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La chronique économique : Taxe d’habitation : 2,8 milliards de recettes, mais à quel prix pour les ménages ?

Le gouvernement gabonais s’apprête à franchir un tournant fiscal majeur. Dès 2026, une nouvelle taxe d’habitation, baptisée Contribution pour l’amélioration du cadre de vie, sera appliquée à tous les logements résidentiels et professionnels situés en zones urbaines. Présentée comme un outil de modernisation fiscale, cette mesure suscite pourtant de vifs débats, partagés entre impératifs budgétaires et inquiétudes sociales.

Par Louis Paul MODOSS

Une taxe intégrée aux factures d’électricité : efficacité ou contrainte ?

Le prélèvement, fixé à 9 % du montant hors taxe de la consommation électrique, sera directement adossé aux factures d’électricité. La SEEG assurera la collecte, sur un modèle similaire à celui de la TVA.
Un mécanisme jugé plus simple et plus fiable par les autorités, mais perçu par certains ménages comme une façon de contourner toute possibilité de refus ou de contestation.

Cette nouvelle contribution viendra s’ajouter à la redevance de 7 % destinée aux ordures ménagères et appliquée depuis 2019. Malgré les 7,2 milliards de FCFA générés en 2022 par cette dernière, Libreville comme plusieurs villes du pays continuent d’être confrontées à une insalubrité persistante. Une réalité qui alimente les doutes sur l’efficacité réelle des fonds déjà collectés.

Un rendement de 2,8 milliards FCFA : un gain vital pour les finances publiques

Selon les projections officielles, la taxe d’habitation devrait rapporter près de 2,8 milliards de FCFA par an, un montant non négligeable au moment où l’État cherche à renforcer sa capacité d’investissement et à financer ses priorités en matière d’infrastructures et de services publics.
Pour le gouvernement, cette ressource constitue un levier essentiel pour consolider les finances publiques et répartir plus équitablement l’effort fiscal.

En parallèle, les zones rurales bénéficieront d’une exonération temporaire, afin de tenir compte des disparités de développement et de limiter les effets sur les ménages les plus vulnérables.

Une pression accrue sur le pouvoir d’achat

Si les ambitions budgétaires sont claires, les effets sur les consommateurs suscitent des inquiétudes. L’addition de plusieurs taxes sur les factures d’électricité fera mécaniquement grimper les coûts pour les ménages, alors que le coût de la vie est déjà jugé élevé par une grande partie de la population.

La question de la progressivité de la réforme revient avec insistance : fallait-il imposer simultanément ménages et entreprises ?
Pour de nombreux analystes, une introduction par étapes — en commençant par les logements professionnels — aurait permis de réduire le choc financier pour les familles, notamment pour les Gabonais économiquement faibles (GEF).

Transparence et redevabilité : l’enjeu décisif

Au-delà de l’aspect financier, c’est la confiance dans la gestion des fonds publics qui constitue le véritable point de tension. Beaucoup se demandent si les recettes de cette nouvelle taxe seront réellement utilisées pour améliorer le cadre de vie, comme annoncé. Les précédentes expériences — notamment la redevance sur les ordures — ont laissé une partie de la population sceptique quant à la traçabilité et à l’efficacité des dépenses engagées.

Sans un effort clair de transparence, d’audit et de communication, la réforme risque d’être perçue comme un prélèvement supplémentaire sans impact tangible sur le quotidien.

Un test grandeur nature pour la politique fiscale gabonaise

La mise en œuvre de cette taxe d’habitation représente bien plus qu’une simple mesure budgétaire : elle constitue un test de crédibilité pour l’État en matière de gestion publique et de justice fiscale.
Si le gouvernement parvient à démontrer l’utilité concrète de ces ressources, la réforme pourrait devenir un outil de modernisation durable. Dans le cas contraire, elle risque d’accentuer la défiance d’une partie de la population déjà fragilisée par les hausses successives de charges et de taxes.

 

 

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