Installée officiellement en Afrique depuis une dizaine années déjà, la Russie a soigneusement mis en avant des stratégies pour s’installer durablement sur le continent africain et notamment dans les zones de conflits: les pays du Sahel envahis par de groupes terroristes.
Trois domaines essentiels sont mis en avant par le Kremlin dans la coopération avec plusieurs pays africains, notamment dans les pays du Sahel: la sécurité militaire; l’influence et l’économie. Un modus operandi qui a pris progressivement corps. Ainsi, entre 2015 et 2022, une trentaine d’accords bilatéraux ont été ouverts et portent sur la coopération technique entre les ministères de la défenses des pays signataires. Sur plusieurs de ces accords, on note l’échange d’informations et de communications confidentielles entre les ministères de la défense de plusieurs pays du continent. Pour asseoir ces relations, des séminaires, des visites et des missions d’entraînement comptent parmi les moyens de coopération prévus par ces documents. «Dans presque tous les cas, ils permettent aussi la livraison d’armes et leur entretien, les armes étant l’un des vecteurs de l’influence russe partout dans le monde. Il n’est donc pas surprenant que Moscou soit devenu le principal fournisseur d’armes du continent africain», indique Ivan U. Klyszcz, chercheur au centre international de défense et de sécurité (ICDS) de Tallinn (Estonie).
Dans sa stratégie de conquête du continent africain, les terres les plus fertiles de la Russie sont les pays francophone. Kremlin s’est appuyé sur le ressentiment des Africains francophones né de la politique africaine de l’Elysée qui consistait à placer leurs ‘’pions’’ à la tête de plusieurs pays, principalement francophones. Pour y parvenir, Moscou a eu recours à certaines élites du continent pour amplifier ce sentiment anti-français. Lors du sommet Russie-Afrique tenu à Sotchi (Russie) du 22 au 25 octobre 2019, 43 dirigeants africains avaient pris part à ce premier événement consacré au continent africain organisé par Moscou, l’ancien président sénégalais a été clair: «Je suis venu vous dire que l’Afrique a assez subi le fardeau de l’histoire» Un moment propice pour Vladimir Poutine de fustiger les pays occidentaux qui dictent «leurs conditions politiques ou autres». a messe était dite!
A cette politique d’influence, il faut ajouter que la Russie use à la fois d’acteurs civils et non étatiques. Contrairement aux relations diplomatiques traditionnelles qui s’appuient essentiellement sur les acteurs étatiques, surtout en ce qui concerne le domaine de la sécurité et de la défense, où les relations bilatérales concernent les armées régulières, Moscou a opté pour Wagner, un groupe paramilitaire russe arrivé sur le continent en 2017, dans le cadre de la formation militaire et en sécurité de l’ancien président du Soudan, Omar el Béchir. En 2018, Wagner est «arrivé en Centrafrique et s’y est très fortement installé à la suite des négociations liées à l’obtention d’armement russe pour ce pays», précise Lou Osborne, spécialiste de l’enquête en sources ouvertes et co-auteure du livre «Wagner, enquête au coeur du système Prigojine». Fin 2021, le groupe paramilitaire est entré au mali, depuis lors, le groupe paramilitaire rebaptisé ne cesse de gagner du terrain.
Le décès le 23 août 2023 à la suite d’un crash d’avion, du patron de Wagner Evgueni Prigojine, n’a pas changé la donne. Bien au contraire! Moscou a simplement changé de nom. Wagner est devenu Africa Corps et continue dans le même sillage.
Sur le plan économique, les sociétés liées au groupe paramilitaire russe sont très actives dans le secteur minier propice au trafic: diamants, or et autres minerais. Une exploitation des ressources opaque difficile à évaluer en termes de profits.
Dans une zone du Sahel où la sécurité promise par Moscou est une chimère, la Russie continue à régner, malgré tout, sur le continent.
Junior Akoma