Ça fait mal de voir des Gabonais dormir à ciel ouvert. Des familles entières délogées, des enfants sans abri, des mères en pleurs, des matelas mouillés sous la pluie, des ustensiles éparpillés sur les trottoirs… C’est triste. C’est violent. C’est choquant. Personne ne peut rester insensible à cela.
Signée de Gaël Biteghe….
Mais il faut aussi dire la vérité.
Les parcelles n°06, 07 et 08 de la section PC du plan cadastral de Libreville, au lieu-dit Vallée Sainte-Marie, ont été déclarées d’utilité publique depuis le 15 septembre 2008, par le décret n°00731/PR/MLHU.

Cela fait 17 ans que ce décret a été signé, après une enquête foncière complète, des consultations ministérielles et une délibération en Conseil d’État. Le but ? Y construire des édifices publics, dans le cadre d’un projet de développement d’intérêt national.
Les occupants réguliers de l’époque avaient été indemnisés.
Mais tout n’a pas été parfait. L’Histoire retiendra que beaucoup sont revenus s’installer, pensant que le chantier ne verrait jamais le jour. Pire encore, certains ont revendu ces terres expropriées, créant une chaîne de victimes secondaires, mal informées, parfois de bonne foi.
Mais l’État n’est pas exempt de responsabilités non plus.
Aujourd’hui encore, des zones d’ombre subsistent sur la traçabilité des indemnisations. Qui a réellement perçu quoi ? Et selon quels critères ? Il est urgent que ces données soient rendues publiques. La transparence est un devoir quand on touche à la vie de centaines de familles.
Dans ce contexte, on ne peut ignorer la dimension sociale du problème.
Un État responsable ne construit pas sur la souffrance, et ne modernise pas dans le mépris des plus fragiles. C’est pourquoi toute opération de déguerpissement, aussi légitime soit-elle juridiquement, doit s’inscrire dans un cadre humain clair, progressif et juste.
Je plaide ici pour une jurisprudence sociale, où : les occupants non indemnisés à l’époque soient réévalués rapidement par une commission neutre, un plan de déguerpissement progressif soit établi sur 1 à 3 mois, les préavis soient notifiés clairement et individuellement, une communication publique renforcée soit assurée sur les modalités d’indemnisation, les critères retenus, les procédures à suivre, et où l’opinion publique soit éclairée, plutôt que surprise ou manipulée.
Car en résumé, l’État a agi — et c’est son droit lorsqu’il s’agit d’utilité publique.
Mais désormais, il doit aussi communiquer clairement, structurer les procédures, et anticiper l’impact social. L’autorité de l’État ne peut être vécue comme brutale. Elle doit être accompagnée d’un filet de sécurité humain, pour éviter que n’émerge une classe sociale de marginalisés et de révoltés.
Car ce sont eux, demain, qui feront l’électorat des extrêmes, ou la colère sociale dans les rues.
Le juste milieu est possible : l’ordre avec justice, l’autorité avec compassion, la loi avec équité.
Oui, il faut remettre de l’ordre.
Oui, Libreville doit être modernisée.
Mais oui aussi, cela doit se faire dans la justice, la dignité et le respect de ceux qui ont souvent été les oubliés des plans d’urbanisme.
Ce n’est pas une guerre contre les pauvres.
C’est une guerre contre le désordre.
Mais elle doit se mener avec discernement, méthode, et respect du droit au logement et à l’information.
Il faut serrer les dents, mais aussi tendre la main.
Corriger les erreurs du passé, sans en créer de nouvelles.
Appliquer la loi, sans perdre notre âme.
Le Gabon que nous voulons est encore possible. Mais il ne se fera pas sans justice sociale.
…Penseur libre, acteur politique gabonais, entrepreneur, membre fondateur du Front Populaire de la Jeunesse (FPJ) et homme engagé, aux côtés de chaque Gabonais pour bâtir un avenir meilleur.