L’annonce de la transformation de la plateforme Rassemblement des Bâtisseurs en parti politique par le Président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema, élu le 12 avril 2025 sous l’étiquette d’indépendant, suscite de nombreuses interrogations juridiques et politiques. Au cœur du débat : l’interprétation de l’article 82 alinéa 3 de la loi organique n°001/2025 portant Code électoral en République Gabonaise.
Louis-Paul MODOSS ; Analyste économique et politique
Que dit l’article 82, alinéa 3 ?
L’article 82 alinéa 3 du Code électoral dispose : « Tout élu en qualité d’indépendant ou tout élu devenu indépendant à la suite de la dissolution du parti qui a présenté sa candidature ne peut, pendant la durée du mandat, adhérer à un parti politique légalement reconnu sous peine d’annulation de son élection. »
Interprétation juridique du texte
Selon une lecture stricte et littérale de cette disposition, la sanction d’annulation du mandat s’applique uniquement à l’adhésion à un parti politique déjà existant et légalement reconnu. Le texte ne mentionne à aucun moment l’interdiction de créer un nouveau parti politique, ni n’étend la sanction à cet acte.
En d’autres termes, l’interdit porte sur :
– L’adhésion : Oui, interdite pendant la durée du mandat.
– La création : Non mentionnée explicitement dans le texte.
Par conséquent, en l’absence d’un terme englobant la création ou l’animation d’un parti politique, aucune base légale ne permet actuellement de considérer comme illégale la transformation d’une plateforme électorale indépendante en parti politique.
Cas du Président Oligui Nguema
Le Chef de l’État, élu sans étiquette sous la bannière du Rassemblement des Bâtisseurs, n’a rejoint aucun parti existant, mais envisage plutôt d’en constituer un nouveau à partir de sa base politique initiale. Cette initiative ne semble donc pas entrer en conflit avec l’article 82 alinéa 3.
Des juristes interrogés estiment que le texte aurait dû expressément mentionner « créer ou adhérer à un parti politique » pour que la sanction soit étendue à ce type de manœuvre politique.
Enjeux et débats à venir
Toutefois, certains acteurs de la société civile et de l’opposition s’interrogent sur l’esprit de la loi, qui vise vraisemblablement à protéger la sincérité du vote indépendant et à éviter les reconfigurations politiques opportunistes après une élection.
Des débats juridiques pourraient donc émerger dans les mois à venir, notamment si cette question venait à être contestée devant la Cour constitutionnelle, seule instance compétente pour apprécier la constitutionnalité ou l’interprétation du texte.
En l’état actuel du droit gabonais, rien n’empêche formellement le Président Oligui Nguema de créer un parti politique, tant qu’il n’adhère pas à un parti existant durant son mandat. L’article 82 alinéa 3 du Code électoral, tel qu’il est rédigé, ne constitue pas un obstacle juridique à la mutation politique annoncée.