Avant de donner les raisons pour lesquelles le président de la République, au Gabon, doit rester président du Conseil supérieur de la magistrature, je voudrais souligner que la présente intervention est la suite de ma contribution écrite adressée à l’Assemblée Constituante dans le cadre de la réforme constitutionnelle.
Je rappelle ce que j’ai écrit : « … A propos du vice-président du gouvernement. Le chef de l’Etat est président du Conseil des ministres. Son vice-président de la République devrait être président du gouvernement. Il présiderait les Conseils interministériels. Il serait assisté d’un vice-président du gouvernement (un ministre d’Etat), chargé de la coordination de l’action gouvernementale. Le chef de l’Etat n’a pas besoin qu’on l’appelle aussi président du gouvernement.
Au Gabon, le vice-président de la République est nommé, mais il aurait un pouvoir réel… ».
«… La Constitution est la norme au-dessus de tout. La notion au-dessus de tout qui doit gouverner la réforme constitutionnelle est l’intérêt supérieur de la nation. Le reste est une question de choix, de logique, de pertinence, de droiture.
1- Le régime présidentiel (avec un vice-président de la République nommé et président du gouvernement, président des Conseils interministériels), c’est un choix.
2- Etre Gabonais (avec des parents gabonais) pour être président de la République n’est pas un critère de discrimination, mais une condition à remplir (au nom de l’intérêt supérieur de la nation). Le traumatisme causé par la « légion étrangère », sous le régime déchu, n’autorise aucune concession.
3- Le critère de l’âge pour être candidat à la présidence de la République est à écarter, car il est un critère de discrimination et surtout sans intérêt.
4- Le mandat présidentiel de 4, 5 ou 7 ans, c’est un choix. L’alternance au pouvoir, c’est dans l’intérêt supérieur de la nation. Elle est garantie par le mandat de 7 ans renouvelable une fois.
Le financement des élections politiques (tous les 4 ou 5 ans) est un véritable défi ! Le Gabon est à bâtir d’abord !
5- Le parlementaire exclu de son parti garde son mandat sauf pour faute grave à l’appréciation des juges. C’est logique… ».
Cela étant dit, parlons maintenant des raisons pour lesquelles le président de la République, au Gabon, doit rester président du Conseil supérieur de la magistrature, non sans souligner que je suis moi-même magistrat et je sais de quoi je parle, après avoir subi de graves injustices.
1- La justice est rendue au nom du peuple gabonais. « La justice est rendue, au nom du peuple gabonais, par la Cour constitutionnelle, la Cour suprême, les cours d’appel, les tribunaux, la Haute-Cour de justice et les autres juridictions d’exception » (Article 67 de la Constitution du Gabon du 26 mars 1991).
La justice est rendue au nom du peuple gabonais, car la loi, que le juge applique, est l’expression de la volonté du peuple. Mais de quel peuple parle-t-on, alors que les lois (à part la loi référendaire, la loi adoptée par référendum, expression directe de la souveraineté nationale) ne sont pas adoptées (directement) par le peuple souverain ? Il est admis que le peuple doit pouvoir désigner ses représentants pour le vote de la loi, mais il n’est pas admis que le peuple doit désigner ses juges pour l’application de la loi. Les représentants du peuple qui doivent rendre compte au peuple, au terme de chaque mandat, ne sont pas les juges, mais les élus du peuple : le président de la République, les sénateurs, les députés (…). Le peuple ne peut donc déléguer son pouvoir qu’à son représentant pour s’assurer que « La justice est rendue au nom du peuple gabonais… ».
2- Le président de la République est le garant de la sécurité et de la paix, pas le magistrat même avec le titre de président du Conseil supérieur de la magistrature. La magistrature suprême, assurée par le président de la République, ne lui donne pas le pouvoir de décider à la place du juge, mais de garantir avant tout la sécurité et la paix.
3- Le président de la République, président du Conseil supérieur de la magistrature, au Gabon, est l’arbitre entre les magistrats (les puissants et les autres) qui ne sont pas à l’abri des règlements de comptes ou des dissensions internes.
4- L’élu du peuple ne peut pas laisser les magistrats dicter leur loi. Les magistrats hors hiérarchie et du premier grade (pas les autres), en position de détachement, peuvent continuer à bénéficier dans leur corps, de leurs droits à l’avancement automatique et à la retraite : « Au sens de la présente loi, on entend par détachement, la position du magistrat qui, placé hors de l’administration judiciaire, exerce dans d’autres administrations publiques, institutions, organismes officiels ou dans les établissements publics ou parapublics, mais qui continue à bénéficier dans son corps, de ses droits à l’avancement automatique et à la retraite.
Cette position ne peut être accordée qu’aux magistrats hors hiérarchie et du premier grade… » (Article 125 de la loi N° 040/2023 du 26/10/2023 portant Statut des Magistrats).
Alors que j’étais en position de détachement, des magistrats, des collègues (les puissants), avaient fait adopter cette mesure qui empêche les magistrats en position de détachement, à part le groupe des puissants (« les magistrats hors hiérarchie et du premier grade »), d’accéder à un grade supérieur. D’après eux (les puissants), les magistrats doivent rester dans les juridictions, mais les collègues n’ont rien fait pour interdire toute position de détachement.
Les collègues, au Ministère de la Justice, ne s’interdisent pas d’appliquer le décret instituant la Journée nationale des droits de l’homme, le 30 mai de chaque année, décret signé par le patriarche Omar Bongo Ondimba, et dont l’avant-projet avait été élaboré, par le magistrat en position de détachement (que je suis), sous l’autorité de Monsieur Pierre Claver Maganga Moussavou, alors ministre en charge des Droits humains.
Lors de la réunion préparatoire à la dernière session du Conseil supérieur de la magistrature, des collègues (les puissants) ont décidé de ne pas examiner favorablement ma demande de réintégration pour bien punir un collègue qui a été en exil au Cameroun pendant plus de 7 ans (2009-2017), avec sa femme (qui n’est plus) et son fils malade, et qui est sans salaire depuis plus de 14 ans (2009-2024), alors qu’un exilé, avec le statut de réfugié accordé par le HCR, n’est pas un démissionnaire !
Conclusion : Le président de la République, l’élu du peuple, est le garant de la sécurité et de la paix. Le président de la République, au Gabon, doit rester président du Conseil supérieur de la magistrature, au nom de l’intérêt supérieur de la nation.
Ibrahim Bignoumbe-Bi-Moussavou
Juge gabonais, ancien exilé, militant africain des droits humains, fondateur de L’Internationale démocrate (…), initiateur de la Police de secours « George Floyd » (ou l’opération 1000, 10.000, 100.000 emplois (…), disciple du prix Nobel de la paix 1964, pasteur Martin Luther King