A la veille de la réouverture des lieux de culte au Gabon, le Révérend pasteur, Gaspard Obiang, leader de l’Eglise ‘’Son de la Trompette’’, fixe les principaux enjeux de cette reprise, mais égalementles batailles sociales liées à une meilleure prise en charge des malades mentaux au Gabon.
NB : Cette interview a déjà été publiée dans le Temps du vendredi dernier.
La réouverture des églises est imminente après 5 mois de fermeture due à la pandémie du Covid-19, quelles dispositions avez-vous prises au sein de votre communauté chrétienne, pour s’arrimer au cahier d’évaluation gouvernementale relatif au respect des mesures barrières dans vos Assemblées ?
Pasteur Gaspard Obiang : Nous avons accepté et compris l’urgence qu’il fallait des mesures drastiques, pour éviter, à notre pays, de subir l’hécatombe du Covid-19, comme cela s’est passé dans le reste du monde. Nous avons salué le confinement du‘’Grand Libreville’’ qui a favorisé la fermeture des lieux de cultes. Mais, il est important de rappeler que cette fermeture des lieux de cultes n’est pas assimilée à celle des Eglises proprement dite. Parce que la fermeture des Eglises, revient à l’interdiction des croyants d’exprimer leur foi en tout lieu. Or, nous n’en sommes pas encore là. Constatant la maîtrise de l’information sur le comportement du virus, nous saluons également l’assouplissement des mesures de restriction prônées par les autorités. Nous attendons donc,avec impatience, la décision gouvernementale sur la réouverture des lieux de cultes.
A notre niveau, nous avons pris des dispositionsnécessaires pour que les lieux de cultes ne soient pas des foyersde maladie ou de contamination. Car, on vient à l’Eglise pour recevoirla guérison et non la maladie. Nous avons mis en place un dispositifde distanciation sociale, à l’intérieur des temples ; nous avonsredéfinit les actes du culte, notamment la méthode de prière,d’impositions des mains, des offrandes, et de la sainte cène ; nousavons disposé dans la cour plusieurs points d’eau de lavage de mainset postés 4 personnes avec des thermo flashes à chaque entrée ; nous avons réduit le nombre de choristesintervenant par service, et ordonné le port obligatoire de bavettesdans l’enceinte de l’Eglise ; nous collons aussi les affiches auxabords des églises, pour sensibiliser davantage les fidèles sur lanécessité de respecter les mesures barrières. Nous croyons que parces mesures, l’église participera à freiner la courbe de propagationde la maladie. L’ensemble de ces mesures nous obligentà passer de 2 à 4 cultes par dimanche.
Comment avez-vous vécu ces 5 mois de fermeture des lieux de cultes ?
Ces 5 mois ont été très difficiles pour le fonctionnement administratif de notre institution. 5 mois sans activités, avec des charges fixes qui n’ont pas changé, ce n’est pas facile. Il a fallu plaider pour qu’on ne soit pas en difficulté sociale avec nos bailleurs. Le gouvernement a épaulé les sociétés pour les accompagner, mais aucune mesure d’accompagnement n’a été prise en faveur des Eglises qui ont aussi un personnel et les charges mensuelles à honorer. Toutefois, notre Eglise a été moins affectée,grâce à la mise en place des cellules de prière, transformant ainsi chaque foyer en une Eglise. Et un système de communication a été mis en place, pour entretenir, à distance, la foi de tous ces Chrétiens qui a abouti à un résultat positif. A telle enseigne que certaines familles qui étaient en lambeaux, avant le confinement, ont pu se reconstituer grâce à cette nouvelle vie de prière. Cela a été une occasion de rappeler, de temps en temps, aux enfants, leur rôle,vis-à-vis de leurs parents et de la Nation gabonaise. Et nous sommes prêts à repartir, beaucoup plus fort, après le confinement.
Le rôle de l’Eglise, c’est aussi venir en aide auxnécessiteux. Que fait aujourd’hui, votre Eglise le ‘’Son de laTrompette’’ du Gabon, en faveur des personnes en détresse ?
Notre église est engagée sur plusieurs champs,afin de répondre au cœur social de Christ. Et je citerai en exemple,parmi tant d’autres, notre programme dénommé ‘’MATSA’’ c’est-à-direManifestation de l’Amour à Tous Sans Appréhension. Un concept quiconsiste à s’occuper de la maladie mentale dans notre pays. Ceprogramme qui commence à porter des fruits sur le terrain, a été lancéen 2014. Il nous permet de donner de la dignité aux malades mentaux,par le nettoyage de leur espace de vie, notamment ceux qui sontinternés au Centre psychiatrique de Melen. Le lavage de leursvêtements, nous les coiffons, notre église contribue de façonrégulière à leur repas quotidien. Il y a quelques temps, nous avonsremplacés tous les matelas avec moustiquaires imprégnées même s’il estvrai que certains sont brulés par les malades. Cettesituation d’inconscience morale ne nous décourage pas.Et depuis le confinement, nous offrons un repas à chaque malade mentalpar jour, ce qui fait 7 repas par semaine, sur la trentaine demalades internés. Nous prions pour qu’ils recouvrent la guérison, etnous faisons un travail de réinsertion pour ceux qui sont réhabilités.Trois ont regagné leurs familles biologiques, nous lessuivons. Il y a une malade que nous louons une chambre, non loin del’Eglise ; un autre vient de reprendre son boulot à Bitam,après 30 ans de folie. On mène aussi des actions isolées dans lesmaisons où nous sommes interpellés. Nous procédions à la facilitationentre la famille et le centre psychiatrique de Melen.
Avant leconfinement, tous les premiers dimanches du mois, les malades venaientmanger avec nos chrétiens ici à l’église, après avoir participé auculte. Donc, la vision du programme ‘’MATSA’’, est d’éviter de voirles personnes déambulées dans les ruesde Libreville, parfois dénudées, en mangeant dans les poubelles.Chaque Gabonais a droit à la dignité, conformément à notreConstitution. C’est ce principe que nous nous attelons à mettre enselle.
Un tel challengenécessite des moyens colossaux. Qui financent vos actions ?
Nos moyens proviennent uniquement descotisations des membres de l’Eglise. Je tiens quand même à signalerque nous avons organisé notre plus grande convention OWLAH 2018, àcette occasion, nous avons lancé l’appel de fonds qui nous a permisde récolter une somme d’argent ayant contribué efficacement à laréfection intégrale du laboratoire du Centre Psychiatrique de Melen.Parce que lorsqu’un malade mental souffrait d’une hernie, par exemple,aucune structure hospitalière n’acceptait de le prendre. Or, aveccette structure, ce genre de désagrément ne se pose plus. Donc, nousleur avons offert un bâtiment flambant neuf, équipé d’un matériel informatique de pointe.
Avant de prendre congé de vous, avez-vous une dernière préoccupation ?
Je souhaite vivement que le peuple gabonaisse détourne de la politique politicienne qui est une vraie gangrène et paralyse le système social de notre pays. Dans nos perspectives,il est envisagé d’offrir un repas à chaque indigent de la rue. Car, cesderniers ne sont pas forcément des malades mentaux. Cessans domiciles fixes (SDF), méritent aussi d’être traités avec honneur.
Donc, occupons-nous des vrais problèmes du peuple gabonais. On n’a forcément pas besoin d’avoir un parti politique, pour s’occuper desproblèmes de nos compatriotes. La charité, définit comme laréponse de Dieu portée par l’homme en faveur de son semblable, est laplus forte des vertus que nous enseignent les Evangiles. Que le peuplegabonais, soit un peuple d’Amour, pour rebâtir un Gabon nouveau.
Merci et queDieu vous bénisse.
Entretien réalisé par Rufin Martial OkeNze.