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« Nous invitons toutes les populations  de notre canton à se rendre massivement aux urnes »

Il s’appelle Joseph-Marie Nguema Ango, il est enseignant chercheur. Fils du village Akok, à 14 km de Ntoum, dans le département du Komo Mondah, province de l’Estuaire, il préside la très célèbre association ADECAM. Laquelle réunit plusieurs villages du canton Mbé. Dans cet entretien qu’il accorde à notre rédaction, il revient sur les missions de l’Adecam. Parle de son village et de la politique du pays depuis l’avènement du Comité pour la transition et la restauration des institutions au pouvoir. Lecture. 

 Propos recueillis par Jean Yves Ntoutoume

Monsieur le Président, pouvez-vous d’abord vous présenter à nos lecteurs ?

Permettez-moi avant toute chose de vous remercier au nom de notre Association, d’être venu nous donner la parole en vue d’édifier nos compatriotes quant au bienfondé de notre organisation associative.

Cela dit, je m’appelle Joseph-Marie NGUEMA ANGO, plus connu sous le pseudonyme de Freddher. Je suis un fils du village AKOK (Canton Mbè – Département du Komo-Mondah), situé à 14 km de Ntoum, sur la route de Cocobeach. Docteur en Sciences de l’Education, diplômé de l’Université Paris-Ouest Nanterre, je suis un fonctionnaire gabonais, Enseignant- Chercheur à l’Ecole Normale Supérieure de Libreville (ENS), Maître Assistant Cames de Psychopédagogie. Par ailleurs, je suis marié et père d’une nombreuse famille.

 Monsieur le Président, le canton Mbè, situé dans le département du Komo-Mondah, vient d’enregistrer une nouvelle Association : « Action pour le développement du canton Mbè » : qu’est-ce qui a motivé la mise en place de cette nouvelle entité morale et quels sont ses objectifs ?

Pour répondre à votre question, je dirai qu’ADECAM est né à la suite d’un triste constat. En effet, notre Canton situé entre Ntoum et Cocobeach, porté sur un linéaire de 30 km et structuré autour de 4 grands villages (MEBBA, AKOK, NGOUANDJI, ATANGA), a longtemps navigué sans boussole. Chaque village s’organisant à qui mieux mieux, c’est-à-dire chacun de son côté, face à toute sorte de situation sociale, économique, culturelle ou politique qui se présentait à lui. Cela traduisait en filigrane une crise de confiance réciproque entre les filles et les fils du Canton, créant de ce fait des divisions entre nous, des guerres d’égos surdimensionnées, les uns cherchant à tout prix à piétiner, sinon à écraser les autres, surtout sur le champ politique. Mais, il est des moments dans la vie de l’homme, comme dans celle d’une nation ou d’un canton où le destin doit s’accomplir. Face à cette situation déplorable et au regard des enjeux sociaux du moment, nous avons consciemment et obstinément décidés de faire une introspection, laquelle nous a par la suite amenés à faire, collectivement, amende honorable pour communier finalement ensemble en vue d’un Canton Mbè nouveau.

Ce pour dire que la Création de l’Association « Action pour le Développement du Canton Mbè  (ADECAM)» est le fruit d’un travail de conscientisation individuelle et des efforts consentis par l’ensemble des populations cantonales qui ont compris la nécessité de conjuguer nos efforts et de fédérer, car le monde se construit désormais à partir des grands ensembles. Notre Association cantonale, comme le Gabon dans son ensemble, vise la « reconstruction » du Canton Mbè, à travers, entre autres, la mise en place ou le financement par l’Etat des Activités Génératrices de Revenus (AGR), l’aide solidaire et interindividuelle, la défense des intérêts sociaux de nos populations et leur éveil de consciences face à la nécessité d’être unis face à tout type d’adversité notamment pour des besoins de développement communautaire, l’amélioration de nos conditions de vie et, par extension, la prise en compte de notre cause commune.

Aussi pensons-nous fondamentalement que cela ne sera possible que si nous parlons tous d’une seule et même voix, en regardant dans la même direction et non pas en se regardant en chiens de faïence comme cela a longtemps été le cas par le passé. Je suis heureux de constater qu’aujourd’hui, grâce à ADECAM, cet objectif initialement visé est quasiment atteint ; n’en déplaise à quelques poches de résistance, socialement et culturellement insignifiants.

Dans la contrée, comment cette initiative est perçue par les populations natives du canton ?

 Comme je l’ai dit tantôt, toutes les populations des 4 grands villages qui constituent notre canton sont fières de l’initiative que nous avons entreprise et de la décision finalement prise de fédérer pour unir désormais nos forces autour d’un objectif commun : la Reconstruction de notre Canton. Car, voyez-vous, cher Monsieur, nos parents ne comprenaient pas que les dignes fils et filles d’un canton aussi historique et symbolique que le nôtre, au triple plan politique, administratif et économique, n’arrivaient pas à s’entende pour faire œuvre utile dans le sens de l’amélioration de leurs conditions de vie, en tant que groupe de proposition et de pression face à l’Etat régalien. La naissance d’ADECAM a créé en eux un réel sentiment de fierté, « un ouf de soulagement ». La déception de nos parents face à nos querelles intestines, nos divisions était telle que ces derniers n’ont de cesse de nous rappeler la place ô combien symbolique de notre Canton au Gabon, et qu’en conséquence, il était de notre devoir d’être des gens dignes et responsables dont le leitmotiv est « Canton Mbè d’abord » avant tout narcissisme individuel aux relents « ventrocratiques ».

Cher Monsieur le Journaliste, en insistant sur la nécessité pour les filles et fils du Canton Mbè d’être un modèle d’Union et de Solidarité, nos parents veulent nous faire réaliser que cette circonscription administrative est de loin au Gabon la plus symbolique en termes d’histoire politique et économique et que, si nous sommes aujourd’hui en retard au plan du développement global, c’est parce que nous l’avons-nous-mêmes voulu, à cause du rejet de l’autre sans sa spécificité identitaire.

Pour la petite histoire, savez-vous, cher Monsieur, que le Canton Mbè est celui de Madame Pauline MBA, la toute Première Dame du Gabon, épouse de feu le Président Léon MBA et native d’Akok ? celui du Premier Evêque gabonais, feu Monseigneur François NDONG NTOUTOUME ? celui du Premier Président des Collectivités locales du Gabon ; feu Jean-Baptiste OBIANG ETOUGHET ; un des Pères fondateurs du MORENA, ancien Ministre du Président Omar BONGO ONDIMBA ? Celui de la célèbre artiste, feue Maman Dédé, née Assongzock Oyeghe Delphine ?  De feu Frédéric MEYO BIBANG, rédacteur des premiers livres d’histoire et de géographie du Gabon, par les liens sacrés du mariage avec Maman Dédé ? De feu Christophe OBEYE (frère cadet du Général André OYINI, ancien Commandant en Chef de la Garde Républicaine), par les liens sacrés du mariage avec notre sœur ainée, Marie-Madeleine OBEYE ?

Savez-vous, par ailleurs, cher Monsieur, que le canton Mbè, par Akok, est le lieu par excellence de la première expérimentation de l’Energie solaire au Gabon ? je vous rappelle à cet effet, que linauguration a eu lieu en 1981 alors qu’était réalisée par Monsieur Edouard Alexis BOUYI-BOUTZI, Ministre de l’Energie et des ressources hydrauliques de l’époque ?

Savez-vous aussi que le Canton Mbè héberge le Premier Village Pilote Agricole du Gabon grâce à la coopération sino gabonaise et avec la Riziculture, l’élevage porcin et la culture maraichère comme principales activités génératrices de revenus ?  ce Canton est également celui du Premier Poste de Contrôle Administratif du Gabon (PCA) : les Actes de naissance des enfants de la contrée étaient établis sur place, jusqu’à la fin des années 1960.  Savez-vous, enfin,  que le Canton Mbè est celui qui abrite aujourd’hui le Projet Ntoum 7 (SEEG) grâce  à sa rivière Mbôme censée renforcer bientôt la production d’eau à Libreville et sa périphérie ?

De vous à moi, après une telle « litanie des Saints » à forte valeur symbolique, notre canton ne mérite-t-il pas une meilleure considération sociale de la part des pouvoirs publics, pour une meilleure représentation, fut-ce-t-elle toute aussi symbolique, au niveau de la grande sphère administrative et / ou politique nationale ? Mais pourquoi sommes-nous oubliés aujourd’hui quand d’autres contrées relativement moins significatives que la nôtre jouissent visiblement des largesses du pouvoir décisionnel ? Une partie de la réponse à cette question est que bon nombre de nos « parents »  ont préféré prêcher, à un moment donné de l’histoire, pour leurs propres chapelles, excluant de fait les autres et, à travers eux, le développement cantonal par le principe que « Nul en dehors de nous-mêmes ne viendra initier le développement de notre Canton » . Mais aujourd’hui, à l’ère de la Reconstruction du Gabon par le CTRI, il faut que cet état de chose change et que les autorités militaires et le Gouvernement aient un regard nouveau sur notre contrée qui n’aspire qu’au développement à travers une meilleure prise en compte de ses enfants, restés longtemps marginalisés, dans la nomenklatura sociopolitique nationale.

 Depuis la création d’Adecam, quelles sont les actions qui ont déjà été menées sur le terrain ?

 La réussite de toute politique sociale passe nécessairement par la prise en compte préalable de l’homme, au centre de toute chose, pour lequel cette politique est initiée. C’est partant de ce postulat de base que dès notre création et la mise en place des instances décisionnelles de notre organisation, nous avons jugé utile d’aller d’abord vers nos différentes populations cantonales pour échanger avec elle, village par village, et mesurer le niveau de leurs attentes en matière de bien-être social et de développement sectoriel. Les dernières tournées cantonales dans ce sens sont celles du 3 aout 2024 ou plusieurs centaines de personnes, en tête desquelles 13 des 16 chefs de canton, de regroupements et de villages nous ont accueillis à cœur joie, en apothéose, autour d’une sacrée ripaille servie après des échanges fructueux en matière d’Union et de Reconstruction de notre grand Canton. Et plus récemment, au cours du weekend des 12 et 13 Novembre 2024.

Sur la base des données de terrain recueillies, nous sommes actuellement en contact avec quelques partenaires de développement qui, jusque-là tiennent manifestement à nous accompagner dans le sens de l’avancement et de l’accomplissement des œuvres sociales au profit de nos populations. Parallèlement à cette démarche associative des plus classiques, nous entretenons une politique d’entraide, d’assistance et de solidarité réciproque entre des fils et filles de notre localité s’agissant notamment des situations de réjouissance ou d’allégresse et les moments de détresse plus ou moins tragiques. Au fur et a mesure que notre association s’enracinera dans l’espace social cantonal, nous amplifierons davantage, je crois, cette politique sociale.

 Entre un parti politique et une association, la frontière n’est toujours pas énorme chez nous: sur quel terrain  se situe réellement votre association ?

 Hummm (sourire) . Nous redisons ici, à haute et intelligible voix, quoiqu’en pensent d’aucuns, qu’ADECAM est une association apolitique avec ce que la notion « politique » suppose en termes de substance sémantique et d’analyse exégétique. Aussi, pensons-nous que toute notre vie étant influencée au quotidien par le fait politique à travers des lois, décrets, arrêtes, décisions et, bien entendu, tout ce qui en découle, nous, bien que structure dite apolitique, ne saurons rester sans mot dire face à tout ce qui nous semblerait arbitraire au plan politique et qui tendrait à ostraciser les populations du Canton Mbè et par extension à annihiler nos droits et nos valeurs humaines.

 Dans le projet de la nouvelle Constitution qui sera soumis le 16 novembre prochain au peuple, à travers le référendum, la société civile occupe une place importante : comment réagissez-vous à cette nouvelle donne d’une part, et quelle sera la consigne d’Adecam sur le prochain référendum qui n’est pas une élection des partis politiques, d’autre part ?

Cette question que vous me posez là nous ramène justement à la question précédente. Voyez-vous, parlant du référendum par exemple, certains individus veulent nous bâillonner, estimant qu’en tant qu’association dite «apolitique », nous n’avons pas de point de vue ou de consigne de vote à donner à nos populations au sujet de ce grand événement politique qui, rappelons-le, engagera quand même pour longtemps l’avenir de notre pays, et à travers lui notre propre avenir et, bien entendu, celui de nos enfants et petits-enfants. Quoiqu’il en soit, et au regard de cet événement national majeur, nous invitons toutes les populations de notre canton à se rendre massivement aux urnes dans les écoles publiques de Mebba, Akok, Ngouandji et Atanga pour décider en toute âme et conscience de l’avenir de notre pays. Il s’agira pour elles de faire le bon choix à partir de leur intime conviction, en se posant essentiellement les trois questions fondamentales et complémentaires suivantes : d’où venons-nous ? où en sommes-nous aujourd’hui et où voulons-nous aller demain par rapport à l’œuvre de construction du Gabon ? C’est la réponse intérieure à ces trois questions qui doit guider leur vote.

 Lors de sa tournée républicaine dans le Komo-Mondah, le Président de la transition a doté le département d’une enveloppe conséquente pour la réalisation de quelques projets de développement dans la contrée. Quelles sont les suggestions du président d’une association locale que vous êtes ?

Le Président de la transition, Président de la République, chef de l’Etat, le Général de brigade Brice Clotaire OLIGUI NGUEMA a effectivement doté récemment notre département d’une enveloppe de 1 milliard de nos francs. Je profite de cette tribune pour le remercier très sincèrement au nom d’ADECAM pour cet acte fort. Il s’avère malheureusement qu’à ce jour nos populations attendent toujours la clé de répartition de cette somme d’argent. Mais, connaissant le degré de professionnalisme qui caractérise nos autorités administratives locales en charge de la gestion de cette manne et en tête desquelles Madame le Préfet et les Délégués Spéciaux du Conseil Départemental du Komo-Mondah (CDKM), tous bien encadrés par les grands politiques du département comme le Ministre Camélia NTOUTOUME et le Premier Ministre Paul BIYOGHE MBA, je ne doute aucunement qu’ils nous tiendrons bientôt informés sur ce sujet précis.

S’agissant particulièrement des suggestions de notre Association en matière d’utilisation de ces fonds au bénéfice des populations cantonales, disons simplement qu’elles s’inscrivent dans le droit fil des attentes populaires mutuelles, à savoir le financement des Activités Génératrice de Revenus, à partir des dossiers présentés dans ce sens et dans chaque village par les jeunes en quête d’emploi ; la rénovation des édifices publics à caractère social tels que les écoles, les hôpitaux, les églises, la construction ou la réhabilitation des aires de jeux souvent matérialisées par des terrains de football. Parallèlement à cela, les populations souhaitent aussi la remise en fonctionnement des fontaines publiques servant à hydraulique villageoise. En fait, des attentes somme toute nombreuses.

Votre mot de fin.

Pour terminer, je me permets de vous réitérer mes sincères remerciements pour votre professionnalisme. Après cela, j’invite tous mes frères et sœurs du Canton Mbè, du moins ceux qui n’y sont pas encore, à adhérer massivement à ADECAM, car ce n’est qu’ensemble que nous sommes forts et prompts à relever de nouveaux défis qui participeront dans un futur proche du développement de notre beau Canton. Enfin j’invite très respectueusement l’Autorité suprême du CTRI, Monsieur le Président de la République, chef de l’Etat, à jeter un regard paternaliste sur le Canton Mbè, « Village » de Pauline MBA, la toute première Dame du Gabon, resté longtemps oublié en matière de développement global et qui souhaite désormais sa Restauration dans toutes les dimensions de la vie sociale, économique et politique.

 

 

 

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