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Carte de résident permanent pour les grands investisseurs : une opportunité pour le Gabon, mais à l’accès limité

 Le gouvernement gabonais a annoncé récemment la création d’une carte de résident permanent d’une durée de dix ans pour tout investisseur capable d’engager au minimum dix milliards de francs CFA dans l’économie nationale. Cette mesure, présentée comme un signal fort d’ouverture aux capitaux étrangers, suscite un débat au sein des milieux économiques et sociaux. Entre volonté d’attirer des investissements stratégiques et crainte d’exclusion des petites et moyennes entreprises, plusieurs voix s’expriment.

Par Louis-Paul MODOSS ; Chroniqueur économique

Une mesure pensée pour attirer de grands groupes internationaux

Pour les autorités, l’objectif est clair : rendre le pays plus attractif et compétitif face à ses voisins d’Afrique centrale, dans un contexte où les investisseurs privilégient les environnements stables, sécurisés et administrativement fluides. La carte de résident permanent de dix ans offre une garantie de long terme, censée favoriser l’implantation durable d’entreprises étrangères.

Ce statut permettrait notamment de faciliter les démarches administratives (renouvellement de séjour, transactions, déplacements), d’apporter une visibilité sur la stabilité de l’investissement et de renforcer l’intégration des investisseurs au tissu économique local.

Mais une mesure qui concerne un cercle très restreint d’investisseurs

Cependant, le seuil d’entrée fixé – dix milliards de francs CFA – limite de fait cette mesure à une minorité d’acteurs : des multinationales ou des conglomérats financiers disposant de capacités de mobilisation de capitaux très élevées. Les petites et moyennes entreprises (PME), pourtant reconnues comme moteurs d’innovation, de distribution de services et surtout de création d’emplois locaux, se trouvent de fait exclues du dispositif.

Plus encore, il convient de rappeler que les très gros investisseurs disposent déjà de facilités pour circuler et résider au Gabon. Ils peuvent notamment obtenir des cartes de séjour renouvelables à plusieurs reprises, sans réelle contrainte de durée, dès lors qu’ils sont en partenariat ou en activité dans le pays. Autrement dit, pour ces grands acteurs, la résidence permanente n’est pas un obstacle majeur à l’investissement.

Au-delà du titre de séjour : un environnement des affaires à renforcer

Plusieurs analystes soulignent que l’attractivité d’un pays ne repose pas uniquement sur des avantages administratifs, mais sur l’ensemble de son environnement économique. Un investisseur, qu’il soit grand ou petit, ne prendra réellement la décision de s’engager qu’à condition que le cadre réglementaire, la sécurité juridique, la transparence fiscale, la stabilité politique et les infrastructures soient au rendez-vous.

En d’autres termes, un titre de séjour de longue durée n’est pas une garantie suffisante si les conditions générales de l’écosystème entrepreneurial ne sont pas jugées favorables. On peut investir sans résider de façon permanente dans un pays, à plus forte raison si le climat des affaires présente trop d’incertitudes.

Vers une réflexion plus inclusive ?

Pour de nombreux observateurs, l’enjeu majeur réside dans la capacité du Gabon à attirer non seulement les grandes multinationales, mais également les PME locales et régionales. Un dispositif progressif ou différencié, prenant en compte les besoins et capacités de chaque catégorie d’investisseurs, pourrait favoriser un développement économique plus équilibré.

Certaines propositions émergent déjà :

  • abaisser le seuil pour les PME,
  • offrir des avantages fiscaux conditionnés à la création d’emplois locaux,
  • renforcer les dispositifs de protection juridique des investissements,
  • simplifier davantage les démarches administratives.

La création d’une carte de résident permanent pour les investisseurs disposant d’un fort capital financier constitue un signal positif en matière d’ouverture économique. Toutefois, son impact réel dépendra de la capacité du Gabon à améliorer de manière globale son environnement des affaires et à inclure l’ensemble des acteurs économiques, y compris les PME, véritables piliers de l’économie réelle.

La discussion reste donc ouverte : entre ambition d’attirer les grands capitaux et nécessité de soutenir le tissu entrepreneurial local, l’équilibre à trouver est déterminant pour l’avenir du développement économique du pays.

 

 

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