Le président de la Chambre nationale des métiers de l’artisanat du Gabon, Aristophane Tsinga Massala, évoque dans cette interview les missions de cet organisme indépendant, mais sous la tutelle technique du ministère du Tourisme Durable et de l’Artisanat. Il souligne les défis financiers auxquels font face les artisans, tout en déplorant le montant jugé insuffisant de 100 millions de la subvention accordée par le Gouvernement. Malgré la présence significative des artisans dans le pays, leur contribution reste méconnue, et il est convaincu que ce secteur pourrait jouer un rôle majeur dans le développement économique du Gabon. Dans cet entretien exclisf, il presente sa vision de structuration, sa stratégique et fait un plaidoyer pour un secteur clé de l’économie nationale. L’intégralité de son interview est disponible ici.
Pyramid Médias Gabon : Monsieur le Président, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
TSINGA MASSALA Aristophane :
Je suis TSINGA MASSALA Aristophane, Maître Artisan, et j’ai l’honneur de présider la Chambre Nationale des Métiers de l’Artisanat du Gabon (CNMAG). Mon engagement est ancien et constant en faveur de la structuration, de la reconnaissance et de la valorisation du secteur de l’artisanat, qui constitue un pilier fondamental de notre identité culturelle, mais également un levier économique majeur encore insuffisamment exploité.
Qu’est-ce que la CNMAG et sur quelle base juridique repose-t-elle ?
La CNMAG est l’organe consulaire de représentation, d’organisation et de défense des intérêts des artisans gabonais. Elle est régie par le Décret n°00430/PR/MCPMEI du 24/12/2020 portant approbation des Statuts de la Chambre Nationale des Métiers de l’Artisanat du Gabon, qui consacre sa mission de service public consulaire. Ce texte fondateur définit clairement nos attributions, notre gouvernance, ainsi que notre rôle central dans la structuration du secteur de l’artisanat sur l’ensemble du territoire national.

Comment s’articule la CNMAG au niveau territorial ?
La CNMAG s’appuie sur des Chambres Consulaires Provinciales, véritables relais de proximité. Elles permettent d’ancrer l’action consulaire au plus près des artisans, de tenir compte des spécificités locales, et de garantir une représentation équitable de toutes les provinces. Cette organisation territoriale est essentielle pour assurer une gouvernance inclusive et une meilleure efficacité opérationnelle.
Quel est le rôle de la Direction Générale dans ce dispositif ?
La Direction Générale est l’organe exécutif de la CNMAG. Elle a pour mission principale de mettre en œuvre les orientations et recommandations issues de l’Assemblée Générale, organe souverain de la Chambre. Le Directeur Général assure la coordination administrative, financière et technique des actions, dans le strict respect des décisions des élus consulaires.

Quelle est la vision stratégique de la CNMAG aujourd’hui ?
Notre vision est claire : faire de l’artisanat gabonais un secteur structuré, formalisé, compétitif et pleinement intégré à l’économie nationale. Cela passe par la reconnaissance statutaire des artisans, la professionnalisation des métiers, la création de mécanismes durables de financement, et l’intégration de l’Artisanat dans les politiques publiques de développement économique, touristique et culturel.
Qui est juridiquement considéré comme artisan au Gabon ?
Est considéré comme artisan toute personne exerçant une activité de production, de transformation ou de prestation de services relevant d’un métier de l’artisanat, de manière indépendante ou en très petite entreprise,

en mobilisant essentiellement son savoir-faire manuel ou technique. La CNMAG œuvre à clarifier cette définition afin d’éviter toute confusion avec d’autres formes d’activités économiques.
Vous évoquez souvent la nomenclature des métiers. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Le Gabon dispose d’une nomenclature officielle de 356 métiers de l’artisanat, couvrant des domaines aussi variés que l’artisanat d’art, l’artisanat de production, l’artisanat de services et l’artisanat agroalimentaire. Il s’agit du Décret n°0242/PR/MCPME du 04/09/2022 portant nomenclature des Corps des Métiers de l’Artisanat en République Gabonaise. Cette nomenclature est un outil stratégique : elle permet l’identification des compétences, l’organisation en filières, la formation ciblée et la structuration du secteur.
Qu’en est-il de la gestion financière de la CNMAG ?

La CNMAG bénéficie actuellement d’une subvention annuelle de l’État oscillant entre 80 et 100 millions de FCFA. Il faut le dire avec responsabilité : ce montant est insuffisant pour assurer le bon fonctionnement d’une institution nationale appelée à couvrir tout le territoire, à structurer des milliers d’artisans et à porter des missions de service public.
Les artisans contribuent-ils financièrement à la CNMAG ?
À ce stade, il n’existe pas de contribution financière directe des artisans. Cela s’explique par le caractère encore largement informel du secteur. D’où la nécessité de mettre en place un cadre législatif et réglementaire adapté, permettant une adhésion progressive, encadrée et socialement acceptable.
Justement, quelles réformes législatives préconisez-vous ?
Nous plaidons pour un cadre législatif harmonisé qui structure l’ensemble du secteur de l’Artisanat : statut de l’artisan, organisation des métiers, mécanismes de financement, protection sociale, fiscalité adaptée. Cela inclut l’intégration effective de la carte d’identification de l’artisan adhérent à la CNMAG, véritable outil de reconnaissance officielle.
Quelle importance accordez-vous à la communication et à la pédagogie ?
Elles sont fondamentales. Nous devons mener de vastes campagnes d’information et de sensibilisation, afin d’expliquer aux artisans l’intérêt de la structuration, de l’immatriculation et de l’adhésion consulaire. La pédagogie est la clé pour sortir durablement de l’informel.
Parlez-nous des missions d’immatriculation.
L’immatriculation des artisans est une priorité stratégique. Elle permettra d’obtenir une cartographie fiable et significative du secteur, indispensable pour toute politique publique sérieuse. C’est également un préalable à l’organisation des artisans en fédérations de métiers et filières professionnelles.
Quel est l’impact des caravanes touristiques pour les artisans ?
Les caravanes touristiques constituent une opportunité économique directe pour les artisans, en favorisant la visibilité, la commercialisation et la promotion des savoir-faire locaux. Cependant, il faut aller au-delà de l’événementiel et créer des mécanismes durables, capables de générer des revenus stables.
Quel message adressez-vous au Gouvernement ?
Notre plaidoyer est clair : l’Artisanat doit être considéré comme un secteur stratégique de développement, contribuant à la création d’emplois, à la diversification économique et au PIB. La restructuration du CESEC représente à cet égard une véritable aubaine, une tribune institutionnelle pour porter les attentes du secteur et organiser sa sortie définitive de l’informel.
Comment assurer le contrôle et la crédibilité de l’écosystème artisanal ?
Il faut garantir la traçabilité, la transparence et la crédibilité des structures artisanales, à travers des mécanismes de contrôle adaptés et des outils d’aide à la décision fiables. C’est une condition essentielle pour établir des concessions et partenariats structurants avec certaines institutions.
La CNMAG s’ouvre également à l’international…
Effectivement. Le vernissage organisé récemment au siège des Nations Unies, dans une logique de diplomatie des arts, a permis de représenter dignement le Gabon. Nous travaillons également à l’organisation du premier Symposium international de peinture et de sculpture d’Afrique au Gabon, en partenariat avec la Fondation Inter-Art. Le discours du Gabon à cette occasion a été unanimement apprécié et a renforcé les échanges culturels.
En conclusion, quelles sont vos priorités immédiates ?
Nos priorités sont triples :
- Renforcer l’outil du Gouvernement en matière d’artisanat ;
- Mettre en œuvre les partenariats stratégiques déjà signés (BCEG, AGANOR, ANFEP, DHL, SING, CGI, entre autres) pour rendre visible la structuration des artisans ;
- Et surtout, rehausser significativement le budget alloué à la CNMAG, condition indispensable pour accomplir efficacement nos missions.
Merci, Monsieur le Président.
Merci à vous.
Propos recueillis par Boris Biyoghe

