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Discours du Président Oligui Nguema aux Etats-Unis du 09 juillet 2025 : un changement de paradigme dans la façon de concevoir les relations économiques entre l’Afrique et l’Occident.

Invités par le Président Donald Trump aux Etats-Unis du 09 au 11 juillet 2O25, cinq présidents africains ont été reçus à Washington pour une rencontre consacrée à des questions économiques et de sécurité. Il s’agit, par ordre alphabétique, des Présidents du Gabon, de la Guinée-Bissau, du Liberia, de la Mauritanie et du Sénégal. L’un des discours ayant eu un écho très retentissant est celui du Président du Gabon.

 Le discours tenu par le Président de la République Gabonaise, le 09 juillet 2025 à la Maison Blanche face au Président Donald Trump peut se lire sur le plan de la forme en deux tons : un ton panafricaniste et un autre interne au Gabon. Le ton panafricaniste de ce discours commence par féliciter le Président Donald Trump pour ses efforts dans la résolution du conflit opposant le Rwanda à la République Démocratique du Congo. Il invite ensuite le Président des Etats-Unis à user de son influence pour mettre fin au conflit fratricide qui déchire le Soudan. Il a souligné l’importance de définir, ensemble, des partenariats gagnants-gagnants entre l’Afrique et les Etats-Unis en transformant sur le plan local les matières premières de chaque pays. Cette transformation locale des matières premières créeraient de la plus-value et des emplois. Cette situation est entrevue comme une solution aux migrations illégales entre le Sud et le Nord et qui cause des situations dramatiques dans la Méditerranée avec des naufrages, des morts par noyades. Pour rappel, depuis 2014-2015 le projet « Migrants disparus » de l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) a enregistré près de 28.000 décès. Ce bilan tragique fait dire que la Méditerranée est une fosse commune selon les associations humanitaires.

Enfin, il demande au Président américain de nouer des partenariats avec les pays du Golfe de Guinée pour mettre fin à la piraterie ambiante déstabilisatrice de la zone. Ce partenariat se veut fiable, fort, pragmatique, avec des mesures concrètes.

Concernant le ton du Gabon, le Président Brice Clotaire Oligui Nguema, a fait savoir au Président Trump que le pays regorge de nombreuses matières premières dont le pétrole, le gaz et surtout, compte tenu de notre actualité, du manganèse exploité et vendu par la multinationale française Eramet à travers sa filiale Comilog au Gabon. Cette exploitation du manganèse ne profite pas ou très peu aux gabonais au profit des intérêts français. Eramet, multinationale française qui exploite le manganèse gabonais depuis 1962, à travers sa filiale Comilog (Compagnie des Mines de l’Ogooué), transforme 15% du manganèse exploité dans ce pays en France et vend les 85% restants à un de ses gros clients qui est la Chine. A ce propos, il invite les Etats-Unis à venir investir pour une ou des centrales pouvant générer de 08 à 10 gigawatts d’électricité pour la transformation du manganèse sur le plan local.

Il a, en outre, souligné l’exploitation faite dans nos eaux territoriales de la pêche au thon de la part de l’Union Européenne. Encore une fois pour précision, le Gabon souhaite que le thon pêché dans ces eaux soit débarqué et transformé localement parce que la situation actuelle est très inégalitaire. Plus de 25 % des prises mondiales de thon sont effectuées dans les zones économiques exclusives du Gabon.

L’Union Européenne accède à 32.000 t/an dans cette zone, tandis que la production artisanale locale est d’environ 45.000 t/an toutes espèces confondues et de manière artisanale, c’est-à-dire sans une industrie pour la soutenir. Ceci traduit une capacité modeste à capter ces ressources halieutiques. La compensation financière de 2,6 millions Euros/an accordée par l’Union Européenne inclut un soutien sectoriel de 1 million d’Euros, donc environ 1.6 millions d’Euros pour l’accès aux ressources. Reparti sur les 32.000 tonnes autorisées, cela ne représente que 81 Euros par tonne, alors que, selon le Réseau des Nouvelles des Marchés (RNM), piloté par l’établissement public français AgriMer (établissement national des produits de l’agriculture et de la mer), le prix moyen du kilo de thon rouge est de 19 Euros en Europe.

Cela signifie qu’ils revendent 32 millions de kilos à 19 Euros le kilo, montrant ainsi un gain de 608 millions d’Euros alors qu’ils ne nous reversent que 2.6 millions d’Euros. En gros l’Union Européenne gagne près de 234 fois plus que le Gabon dans cette vente de thon. Le Gabon dénonce cet accord et souhaite redéfinir un partenariat gagnant-gagnant avec l’Union Européenne.

Au-delà de ces deux tons, retenons que le Président Brice Clotaire Oligui parle d’une Afrique qui n’est pas pauvre et qui est riche de ses matières premières. Il met en avant la volonté des pays africains de nouer des partenariats gagnants-gagnants, c’est-à-dire des accords qui ne profitant qu’aux pays qui viennent nouer des liens avec les africains et où ces derniers sont les dindons de la farce dans cette coopération économique. Autrement dit, la pauvreté des africains est, en partie, due à cette exploitation et cette domination au sens marxiste des termes. Il souhaite bâtir avec tous ceux qui le veulent des modèles économiques adaptés à chaque pays afin d’y dégager de la plus-value et de la création des emplois pour une intégration socioéconomique des populations et surtout de la jeunesse africaine.

Le courage qu’il prend pour le dire devant le Président des Etats-Unis doit se comprendre comme un trait de la personnalité de l’homme mais surtout comme un dirigeant arrivé au pouvoir suprême en ayant vécu, connu et rencontré la misère des populations d’un continent pourtant si riche en matières premières. Ce sont les matières qui produisent les produits manufacturés et la plus-value qui fondent l’économie moderne et notamment capitaliste.

Derrière ce discours et ce ton ferme, le Président de la République gabonaise invite le capitalisme à prendre un visage humain et arrêter de créer de la misère partout où il passe. C’est tout un symbole qu’il porte son adresse au Président des Etats-Unis et à la Maison Blanche. Il s’adresse donc au garant de l’économie capitaliste et au cœur du temple même du capitalisme. Il n’a pas pris d’armes à feu pour s’exprimer, il a usé de la seule arme commune à l’être humain et qui permet de nous faire comprendre : la parole.

Quelle autre arme aurait-il pu employer devant l’un des Présidents les plus puissants du monde sur les plans technologiques et militaires ? Quelle autre arme peut utiliser l’Afrique devant la puissance occidentale si ce n’est la parole ?

Si nous convenons avec le Journal Le Monde du 10 juillet 2025 que : « Donald Trump a réuni, mercredi 9 juillet à la Maison Blanche, cinq présidents d’Etats d’Afrique riches en minerais, pour un sommet destiné à contrer l’influence grandissante sur le continent de la Chine et de la Russie… », alors il est plus qu’impérieux pour l’Occident de renouveler de paradigme au risque de voir ces deux pays prendre de plus en plus de terrain. Si la Chine et la Russie ne sont pas des enfants de cœur, comme l’on peut l’entendre de la part d’une certaine critique occidentale, néanmoins ils arrivent sur le continent avec des projets sécuritaires et infrastructurels perceptibles sur le terrain. Sans être des chantres des droits de l’homme et d’une démocratie qui apporteraient le bonheur à l’humanité, ils essaient d’apporter un peu de développement à l’Afrique.

Pour être un rempart à la montée de la Chine et de la Russie quelle contrepartie pourrait en retirer l’Afrique ? Le Président Brice Clotaire Oligui Nguema au Président Donald Trump : « Vous êtes les bienvenus pour venir investir sinon d’autres pays pourraient venir à votre place». L’on peut entendre par là que c’est une invite des pays occidentaux à venir investir en Afrique mais cette fois-ci dans des partenariats gagnants-gagnants, comme le propose la Chine et la Russie. Si le modèle est toujours de l’exploitation et de la domination, comme c’est l’exemple de l’Union Européenne et du Gabon par rapport à la question du thon, la Chine, la Russie et d’autres pays sont prêts à proposer mieux.

Le Président Brice Clotaire Oligui Nguema, invite l’Occident à un changement de paradigme dans la conception des relations économiques. Dans un ton ferme, courageux, honnête et franc, il invite le Chef de la Maison Blanche, chef de l’équipe capitaliste à changer de logiciel pour des accords de coopération plus harmonieux entre l’Afrique et l’Occident. Il ne s’agit pas d’assistanat, il s’agit de voir ce que chaque partie peut tirer de bénéfique dans la relation pour le bien-être de leurs populations respectives.

Docteur Fortuné MATSIEGUI MBOULA

 

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