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Gabon : À la veille du scrutin du 27 septembre 2025, les maires et présidents de conseils départementaux, acteurs cruciaux d’un développement local en creux

À huit jours des élections municipales et départementales fixées au 27 septembre 2025, les maires et présidents des conseils départementaux se présentent aux électeurs non seulement comme des figures politiques, mais comme des gestionnaires directs du quotidien : marchés, routes rurales, eau, assainissement, appui aux producteurs, emplois locaux. Leur poids socio-économique est réel — mais inégal, contraint par des budgets souvent serrés et une dépendance aux transferts de l’État.

Louis-Paul MODOSS ; Chroniqueur économique

Un rendez-vous électoral aux enjeux concrets

Ces élections locales se tiennent en même temps que des scrutins législatifs et s’inscrivent dans une période de recomposition politique et institutionnelle au Gabon : révision des textes de la décentralisation et préparation progressive d’un transfert de compétences aux collectivités locales. Les résultats du 27 septembre définiront qui disposera, dans les prochaines années, de la capacité d’orienter directement des dépenses locales et des investissements de proximité.

Des compétences larges, mais des moyens très disparates

Sur le papier, maires et présidents départementaux disposent de prérogatives structurantes : gestion du domaine public local, ordonnancement de certaines dépenses, attribution de marchés locaux, pilotage d’actions sociales et économiques de proximité. Pourtant, la capacité d’action varie fortement d’une collectivité à l’autre : la Commune de Libreville a adopté un budget primitif 2025 de ~25,12 milliards FCFA, un niveau de ressources très supérieur à la plupart des autres communes et départements. Cette différenciation se traduit par des réalisations très inégales en infrastructures et services. |

Dans des départements moins dotés, les budgets oscillent autour de quelques centaines de millions à un ou deux milliards de FCFA : exemples récents montrent des conseils départementaux dont les budgets pour 2024-2025 varient fortement selon le tissu économique local. Ce contraste explique pourquoi un maire de capitale peut lancer des travaux d’envergure quand son homologue rural doit limiter ses interventions aux services essentiels.

Budgets et dépendance : la contrainte des transferts étatiques

Plusieurs collectivités restent tributaires des dotations et « ristournes » de l’État. Dans certains conseils départementaux, les recettes propres ne couvrent qu’une part minoritaire du budget et la masse salariale accapare une part disproportionnée des dépenses, limitant l’investissement. Des documents budgétaires locaux (exemples consultés pour 2024-2025) montrent des situations où jusqu’à 70–80 % de la dépense est absorbée par la masse salariale et les charges de fonctionnement, réduisant la marge pour les projets structurants. La mise en œuvre effective des transferts de compétences, promise dans le calendrier gouvernemental, est donc un élément décisif pour renforcer l’impact socio-économique des collectivités.

 

Impact réel : emplois, services, résilience

Quand elles disposent des moyens et d’une gouvernance solide, les collectivités locales influent directement sur l’emploi (recrutement d’agents municipaux, marchés locaux pour artisans), sur l’accès aux marchés agricoles (infrastructures rurales, marchés de collecte) et sur la qualité des services (collecte des ordures, pompages d’eau, petites structures de santé). À l’inverse, l’incapacité à investir fragilise la résilience des zones rurales et amplifie l’exode vers les villes. Les électeurs évaluent donc les listes locales sur des critères tangibles : bitumage de voies, éclairage, approvisionnement en eau, organisation des marchés, propreté urbaine.

Ce que les électeurs doivent mesurer le 27 septembre

  • Capacité financière : qui a un plan de mobilisation de recettes propres (taxes locales, redevances) et un plan d’investissement crédible ? Les différences budgétaires — Libreville vs communes rurales — rendent ce point essentiel.
  • Vision et réalisme : le programme propose-t-il des actions réalisables compte tenu des ressources locales ou se contente-t-il de promesses générales ?
  • Transparence et gouvernance : les mécanismes de contrôle, de passation des marchés et de reddition comptent autant que le montant inscrit au budget.
  • Capacité d’alliances : au-delà des finances, les maires et présidents départementaux doivent savoir négocier avec l’État et les partenaires privés pour compléter leurs ressources — compétence décisive dans le contexte d’un transfert gradué des compétences.

Risques et opportunités

Le risque principal est qu’un renouvellement politique massif sans renforcement simultané des moyens et des compétences conduise à une désillusion rapide : promesses non tenues, travaux inachevés, services dégradés. À l’inverse, l’élection de responsables locaux ayant une vision technique, une bonne gouvernance et une capacité à mobiliser des financements externes peut accélérer des gains tangibles en emplois locaux et en services — avec des retombées directes sur le pouvoir d’achat et la création d’activités économiques.

À la veille du scrutin du 27 septembre 2025, les maires et présidents de conseils départementaux représentent plus qu’un mandat politique : ce sont des leviers immédiats de développement territorial. Mais leur efficacité dépendra de la combinaison de trois facteurs : des ressources suffisantes, une gestion rigoureuse, et une mise en œuvre réelle des transferts de compétences décidés par l’État. Les électeurs locaux auront à choisir entre promesses creuses et projets financés, entre gestions patrimoniales et administrations modernisées — un choix qui déterminera le quotidien de millions de Gabonais pour les années à venir.

 

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