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Ethnitisation de l’Etat : Max Anicet Koumba, Paul BiyogheMba, à qui le tour ?

La sortie de Max Anicet Koumba semble faire des émules. Le mercredi 22 décembre, Paul Biyoghe Mba (PBM) n’a pas mâché ses mots : « les Nzebi et les députés du G2 occupent la quasi-totalité des postes à l’assemblée nationale ». Régis Immongault et Ali Akbar Onanga sont sortis de la salle. Certains reprochent à l’homme de Bikele une absence de « hauteur de vue ».

 Selon ses contempteurs, Paul Biyoghe Mba aurait dû dégoiser à propos de l’eau, l’électricité, la santé, l’éducation, l’emploi ou la vie chère. Pour d’autres en revanche, « Paul BIYOGHE MBA a fait en plénière une brillante analyse des valeurs ou besoins qui ressortent des intervenants corédacteurs du Livre pour la Paix publié par l’Assemblée Nationale en juin 2021. Il en a identifié une trentaine, parmi lesquelles, un bien placé : le Partage. » Et à ce titre, pour Paul Biyoghe Mba la composition du Bureau de l’Assemblée nationale ne respecte pas cette valeur. Ni au plan géographique ni au plan ethnique. Sur 15 postes, le Haut-Ogooué dispose de 5 membres. Au plan ethnique, les « Nzebi » regroupent également 5 postes.

Et, un confrère en ligne qui adhère au coup de gueule de Paul Biyoghe Mba estime tout simplement que « Comme on le dit souvent, quand le Sage montre la lune, l’idiot regarde le doigt. Et comme sous tous les cieux, qui se sent morveux se mouche. » D’autres voix proposent d’ « organiser un débat à l’Assemblée Nationale et d’inviter le Député Biyoghe Bi Mba a bien expliquer ce qui ressort du “Livre pour la paix” publié par l’Assemblée Nationale. » Et de remémorer « le cas du Rwanda, du Congo Brazzaville et la guerre du Biafra au Nigéria et autres. Les exemples sont là, Ali Bongo Ondimba le sait mais ne fait rien pour mettre un terme au tribalisme. » Ali Bongo Ondimba est accusé de ne trouver « aucune solution face au problème du tribalisme qui est posé et qui est visible et palpable au sein de la société gabonaise. Pour lui c’est normal que le bureau de l’Assemblée Nationale se retrouve avec plus des députés du Haut-Ogooué et les Nzébi, le reste n’a que dalle. » Et d’illustrer plus largement les « métastases » de ce « problème du tribalisme » par le fait que « le Haut-Ogooué, une à deux ethnies sur 52 s’accaparent certaines administrations entières de la République. Cela semble être normal pour l’homme d’Etat qu’est Ali Bongo Ondimba. En plus de la direction générale de la documentation et de l’immigration là où on retrouve plus les frères du Haut-Ogooué, on peut ajouter la Douane, les Impôts, le trésor public, la Caistab, la liste est longue, trop longue. »

A les lire, tout en appuyant l’intervention de PBM, on peut même aller à penser que pour les pro-Biyoghe, leur champion n’aurait fait que dénoncer la pointe de l’iceberg alors qu’en fait, estiment-ils, le mal gabonais gît beaucoup plus profond. Il ne gît pas mais sommeille au cœur de la société gabonaise. Mais alors, pourquoi avoir poussé des cris d’orfraie lorsque Max Anicet Koumba s’est lâché dans une variante de « Tout sauf les Fangs » ? N’était-il pas, lui aussi, qu’une pointe de l’iceberg ? Un symptôme.

S’il faut aller au fond des choses, pourquoi l’ancien Premier Ministre n’a-t-il pas préféré échanger  en direct et en privé avec le Président de l’Assemblée Nationale, Faustin Boukoubi, ou avec celui de son parti, Ali Bongo Ondimba ? Pourquoi a-t-il voulu être entendu par le pays tout entier ? A qui s’adressait-il quant au fond ? Aux ressortissants du Haut-Ogooué ? Aux Nzébis ? Ou tout simplement aux Fangs des 5 provinces dont la sienne en particulier, l’Estuaire, tout en espérant être entendu par ceux du Woleu-Ntem, du Moyen-Ogooué, de l’Ogooué-Ivindo, et de l’Ogooué-Maritime qui, et PBM le sait, ont déjà entendu le son des voix des conseillers du Conseil National de la Démocratie conduits par un Fang: Gérard Ella Nguema contre Max Anicet Koumba. PBM sait, par ailleurs, que les deux poids lourds, René Ndemezo’Obiang et Jean EyegheNdong, en reprenant langue avec Ali Bongo Ondimba, viennent d’indiquer en gros la voie à suivre à leur communauté ethnolinguistique. C’est là une configuration politique que PBM ne saurait ignorer ou ne pas prendre en compte.

Alors, est-ce le sentiment d’avoir été pris de vitesse qui pousse PBM à faire feu de tout bois afin d’être politiquement visible aux yeux de sa communauté ethnolinguistique ainsi qu’à ceux du pouvoir ? Un pouvoir qui semble avoir décidé de préparer l’échéance 2023 prioritairement avec ceux qui, en 2009, ont fait gagner Mba Obame avec 34865 voix contre 27390 pour ABO…dans l’Estuaire, et avec 34093 voix pour AMO dans le Woleu-Ntem contre 5439 pour ABO. En  2016, Jean Ping l’emporte dans l’Estuaire avec 60,88% des voix et dans le Woleu-Ntem avec 72,9%. Chiffres officiels de la Cenap. Paul BiyogheMba fait partie de ceux qui n’ont pas réussi à faire gagner ABO  ni en 2009, ni en 2016 dans l’Estuaire. Agiter le drapeau ethnique, comme il vient de le faire en Décembre dernier à l’Assemblée nationale, ne vise-t-il qu’à réaliser ses ambitions – lesquelles exactement ? –  Si c’est le cas, sera-ce suffisant ? S’il est plutôt question de refondation de l’Etat qui est notre principal outil pour fabriquer, usiner, produire notre vivre-ensemble interethnique suffirait-il d’« organiser un débat à l’Assemblée Nationale et d’inviter le Député Biyoghe Bi Mba a bien expliquer ce qui ressort du “Livre pour la paix” publié par l’Assemblée Nationale. » ?

L’idée de Léon Mba pour bâtir l’unité nationale interethnique reposait d’abord sur une période de transition via une départementalisation française du Gabon. Mais, après l’accession à l’Indépendance, elle se fonda sur l’édification d’un régime présidentiel fort. Omar Bongo Ondimba, dans la continuité de la vision de son prédécesseur, a établi un régime présidentiel fort et mis en place un parti tout aussi fort qui mailla le pays tout entier pendant 22 ans. La géopolitique omarienne servant de lien et de dosage ethno politiques.

Les saillies de Max Anicet Koumba, les réactions de Gérard Ella Nguema et de ses collègues, la ruade de Paul Biyoghe Mba semblent démontrer que les braises de la division sont là à la merci de n’importe quel souffleur et que, donc, la nécessité de s’engager dans une refondation progressive de l’Etat s’impose aux Gabonais au-delà des propos provocateurs, des réflexes de défense identitaires et des calculs politiciens.

Stéphane MWAMEKA

 

 

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