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Monsieur Anaclé BISSIELO : Super omnia patria; la patrie au-dessus de tout

Tu es certes parti mais tu laisses un héritage immatériel très important : Super Omnia patria. S’il m’était permis de résumer ton passage sur terre, ma formule, parlant de toi est la suivante : Quoi que nous fassions, la patrie est au-dessus de tout.

Par Fortuné Matsiegui Mboula…

 

Tout ton engagement public n’a été que cette formule. Lorsqu’en 1993 le Gabon est à feu et à sang, tes amis politiques du Parti Radical des Républicains Indépendants (PARI) et toi, initiez les « Accords de Paris » ou la « Paix des braves », comme tu le disais toi-même. Pour toi, après la bagarre, il fallait fumer le calumet de la paix comme le faisaient les indiens « Apache », « Comanche », « Sioux » …Très jeunes à l’époque et dans un environnement social dans lequel le droit d’ainesse avait un certain sens, vous aviez soumis cette idée à votre ainé, l’illustre Maitre Louis Agondjo Okawe qui l’a portée auprès du Président Omar Bongo.

Soucieux d’apaiser les tensions qui entamaient considérablement le vivre-ensemble gabonais, le Président Omar Bongo a demandé aux deux camps (opposition et majorité) d’aller discuter à Paris d’une sortie de crise sociopolitique qui a accouché des « Accords de Paris », un des grands consensus politique après la Conférence Nationale de 1990. Cet épisode t’a valu, à l’époque, des inimitiés que tu as acceptées parce que pour toi la patrie était au-dessus de tout.

En 1996, tu te présentes à la députation et tu deviens un des plus jeunes députés de la marquante 8ème législature. Ta collègue à l’hémicycle de l’époque, Victoire Lasseni Duboze, après ta mort, dira de toi que : « Il avait un amour prononcé pour notre Nation. Un grand homme dont le nom doit être marqué dans les Annales de l’histoire de notre pays ».

En 2009, le feu Président Omar Bongo Ondimba te fait confiance et te nomme ministre de la Planification et de la Prospective et après sa mort, tu repars dans l’opposition en 2016, pour marquer ton mécontentement avec une certaine tournure prise par la politique du pays. Cette tournure était un signe annonciateur pour ce pourquoi tu as lutté toute ta vie et que tu aurais vu, à quatre mois près, si le Tout Puissant l’avait permis : le coup d’Etat ou le coup de libération qui restructure l’espace politique aujourd’hui.

En 2016, en effet, tu as été un des grands artisans de la candidature unique de l’opposition comme stratégie pour promouvoir l’alternance démocratique au Gabon. Ce fait, t’a valu des inimitiés que tu as acceptées au point d’être éloigné de ta famille filiale jusqu’à la fin de tes jours. Tu l’as encore accepté parce pour toi la patrie et la nation étaient au-dessus de tout.

C’est le don de soi, tu as cru en la patrie. Pour la patrie tu as sacrifié beaucoup de choses. Peu importe les trahisons, les moqueries, les incompréhensions. Ta ligne est restée la même. C’est l’histoire qui parlera pour toi à travers tes héritiers. L’histoire n’oublie pas ses enfants.

Dans tous tes enseignements et surtout ceux de sociologie, après avoir transmis la science tu n’arrêtais pas de dire que ce savoir doit servir à la construction de la nation gabonaise. Tu n’arrêtais pas d’éclairer les collègues, les étudiants et tous ceux qui s’approchaient de toi de ton savoir. Lors de plusieurs sorties au niveau international, comme homme politique, comme consultant remarquable, comme éminent enseignant, tu as éclaboussé de ton intelligence vive les auditoires. La patrie s’en trouvait rehaussée.

Peu de temps avant ta mort, tu as créé le Groupe d’Etudes et de Recherche en Travail et Organisation (GERTOM) au sein du Département de sociologie de l’Université Omar Bongo. Ce groupe a la vocation de mener des recherches sur la question du travail moderne et de ses différents contours de façon générale, mais aussi celle de soutenir les étudiants de master et de Doctorat dans leurs travaux de recherche. Encore une fois, tu as laissé un creuset de formation et de soutien universitaires aux futurs cadres du pays.

 Tes héritiers parleront de toi.

Avec ta mort nous perdons une intelligence vive, nous perdons une mémoire de la vie sociopolitique du Gabon. Nous perdons un homme qui a su créer le savoir. C’est ton humilité et ta modestie qui ont empêché de montrer que tu étais un de ceux qui créent le savoir et qui donnent du sens aux décisions et aux actions. Tu avais un penchant pour l’oralité là où d’autres préfèrent écrire pour laisser leur marque.

Tu as surement fait le pari que d’autres parleront pour toi et qu’il n’était pas nécessaire de le faire. Ton souci était de faire évoluer les discussions et une fois les esprits marqués de tes idées par la persuasion et le consensus, tu t’en allais à d’autres lieux et cieux apporter ton savoir-faire, ton savoir-dire, ton savoir-être. Tu étais sûr d’avoir semé des idées qui changeront des états d’esprit pour la construction de la patrie. Tous ces savoirs étaient puisés dans une autre formule latine : Scienta potestas est (Savoir c’est pouvoir). Tu puisais ton savoir de nos connaissances ancestrales mais aussi dans celles du monde moderne. Ta voiture était une bibliothèque roulante.

 Tu as agi comme un maitre penseur de nos traditions qui s’en allait porter la bonne nouvelle partout où c’était nécessaire sans qu’elle ne soit écrite quelque part. Seuls certains plus avisés notaient tes écrits pendant que tu parlais. Tes paroles subsistent dans plusieurs esprits. Ces esprits parleront de toi encore une fois.

Derrière-toi, la nation a amorcé une autre direction. Ceux qui ont pris le destin de cette nouvelle patrie ont promis de réaliser ce pour quoi tu as risqué ta vie et tu t’es toujours battu : l’effectivité de la démocratie du Gabon. Un de leur crédo est : « C’est enfin notre essor vers la félicité ». S’ils tiennent le cap, ton combat, comme celui de plusieurs avant toi, n’aura pas été inutile. Tu pourrais même en être fier de là où tu es parce que tu as formé de nombreux esprits qui vont y apporter leur semence.

Tu auras contribué énormément à la formation de la nation gabonaise dans sa nouvelle version.

In aeternum gratus erit tibi patria (La patrie te sera éternellement reconnaissante).

 

…Sociologue Politique Enseignant au Département de sociologie Université Omar Bongo

 

 

 

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