Loin des clichés de fermeture et de repli sur soi, le Gabon s’affirme depuis plusieurs décennies comme une terre d’accueil pour les entrepreneurs venus d’ailleurs. Les chiffres publiés en décembre 2023 par l’Agence Nationale de Promotion des Investissements (ANPI) en donnent une preuve tangible : les communautés étrangères occupent une place significative dans l’économie gabonaise, tout en coexistant avec une volonté nationale croissante de renforcer l’entrepreneuriat local.
Par Louis-Paul MODOSS; Chroniqueur économique
Une mosaïque entrepreneuriale
Selon l’ANPI, les ressortissants maliens sont les plus nombreux avec 3 025 entreprises enregistrées, suivis par les Camerounais (2 201), les Sénégalais (2 140), les Burkinabè (1 427) et les Béninois (1 255). La communauté libanaise, plus réduite en nombre (155 entreprises), demeure toutefois influente dans des secteurs stratégiques comme l’import-export et la distribution.
Ces données mettent en évidence la forte présence ouest-africaine dans le tissu entrepreneurial gabonais. Elles traduisent à la fois la vitalité des échanges régionaux et le rôle du Gabon comme pôle attractif en Afrique centrale.
Une tradition d’ouverture économique
L’histoire récente du Gabon explique cette diversité. Dès les années 1970, au moment du premier boom pétrolier, le pays a attiré une importante main-d’œuvre étrangère, notamment ouest-africaine, qui s’est progressivement installée dans le petit commerce, la restauration ou encore le transport. Dans les décennies suivantes, les flux migratoires régionaux et les opportunités économiques locales ont consolidé cette dynamique.
À l’instar d’autres pays d’Afrique centrale, le Gabon a donc construit une partie de son économie sur cette ouverture et sur la contribution d’acteurs étrangers, devenus indispensables au fonctionnement de plusieurs secteurs de base.
Un apport indéniable, mais un équilibre à trouver
La présence de ces entreprises étrangères contribue aujourd’hui à la diversification de l’économie, à la création d’emplois et au renforcement des recettes fiscales. Leur rôle ne peut être minimisé, tant leur participation a permis de pallier certaines insuffisances locales, notamment dans le domaine du commerce de proximité.
Cependant, cette dynamique soulève un enjeu : celui de la place des entrepreneurs gabonais dans leur propre économie. Dans un pays où le chômage reste élevé, beaucoup appellent à ce que les nationaux soient mieux accompagnés pour s’imposer comme acteurs majeurs du développement.
L’essor attendu de l’entrepreneuriat gabonais
Depuis plusieurs années, l’État gabonais met en œuvre des programmes visant à soutenir l’initiative privée locale. L’accès au financement, l’accompagnement des jeunes porteurs de projets et la formation en gestion d’entreprise figurent parmi les priorités affichées.
L’objectif n’est pas d’exclure les communautés étrangères, mais de redonner aux Gabonais une place de premier plan dans un marché qu’ils partagent avec des partenaires venus d’ailleurs. Cette approche traduit une volonté de bâtir un modèle plus inclusif, où la richesse créée bénéficie d’abord aux citoyens nationaux, sans pour autant renoncer à l’ouverture.
Entre ouverture et souveraineté économique
Les chiffres de l’ANPI sont clairs : le Gabon est un pays hospitalier et attractif pour les investisseurs étrangers. Mais ils rappellent aussi l’urgence d’un rééquilibrage économique qui permette aux Gabonais de transformer l’entrepreneuriat en véritable outil d’émancipation sociale et économique.
À l’heure où de nombreux pays africains redéfinissent leurs modèles de développement, le Gabon trace une voie singulière : maintenir son ouverture, tout en renforçant sa souveraineté économique par l’initiative locale. Un pari ambitieux qui, s’il réussit, pourrait servir de modèle en Afrique centrale.
