En 2025, le Gabon confirme un paradoxe économique bien documenté : une croissance réelle, mais insuffisante pour transformer durablement les conditions de vie d’une large partie de la population. Les données disponibles dressent le portrait d’une économie à revenu intermédiaire confrontée à des déséquilibres structurels persistants, à l’heure où se pose la question d’un cap clair pour 2026.
Par Louis-Paul MODOSS ; Analyste économique

Selon la Banque mondiale, la croissance du produit intérieur brut (PIB) réel s’est établie à environ 2,9 % en 2024, avant d’entrer dans une phase de ralentissement. Les projections font état d’une croissance moyenne d’environ 2,4 % sur la période 2025-2027, un rythme jugé insuffisant pour réduire significativement le chômage et la pauvreté.
(Banque mondiale, Gabon Economic Update 2025, 26 juin 2025)
Avec un PIB nominal estimé entre 19,8 et 20,3 milliards de dollars américains en 2025, le Gabon conserve un poids économique notable en Afrique centrale. Cette performance macroéconomique est toutefois fortement contrainte par une dette publique élevée, proche de 78-79 % du PIB, limitant les marges de manœuvre budgétaires de l’État.
(Financial Afrik, 30 octobre 2025 ; CEMAC Éco Finance, 2025)
Sur le plan monétaire, l’environnement demeure relativement stable. L’inflation est estimée autour de 1,8 % en 2025, reflet de la politique monétaire prudente de la BEAC et de certaines mesures administratives sur les prix. Cette stabilité constitue un acquis, mais elle ne saurait à elle seule répondre aux tensions sociales persistantes.
(Trading Economics, 2025)
Les indicateurs sociaux restent en effet préoccupants. Environ 34,6 % de la population gabonaise vit en dessous du seuil de pauvreté, tandis que le taux de chômage est estimé autour de 20 %, touchant particulièrement les jeunes. Ces chiffres traduisent un décalage structurel entre la richesse produite et sa diffusion dans l’économie réelle.
(Banque mondiale, 2025 ; Lloyds Bank Trade, 2025)
Ce paradoxe est clairement mis en évidence par la Banque mondiale : entre 1995 et 2020, la richesse nationale totale du Gabon a augmenté d’environ 35 %, tandis que la richesse par habitant a reculé de 34,7 %. Cette évolution souligne la difficulté persistante à transformer les revenus issus des ressources naturelles en capital productif, en emplois et en amélioration durable du niveau de vie.
(Banque mondiale, 26 juin 2025)
Cette faiblesse structurelle est d’autant plus marquée que l’économie gabonaise demeure fortement concentrée. Le pétrole, le bois et le manganèse représentent environ 97 % des exportations, exposant le pays à la volatilité des cours internationaux et aux chocs exogènes.
(Powers of Africa, 2025)
Face à ces contraintes, les autorités gabonaises ont annoncé en 2025 plusieurs mesures visant à répondre aux urgences économiques et sociales. Le Conseil des ministres du 20 juin 2025 a notamment acté des mesures temporaires contre la vie chère, des ajustements fiscaux et des actions destinées à améliorer le climat des affaires.
(Présidence de la République gabonaise, 21 juin 2025)
Ces décisions témoignent d’une volonté de stabilisation à court terme. Cette absence de visibilité stratégique constitue un enjeu en soi, tant pour les acteurs économiques nationaux que pour les partenaires internationaux.
À l’approche de 2026, les défis apparaissent clairement à la lecture des données existantes : diversifier l’économie, créer des emplois durables, assurer la soutenabilité des finances publiques et mieux valoriser le capital naturel, dont la valeur économique des services écosystémiques est estimée à 75,1 milliards de dollars (données 2020). (Banque mondiale, 2025)
Les chiffres de 2025 ne condamnent pas l’économie gabonaise. Ils rappellent toutefois que la stabilité macroéconomique, si elle est nécessaire, ne saurait constituer une fin en soi. À l’orée de 2026, l’enjeu central demeure la transformation de cette stabilité en croissance inclusive, capable de réduire durablement les vulnérabilités sociales et économiques du pays.

