigade Brice Clotaire Oligui Nguema, a déclaré dans son discours d’investiture : « Quand le peuple est écrasé par ses dirigeants avec la complicité des juges, c’est à l’armée de lui rendre sa liberté » Avec l’avènement du comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), un aggiornamento du corpus judiciaire du Gabon s’impose. Et les magistrats qui ont jugé injustement doivent répondre de leurs actes.