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Tribune Libre : Pour la sauvegarde de la démocratie gabonaise : Plaidoyer pour l’annulation d’un scrutin chaotique et une refonte profonde du processus électoral

Alors que notre nation s’apprête à clore une campagne électorale mouvementée et à se rendre aux urnes ce 11 octobre pour le second tour des législatives et municipales, un constat s’impose, lourd et incontournable : le processus démocratique est gravement malade. Ce double scrutin, qui devait être l’aboutissement d’une transition saluée par tous, a viré au chaos, miné par des irrégularités massives qui jettent une ombre sur sa légitimité.

Par Maître Jean Kristian Nguema Meyo M’Owone…

Votes multiples, usage abusif et frauduleux des procurations, transhumance électorale, corruption ouverte… La liste des dysfonctionnements observés dans plusieurs circonscriptions de Libreville et de l’intérieur du pays est longue et accablante. Face à cette défaillance électorale généralisée, je ne peux, en tant que juriste et citoyen engagé, me contenter d’un silence complice. La crédibilité de nos futures institutions est en jeu.

Un scrutin entaché dès l’origine : la nécessité d’un sursaut républicain

Comment pouvons-nous bâtir des institutions fortes et crédibles, but ultime de toute transition digne de ce nom, sur des fondations aussi fragiles et corrompues ? Accepter ces résultats, c’est acter la mort de la confiance du peuple envers son système de représentation. C’est pourquoi, devant l’ampleur du naufrage, je plaide pour l’annulation pure et simple de ce scrutin.

Le Gabon mérite mieux. Il mérite une véritable expression de sa souveraineté populaire, et non un simulacre de démocratie. Dans cette situation exceptionnelle, j’en appelle à la sagesse et au pouvoir suprême du Chef de l’État, Son Excellence le Général Brice Clotaire Oligui Nguema. La patrie est au-dessus des intérêts partisans. Le report des élections, aujourd’hui querellées, s’impose comme une nécessité républicaine.

Propositions pour une refondation démocratique en six mois

Un report de six mois n’est pas un échec, mais une opportunité. Une opportunité pour corriger les erreurs et bâtir un processus irréprochable. Pour cela, des réformes de fond sont indispensables.

Il est impératif de mettre fin à la mainmise du ministère de l’intérieur sur l’organisation des élections. Ce qui suppose le retour de commissions électorales véritablement indépendantes, dotées de l’autorité, des moyens et de l’autonomie nécessaires pour garantir des scrutins libres et transparents.

La gestion des litiges post-électoraux ne peut plus être l’apanage exclusif des magistrats, dont l’indépendance est parfois mise en cause dans le contexte politique. Je propose l’intégration systématique d’Huissiers de Justice, officiers ministériels reconnus pour leur impartialité et leur rigueur procédurale, pour superviser le dépouillement, constater les irrégularités et authentifier les résultats. Leur présence renforcerait considérablement la confiance des acteurs politiques et des citoyens.

Durant cette période de six mois, l’Assemblée nationale actuelle, issue de la transition, doit être maintenue pour assurer la continuité législative et l’État de droit. Cette solution offre la stabilité nécessaire pour préparer sereinement des élections refondatrices.

Au-delà des institutions, un changement de culture politique

Enfin, ce chaos révèle une faillite plus profonde : celle du contrat politique entre l’élu et le citoyen. Durant cette campagne, combien de candidats se sont présentés non pas avec une vision ou un programme clair, mais comme de simples « envoyés » du pouvoir ? Cette culture du mandat impératif et de la soumission au chef doit cesser.

Car comme le dit Charles Gave, repris par Lionel Jospin, ancien premier ministre français, en l’état actuel des choses, la situation risque de favoriser l’inaptocratie « un système dans lequel les gens les moins capables de gouverner sont élus par des gens les moins capables de gagner leur vie. Tandis que les gens qui sont productifs se voient voler le résultat de leur production pour entretenir les gens qui sont incapables de te faire quoi que ce soit ».

Pour l’avenir, il est crucial d’établir un véritable contrat entre le candidat et ses électeurs, fondé sur des projets de développement concrets et des programmes politiques clairs. L’électeur gabonais doit s’imprégner davantage de son droit de citoyen souverain, celui de choisir librement son représentant et de lui demander des comptes.

Le devoir d’agir

Demain, le vote aura lieu. Mais le doute, lui, est déjà installé. Nous avons le devoir de ne pas laisser cette gangrène ronger les bases de notre jeune démocratie. Annuler ce scrutin, ce n’est pas reculer ; c’est prendre l’élan nécessaire pour sauter plus haut. C’est offrir au Gabon la chance de se doter d’institutions incontestées, légitimées par un processus transparent.

J’en appelle à la conscience de tous : des autorités de la transition, des acteurs politiques, de la société civile et de chaque citoyen. Sauvons notre processus démocratique de lui-même. Retroussons nos manches et engageons-nous, dès maintenant, dans une refonte courageuse et sincère de notre système électoral. L’avenir du Gabon le commande.

 …Huissier de Justice, Arbitre certifié en Droit des affaires internationales et OHADA.

 

 

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