Le sucre qu’il soit en morceaux ou en poudre, pourtant produit au Gabon, devient une denrée rare, voire inexistant sur les étals de plusieurs boutiques et supermarchés de la place. Quelles en sont les causes ?
Depuis des semaines, les Librevillois, en particulier et les Gabonais en général, sont, chaque matin, à la recherche d’un paquet, voire des morceaux de sucre pour leur petit déjeuner. Mais, à la grande désolation des populations, se sont le plus souvent des rayons clairsemés, voire vides. Les stocks sont, le plus souvent, épuisés dans la plupart des boutiques et supermarchés. Alors que cette situation désarçonne aussi bien les revendeurs du précieux produit, que leurs clients, aucune explication n’est fournie à ces derniers. En dehors de la société Setrag qui, accusée d’être à l’origine de cette pénurie, a décliné toute responsabilité quant à cet état de fait: «personne ne fournit d’explications sur la pénurie de sucre. Quand je passe commande chez les Chinois à partir de 200.000 FCFA, ils ne donnent que cinq cartons», se lamente Bayal Dione, un commerçant de Libreville.
Cette baisse de la distribution du sucre n’est pas sans conséquences sur ceux qui s’en servent au quotidien comme les restaurateurs, les pâtissiers ou les vendeuses de beignets. Ces petites et moyennes entreprises qui ne sont pas exonérées de taxes municipales et d’autres taxes parafiscales, ne savent plus à quel saint se vouer.
Mais où donc est passé le sucre de la société de Sucrerie africaine (Sucaf)?
Selon sa filiale gabonaise du français Somdiaa, cette pénurie s’explique par des problèmes logistiques, liés au transport ferroviaire et routier, ce qui limite l’acheminement des stocks de la compagnie dont les usines sont implantées à plus de 700 km des principales zones de vente. Faux, rétorque la Setrag : « Depuis la reprise du trafic ferroviaire, le 04 mai dernier, toutes les commandes de transport reçues des logisticiens de Franceville à Owendo ont été satisfaites sans exception. Setrag ne peut donc assumer la responsabilité d’une quelconque rupture de sucre, car sa distribution dans les surfaces de vente ne relève pas de notre champ de compétence », a indiqué la Directrice commerciale de la Setrag, Ginette Lalet.
Alors que les spéculations vont bon train, il serait important de revenir sur le cri d’alarme lancé, en février 2022, par le collectif des agents de la Sucaf. Lors d’une rencontre avec le Vénérable Pierre Moussounda, le représentant des agents avait tiré la sonnette d’alarme, en indiquant l’urgence de l’Etat à payer à l’entreprise la dette de 8 milliards 565 millions de Fcfa. Une dette qui est due au non-respect des engagements pris par l’Etat gabonais, en 1999, lors de la création de la Sucaf Gabon (Sucrerie africaine du Gabon) qui avait fait suite à la privatisation de la Sosuho (Société Sucrière du Haut-Ogouée). Un non-respect des engagements qui fait supporter à la Sucaf au titre des coûts sociaux, une enveloppe annuelle de plus de 565 millions de Fcfa, ce, depuis 1999.
Il est à rappeler que lors de la signature du protocole d’accord entre l’Etat gabonais et la Sucaf, le point 15 en son paragraphe 15.1, dispose que : « l’Etat gabonais devait rembourser à la Sucaf toutes les charges sociales qu’elles supporteraient ». 23 ans plus tard, et comme à ses habitudes, l’Etat gabonais n’a toujours pas honoré son engagement.
Serait-ce la cause évidente de la pénurie connue actuellement ? Tout porte à le croire. La Sucaf serait actuellement essoufflée de cette situation et pourrait, si l’Etat ne règle pas la facture, mettre la clé sous le paillasson. Avec pour corollaire le licenciement des centaines d’agents qui viendraient gonfler le taux de chômage déjà en hausse dans le pays.
LMA