À l’approche des élections législatives et locales prévues en septembre, la question de l’influence des médias sur les électeurs s’impose comme un enjeu stratégique majeur. Dans un pays où la compétition politique s’annonce intense, les médias ne se limitent pas à leur mission d’information : ils deviennent de véritables acteurs de la construction de l’opinion publique.
Louis-Paul MODSS ;Chroniqueur économique
Les médias, première source d’information électorale
Selon les données disponibles, près de 80 % des Gabonais urbains s’informent à travers la télévision, la radio et la presse en ligne, tandis que les zones rurales demeurent davantage dépendantes de la radio nationale. En parallèle, les réseaux sociaux progressent rapidement et touchent désormais environ 45 % des électeurs connectés. Cette double dynamique — poids persistant des médias traditionnels et montée des plateformes numériques — structure le rapport des citoyens à la politique.
Un capital de confiance qui renforce leur pouvoir
À l’échelle internationale, près de 90 % des consommateurs font confiance aux médias qu’ils consultent régulièrement. Rapporté au Gabon, ce chiffre illustre la capacité des médias nationaux à orienter les débats publics. En sélectionnant les sujets mis en avant — emploi des jeunes, coût de la vie, infrastructures, gouvernance locale — les rédactions contribuent directement à définir les priorités de la campagne.
L’« agenda-setting » : hiérarchiser pour influencer
Le principe d’agenda-setting, bien documenté par les chercheurs en sciences de l’information, s’applique pleinement au contexte gabonais. En choisissant de surmédiatiser certains thèmes et d’en marginaliser d’autres, les médias façonnent la perception collective des enjeux. Lors des scrutins passés, les querelles politiques nationales avaient largement éclipsé des problématiques de terrain telles que l’accès à l’eau potable ou la santé en zone rurale. Cette hiérarchisation, souvent invisible pour le grand public, pourrait de nouveau influencer les comportements électoraux en septembre 2025.
Concentration et instrumentalisation : un risque latent
Une part importante des organes de presse gabonais reste sous l’influence d’acteurs politiques ou économiques. Cette concentration fragilise l’objectivité journalistique et ouvre la voie à une utilisation stratégique de l’information. Dans un scrutin qui mobilisera plus de 1 200 candidats aux législatives et plusieurs centaines aux locales, l’information peut rapidement devenir un levier de persuasion électorale, voire un outil de conditionnement symbolique.
L’espace numérique : catalyseur et menace
Les réseaux sociaux constituent un nouveau champ d’influence. Ils permettent une plus grande pluralité d’opinions, mais amplifient aussi les risques de désinformation. En 2023, l’Autorité de régulation de la communication (ARCEP) avait déjà recensé plus de 300 cas de désinformation virale en période électorale. Avec l’augmentation du nombre d’utilisateurs, les chiffres de 2025 devraient être encore plus élevés, posant un défi direct à la crédibilité du processus démocratique.
Développer une culture critique de l’information
Dans un contexte d’infobésité et de polarisation des discours, l’essentiel demeure la capacité des électeurs à exercer leur esprit critique. Diversifier les sources, confronter les points de vue et questionner les récits dominants sont des réflexes nécessaires pour que chaque citoyen reste un acteur éclairé et non un simple récepteur d’opinion.
Une responsabilité démocratique partagée
Les élections de septembre 2025 rappellent que l’information est un bien public. Les médias gabonais devront garantir une couverture équilibrée et transparente, tandis que les électeurs devront redoubler de vigilance. Dans une démocratie en construction, maîtriser l’information n’est pas un simple enjeu technique : c’est une question de liberté intellectuelle et de souveraineté citoyenne.