Le Président français, Emmanuel Macron, a séjourné à Libreville, du 23 au 24 novembre 2025, pour une visite officielle, deux ans après la fin de l’ère Bongo, pour la troisième étape d’une tournée africaine commencée à l’île Maurice et en Afrique du Sud, avant l’Angola, le lundi 24 novembre 2025.
Cette tournée africaine, avec détour à Libreville, ne peut être considérée comme fortuite tant les équilibres géopolitiques et géostratégiques mondiaux sont en train de bouger sous la poussée du nouvel ordre que représente les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, au départ et d’autres pays qui se sont ajoutés tels l’Egypte, l’Ethiopie, l’Iran, les Emirats Arabes Unis et l’Indonésie et sans compter l’Arabie Saoudite qui frappe à la porte).
Par paradigme, il faut entendre, au sens de Kuhn, un modèle de pensée, un cadre de référence, un cadre de travail commun. Ce cadre peut être rompu lors d’une révolution scientifique qui mène à l’adoption d’un nouveau paradigme. La révolution se produit lorsque des anomalies persistent et que le paradigme existant ne peut plus les expliquer. Cette période de crise peut mener à une rupture et à l’adoption d’un nouveau paradigme, changeant fondamentalement la façon dont les scientifiques perçoivent le monde.
Cette définition n’est pas valable que dans l’espace scientifique, elle l’est aussi dans plusieurs autres espaces, en l’occurrence l’espace politique. En effet, si un cadre de référence qui a longtemps prévalu montre des anomalies, il doit être remplacé par un autre plus propice pour éviter des crises majeures qui peuvent considérablement détériorer le vivre-ensemble entre des peuples soudés par l’histoire, la culture, l’économie, en un mot par ces grands traits de civilisation, comme le disait Nietzsche.
Pour le dire autrement, l’histoire entre la France et l’Afrique francophone et notamment le Gabon a eu comme cadre de référence, le colonialisme et le néocolonialisme. Ces deux notions expliquent que la France n’a fait qu’extraire des ressources naturelles de ce continent pour se construire une économie productive tout en y laissant une économie de rente, source de pauvreté. Dans un de ses propos à Libreville, lorsque le Président français déclare que : « L’Afrique ne peut plus être un continent de simples extractions de ressources » et qu’il affirme, au diner de gala, offert par le couple présidentiel que : « Nous allons réinventer un nouveau partenariat, respectueux des intérêts de chacun », nous préjugeons que cette révolution est en marche, nous espérons que le temps des rapports « gagnant-gagnant », est arrivé, comme l’ont souligné les deux Chefs de l’Etat.
Depuis sa prise de pouvoir en août 2023, le Président de la République Gabonaise est mû par une base idéelle où l’importance de l’économie n’est pas antinomique de l’identité des peuples. C’est dire que l’on peut nouer des rapports économiques tout en respectant la dignité humaine et, surtout, en respectant la volonté, les modes de penser et d’agir des peuples.
Cette base idéelle ou philosophique a décliné les valeurs qu’il a sorties dans son discours à l’arrivée du Président Macron à Libreville et qui se résument comme suit : confiance, dialogue, égalité, transparence, bonne gouvernance, exemplarité, respect des engagements. En réponse, le discours du Président a posé une philosophie dont les valeurs sont les suivantes : honnêteté, respect mutuel, coopération réciproque, éducation. Les deux philosophies ont partagé les valeurs communes tournant autour du : renouveau, inclusivité, pluralité des opinions, respect des délais, exemplarité.
Si l’on s’est accordé sur le sens des valeurs, il ne reste plus qu’à tenir nos engagements. Que la France change véritablement de paradigme. La France a besoin de se renforcer sur le plan géostratégique mondial et plus elle a des alliés, plus elle est forte, surtout lorsque ces alliés sont des puissances en matière des ressources naturelles. Elle continuera ainsi à peser sur les relations mondiales. La balle est dans le camp de la France, que ses élites et ses stratèges s’adaptent aux nouvelles donnes dans les pays du Sud pour continuer à rayonner et à repousser les chants d’attirance venus des pays tels la Chine et la Russie. Il est temps de réécrire l’histoire cette fois-ci dans des rapports gagnants-gagnants. Nous convenons à cet effet que la vérité d’une idée s’incarne dans l’action selon la sagesse marxiste. Autrement dit, une idée n’est vraie que lorsqu’elle devient concrète. Loin de nous l’idée de donner des leçons de morale, il s’agit de ne pas nager à contre-courant du sens de l’histoire. Que le propos du Président Emmanuel Macron épouse sa pensée.
Sans pour autant rentrer dans le modèle des pays de l’Alliance du Sahel (AES), sans dire oui aux exigences occidentales et asiatiques mais tout en composant avec tous et en sachant respecter chacun dans son identité et ses intérêts, mais en demandant qu’on respecte ceux du Gabon, le Président Brice Clotaire Oligui Nguema est un tenant du courant constructiviste en science politique. Pour lui, les intérêts économiques sont conciliables aux identités des peuples.
C’est l’invitation faite au Président Emmanuel Macron par le Président Brice Clotaire Oligui Nguema pour la construction de ce nouveau paradigme qui doit désormais régir nos rapports idéologiques, politiques et économiques.
Docteur Fortuné Matsiegui Mboula

