Sous l’impulsion du Président de la République, le Conseil des ministres a adopté un train de mesures budgétaires et financières décisives. Le Ministère de l’Économie, des Finances, de la Dette et des Participations, chargé de la lutte contre la vie chère, a présenté trois textes majeurs : la loi de règlement 2024, la réforme de la loi organique relative aux finances publiques, et surtout le projet de loi de finances (PLF) 2026.
Louis-Paul MODOSS; Chroniqueur économique
Bilan 2024 : une gestion excédentaire et rigoureuse
En dépit d’un environnement international morose marqué par des tensions géopolitiques, une crise immobilière persistante en Chine et le ralentissement de la demande mondiale, le Gabon a résisté. Son économie a progressé de 3,4 % en 2024 (contre 2,4 % en 2023), grâce notamment au secteur secondaire (+10,7 %) et tertiaire (+2,4 %).
Le budget 2024, fixé à 4 493 milliards de FCFA, se distingue par un excédent de 539,8 milliards FCFA au niveau budgétaire, un déficit de trésorerie limité à 264,3 milliards, et un résultat positif de 166,1 milliards.
- Les recettes prévues (2 970,2 milliards) ont été exécutées à hauteur de 100,3 %.
- Les dépenses (2 588,9 milliards) n’ont été réalisées qu’à 83,4 %.
- Les charges de la dette (387,5 milliards) ont respecté presque intégralement les prévisions (99,8 %).
- Les investissements, en revanche, n’ont atteint que 60,9 % d’exécution (365,3 milliards sur 599,9 milliards).
Ce bilan illustre une gestion financière prudente mais limitée par la faible capacité d’exécution des projets d’investissement.
2026 : un budget base zéro, symbole de rupture
Le PLF 2026 innove avec la méthode du budget base zéro, imposant que chaque dépense soit justifiée en fonction de son impact économique et social. Objectif affiché : transformer l’économie et renforcer la souveraineté budgétaire.
Les hypothèses retenues reflètent prudence et ambition :
- Pétrole : production en baisse de -3 % (11,4 Mt), mais prix du baril en hausse de +5 % à 65,1 USD.
- Manganèse : recul de -3,3 % (8,85 Mt), prix stabilisé à 168,2 USD/t.
- Bois débité : reprise de +3,2 % (1,5 M m³).
- Taux de change : 570,9 FCFA/USD, soit une dépréciation modérée de -2,6 %.
Les chiffres clés du PLF 2026 :
- Budget total : 7 233,3 milliards FCFA.
- Recettes brutes : 4 327,2 milliards (dont pétrole : 1 525,0 ; fiscales intérieures : 1 541,4 ; douanes : 707,3).
- Recettes nettes : 3 664,1 milliards.
- Dépenses de fonctionnement : 3 569,0 milliards (dont dette : 1 676,7 ; personnel : 959,7 ; biens et services : 412,3 ; transferts : 441,4).
- Investissements : 3 321,5 milliards, dont 3 204,5 milliards pour des projets de développement.
Le financement de ce budget repose sur un besoin de 3 213,3 milliards, qui sera couvert à 60 % par des ressources régionales et à 40 % par des financements extérieurs, tout en veillant à préserver la soutenabilité de la dette.
Des réformes structurelles pour sécuriser le système financier
Au-delà des chiffres, le Conseil a alerté sur la montée des créances douteuses et litigieuses dans le secteur bancaire et la microfinance, qui menacent la stabilité financière à moyen terme. Des réformes sont en préparation pour consolider la solidité du système et prévenir tout risque systémique.
Une décision forte a également été prise : la fonction de Directeur général des banques, établissements financiers et structures de microfinance sera désormais réservée aux nationaux gabonais, sauf dérogation accordée par le Comité National Économique et Financier (CNEF).
Un choix politique fort : l’investissement au service de la population
Le PLF 2026 traduit une volonté claire : mettre l’investissement au cœur de la stratégie économique. Les 3 321,5 milliards d’investissements annoncés visent à financer des projets structurants dans l’électricité, l’eau, le logement, les infrastructures, le numérique, l’éducation, la santé, et la gouvernance.
Cet effort massif est aussi une réponse à l’urgence sociale : améliorer l’emploi des jeunes, renforcer le capital humain, réduire la pauvreté et lutter contre la vie chère.
Discipline et ambition
Avec ce budget record, le Gabon envoie un signal fort : celui d’un pays décidé à rompre avec la gestion budgétaire de confort pour bâtir un modèle économique souverain, rigoureux et centré sur le développement. Si les résultats de 2024 ont posé les bases d’une gouvernance financière assainie, l’année 2026 pourrait bien être celle de l’accélération et du passage à une transformation structurelle.
Le pari est ambitieux : transformer chaque franc CFA dépensé en levier de croissance et de justice sociale.