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Monnaie: les raisons de maintenir le FCFA

Dans l’euphorie de la lutte contre les instruments coloniaux qui lient la France à ses anciennes colonies, le Franc CFA est pointé du doigt. Pour certains, cette monnaie doit disparaître afin de marquer une réelle souveraineté économique des pays d’Afrique francophone. Mais cette position contraste avec les données macroéconomiques qui démontrent le contraire. Selon certains spécialistes africains, le Franc CFA a connu de grandes mutations qui ont su s’adapter au contexte africain. Etant entendu que cette monnaie est désormais émise par les deux banques centrales des deux zones monétaires.

Professeur titulaire de macroéconomie à la faculté des sciences économiques et de gestion de l’université Cheick Anta Diop de Dakar, Amath Ndiaye est un ardent défenseur du Franc CFA. Lors d’une conférence publique, il a donné les principales raisons pour maintenir le Franc CFA. Selon le professeur Ndiaye, le Franc CFA est une monnaie africaine depuis la réforme de 1973 qui a vu les banques centrales de Dakar et de Yaoundé et la nomination des cadres africains à la tête de ces institutions monétaires. Autre conséquence de ces grandes réformes progressives, la France ne siège plus dans les instances de décision de la monnaie depuis 2019.

Autres raisons, le Franc CFA est émis par les banques centrales et non plus par la banque de France. Ce qui permet de contrôler l’inflation, la monnaie devient donc un outil d’intégration économique qui favorise un secteur bancaire purement africain à 98%. Avec le Franc CFA, le secteur commercial est dominé par une grande puissance qui n’est pas la France mais la Chine. «Nous ne pouvons pas et devons pas tout rejeter de l’héritage colonial car ce qui importe, c’est rester libre d’en prendre ce qui est bon pour nous en faisant le choix de la raison et non du cœur», estime le professeur Amath Ndiaye.

Crée en 1945, le Franc CFA signifiait alors «franc des colonies françaises d’Afrique », mais au lendemain des indépendances africaines, il a été rebaptisé «franc de la communauté financière d’Afrique», pour se démarquer progressivement de l’ancienne métropole. «Aux premières années de l’indépendance, le dispositif institutionnel mis en place permettait de perpétuer l’exploitation économique coloniale», explique le professeur Ndiaye.  «La France détenait la moitié des sièges à la banque centrale des Etats de l’Afrique équatoriale et du Cameroun, à Madagascar et depuis 1967 au Mali, un tiers à la banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest, mais ce dernier cas, certaines décisions devaient être prises à une majorité qualifiée impliquant en fait l’accord de la France. Par ailleurs, pour maintenir son monopole commercial sur les pays de la zone franc, le dispositif s’accompagnait initialement d’un régime de préférences commerciales. Les importations en provenance de l’extérieur étaient contingentées, cependant que la France garantissait l’écoulement de certains produits français à des prix stables», poursuit-il.

Mais avec le temps et l’adoption des nouveaux statuts, il y a eu une africanisation des dirigeants aussi bien à la BEAC et à la BCEAO. Ainsi, les fonctions de président et de directeur général ont été réunies en celle de gouverneur qui doit obligatoirement être un ressortissant des Etats de l’Union. Entre 2001 et 2016, les parts de marché de la France ont considérablement baissé se situant à 12% en 2017. Du coup, le FCFA a permis une diversification des partenaires avec la montée en puissance de la Chine.

En matière d’inflation, les faits démontrent que les pays africains de la zone franc s’en sortent très bien  contrairement aux pays qui ont leurs propres monnaies comme le Nigéria et le Ghana, où le taux d’inflation élevé sont en grande partie lié à la dépréciation de leurs monnaies via l’augmentation des prix d’importation. Cette faiblesse de l’inflation de la zone franc explique pourquoi les taux d’intérêt sont comparativement plus bas. En somme,  le franc CFA protège ses Etats membres des variations internationales et permet d’éviter qu’une crise politique ou économique ne se transforme en crise monétaire ou financière. D’où la zone CFA connaît une inflation modérée qui  protège le pouvoir d’achat des populations.

«Ceux qui disent que le CFA est un frein au développement parce qu’il ne permet pas de satisfaire les besoins de financement des économies de la zone franc parlent sans regarder les données macroéconomiques. Pour faire la comparaison dans le financement de l’économie, l’indicateur utilisé est le ratio du crédit domestique au secteur privé. Plus ce ratio est élevé, plus est important le financement reçu par le secteur privé en provenance des banques», conclut le Pr Amath Ndiaye.

Junior Akoma

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