Analyse globale de la Loi des Finances Rectificative de 2025

La Loi de Finances Rectificative (LFR) de 2025 s’inscrit dans un contexte économique mondial et national en constante évolution. Elle vise à ajuster les prévisions budgétaires initiales pour tenir compte des réalités économiques, des nouvelles priorités politiques et des éventuels imprévus.

Par Louis-Paul MODOSS, Analyste économique et politique/Consultant en stratégie d’entreprises

Notre analyse de la Loi de Finance Rectificative de 2025 va s’appuyer essentiellement sur : l’analyse des recettes de l’Etat, l’analyse sur les plafonds de dépenses et l’analyse détaillée de la répartition du budget de l’Etat par mission, programme et titre.

• Analyse générale sur les recettes de l’Etat :

Tableau Synoptique des Recettes Budgétaires (en milliards de FCFA)

• Analyse Générale :

• Croissance Globale : Le budget des recettes pour 2025 prévoit une augmentation de 6% par rapport à 2024, soit 161,58 milliards de FCFA supplémentaires. Cette croissance est principalement tirée par les recettes fiscales et les autres recettes.
• Recettes Fiscales : Les recettes fiscales représentent la principale source de revenus, avec une augmentation modérée de 3%.
• Dons et Legs : On observe une forte diminution de 33% des dons, legs et fonds de concours, ce qui pourrait indiquer une réduction de l’aide extérieure ou une modification des politiques de financement.
• Autres Recettes : La catégorie « autres recettes » connaît une augmentation significative de 13%, ce qui nécessite une analyse plus approfondie pour comprendre les sources de cette croissance.

• Analyse Détaillée des Recettes Fiscales

• Impôts sur les Sociétés : Une légère baisse de 5% est observée, principalement due à une diminution des recettes provenant des sociétés pétrolières (-18%).
• Impôts sur les Personnes : Une augmentation de 12% est constatée, reflétant une hausse des revenus des personnes physiques et des taxes sur les salaires.
• Taxes sur les Biens et Services : Une augmentation modérée de 1% est observée. La TVA augmente de 7%.
• Droits et Taxes de Douanes : Une hausse globale de 12%, avec une augmentation significative des droits et taxes à l’importation (+25%).
• Droits et Taxes à l’Exportation : Une forte baisse de 40%, principalement due à une diminution des recettes provenant des exportations minières et forestières.

• Points Saillants et Observations :

• La dépendance aux recettes pétrolières reste un facteur important, malgré une diversification progressive.
• La diminution des dons et legs pourrait avoir un impact sur les projets de développement financés par l’aide extérieure.
• La forte variation de certaines taxes, comme la taxe sur les véhicules de luxe (création) et la taxe sur les retraits (suppression), doit être prise en compte.
• Certaines taxes ont une affectation spéciale, c’est le cas de la taxe de formation professionnelle, la redevance audiovisuelle, les contributions spéciales de l’eau et de l’électricité.
• La création de la redevance pour la protection des données à caractères personnels
• La suppression de la mise en débet de la cour des comptes et des enchères de biens saisis.

• Recommandations :

• Diversifier davantage les sources de revenus pour réduire la dépendance aux recettes pétrolières.
• Analyser les causes de la diminution des dons et legs et rechercher des alternatives de financement.
• Surveiller l’impact de la baisse des recettes d’exportation sur l’économie.
• Effectuer un suivi régulier des recettes et des dépenses pour assurer la stabilité budgétaire.

• Analyse générale sur les plafonds de dépenses

 Tableau des plafonds de dépenses du budget général

• Analyse Générale :

• Augmentation Globale : Le budget général prévu pour 2025 (LF 2025) est supérieur à celui de 2024 (LFI 2024), avec une augmentation totale de 231,6 milliards de FCFA, soit une hausse de 9%.
• Priorités Budgétaires : Les principaux postes de dépenses restent les charges de la dette, les dépenses de personnel, les dépenses de biens et services, les dépenses de transfert et les dépenses d’investissement.
• Variations Importantes : Certains postes connaissent des variations significatives, indiquant des changements de priorités ou des ajustements économiques.

• Analyse par Titre et Catégorie :

• Titre 1 : Charges Financières de la Dette
  • Baisse globale de 8%, principalement due à une réduction des intérêts sur la dette extérieure (-29%).
  • La dette intérieure augmente de 10%, notamment les intérêts sur les emprunts intérieurs et les marchés financiers.
  • Forte augmentation des facilités de caisse (+55%).
• Titre 2 : Dépenses de Personnel
  • Augmentation de 6%, principalement due à l’augmentation de la solde permanente.
  • Suppression des recrutements en cours et annoncés.
• Titre 3 : Dépenses de Biens et Services
  • Forte augmentation de 25%, avec des variations importantes dans plusieurs catégories.
  • Augmentation du remboursement de la TVA, notamment pour le secteur pétrolier.
  • Augmentation des dépenses liées aux élections (+84%) et des dépenses transversales (transport, assurance, inhumation).
  • Des modifications importantes concernant les attributions de produits.
• Titre 4 : Dépenses de Transfert
  • Légère diminution globale, mais avec des variations significatives.
  • Augmentation du soutien des prix des produits pétroliers.
  • Diminution des bourses (ANBG) et des dépenses sociales.
  • Augmentation des dépenses d’inhumation et des dépenses liées aux institutions.
• Titre 5 : Dépenses d’Investissement
  • Augmentation de 16%, principalement due à une augmentation des financements extérieurs.
  • Diminution des projets sur fonds de concours PID-PIH
  • Suppression des projets prioritaires du CTRI.
• Titre 6 : Autres Dépenses
  • Augmentation de 29%, principalement due à une augmentation des dettes aux agents de l’État (rappels).
  • Augmentation des couts sociaux de restructuration.

• Points Saillants :

• Dette : La gestion de la dette reste un enjeu majeur, avec une réorientation vers la dette intérieure.
• Dépenses Sociales : Des variations importantes dans les dépenses sociales nécessitent une analyse approfondie de l’impact sur les populations vulnérables.
• Investissements : L’augmentation des investissements extérieurs peut stimuler la croissance économique, mais nécessite une gestion rigoureuse.
• Élections : L’augmentation significative des dépenses électorales souligne l’importance de la transparence et de la bonne gestion des fonds publics.

• Recommandations :

• Analyse Approfondie : Une analyse détaillée de chaque poste de dépenses est nécessaire pour comprendre les raisons des variations et évaluer l’efficacité des dépenses.
• Transparence : Renforcer la transparence dans la gestion des fonds publics, notamment en ce qui concerne les dépenses électorales et les projets d’investissement.
• Évaluation d’Impact : Évaluer l’impact des dépenses sociales sur les populations vulnérables et ajuster les politiques en conséquence.
• Gestion de la Dette : Mettre en œuvre des stratégies de gestion de la dette efficaces pour réduire le fardeau de la dette et libérer des ressources pour d’autres priorités.

Analyse détaillée de la répartition du budget de l’Etat par mission, programme et titre

 Tableau de répartition du budget de l’Etat par mission

• Analyse Générale :

• Augmentation Globale :
  • Le budget total de l’État connaît une augmentation globale, comme l’indique l’écart positif entre le LF 2025 et le LFI 2024.
  • Cette augmentation varie considérablement selon les missions, les programmes et les titres.
• Dépenses de Personnel (Titre 2) :
  • Les dépenses de personnel représentent une part importante du budget dans de nombreuses missions.
  • On observe des augmentations significatives dans plusieurs secteurs, notamment la Défense et le Pilotage et coordination de l’action gouvernementale.
• Dépenses d’Investissement (Titre 5) :
  • Les dépenses d’investissement montrent également des variations importantes.
  • Certaines missions, comme l’Agriculture et le Tourisme, bénéficient d’augmentations substantielles des investissements.
  • La mission défense a une augmentation importante aussi de ces investissements.
• Impact des ADP/FDC/DONS :
  • Les Appuis Budgétaires Projet/Fonds de Concours/Dons (ADP/FDC/DONS) ont un impact significatif sur certaines missions, notamment l’Aménagement du territoire et tourisme.

• Analyse par Mission :

• Action extérieure de l’État :
  • Augmentation globale du budget, avec une hausse notable des dépenses d’investissement.
  • Les Affaires consulaires et le Pilotage et soutien de l’action extérieure de l’État connaissent les plus fortes augmentations.
• Administration du territoire :
  • Augmentation du budget, principalement due à la Gestion des collectivités locales et au Pilotage et soutien à la politique d’administration du territoire et de sécurité.
  • Les dépenses de biens et services et les investissements sont en hausse.
• Agriculture, élevage et pêche :
  • Forte augmentation du budget, avec une hausse significative des investissements dans l’agriculture et le développement rural.
• Aménagement du territoire et tourisme :
  • Augmentation substantielle du budget, en grande partie grâce aux ADP/FDC/DONS.
  • Les investissements dans le tourisme sont en forte hausse.
• Conseil et Contrôle :
  • Augmentation du budget, avec une hausse des dépenses de biens et services et des investissements.
  • Le Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) bénéficie de la plus forte augmentation.
• Culture et éducation populaire :
  • Légère diminution du budget global.
  • Forte baisse des investissements dans la culture.
  • Augmentation des dépenses de personnels.
• Défense :
  • Forte augmentation du budget, avec une hausse des dépenses de personnel et des investissements.
  • La Garde Républicaine connaît la plus forte augmentation.
• Pilotage et coordination de l’action gouvernementale :
  • Légère diminution du budget global.
  • Augmentation des dépenses de personnel, mais diminution des dépenses de transfert.
• Économie forestière et protection de l’environnement :
  • Diminution du budget global, principalement due à une forte baisse des dépenses de transfert.
  • Les dépenses de personnels et d’investissements sont en hausses.

• Points Clés et Observations :

• Les priorités budgétaires semblent être axées sur la défense, l’agriculture, le tourisme et le développement des collectivités locales.
• Les dépenses de personnel continuent de représenter une part importante du budget, ce qui peut limiter les marges de manœuvre pour d’autres dépenses.
• Les investissements sont en hausse dans plusieurs secteurs, ce qui pourrait stimuler la croissance économique.
• L’impact des ADP/FDC/DONS est crucial pour certaines missions, ce qui souligne l’importance de la coopération internationale et des partenariats.

• Recommandations :

• Effectuer un suivi régulier de l’exécution budgétaire pour s’assurer que les fonds sont utilisés efficacement.
• Évaluer l’impact des investissements sur la croissance économique et le développement social.
• Diversifier les sources de financement pour réduire la dépendance aux ADP/FDC/DONS.
• Maitriser les dépenses de fonctionnements.

Conclusion

La loi de finances rectificative 2025 du Gabon s’inscrit dans un contexte de réajustement budgétaire, visant à adapter les prévisions initiales aux réalités économiques et sociales du pays. Elle met en lumière une volonté de rationalisation des dépenses publiques, tout en maintenant les priorités sectorielles essentielles.

En résumé, elle témoigne d’une volonté d’adaptation et de réajustement budgétaire, dans un contexte économique en constante évolution. Elle vise à assurer la soutenabilité des finances publiques, tout en maintenant les priorités sectorielles essentielles et en renforçant la transparence et l’efficacité de la dépense publique.