Un an c’est long, 12 mois c’est court serait-on tenté de dire. D’un côté le CTRI et de l’autre le gouvernement, les parlementaires et autres institutions de la transition au Gabon, car les deux acteurs de la gestion de l’opération du 30 août 2023 naviguent à l’équidistance du peuple, chacun de son côté.
Le microcosme politique national bouillonne à la vue des premières lueurs de la date de la première commémoration du jour où un groupe de militaires, suivi par le gros des troupes ont décidé de passer à l’action pour changer la face du Gabon. Cette face cabossée par les coups de boutoir portés à la fois par certains de ses enfants et les amis de ces derniers venus d’ailleurs. Cette date est devenue une histoire indélébile pour la suite de ce pays qui n’a pas mérité le sort qui lui fut réservé ces derniers quatorze (14) ans.
Le Gabon bouge, car aucune de ses composantes ne semble indifférente. Ambiance de fête et d’exutoire pour le plus grand nombre et climat de deuil pour une partie du peuple, nostalgique, aigris et amer, ce qui peut être compris, voire explicable. Car il faut aussi de tout pour faire un monde. Beaucoup feront donc mauvaise fortune contre bon cœur et se résoudront à observer sans mot-dire quand d’autres zélateurs frénétiques, fans du CTRI feront des éloges quelques fois exagérés, trouvant tout très beau et les héros du 30 août, sans tâche ni faiblesse.
Le peuple dans sa majorité a sa raison d’exulter. C’est simplement le prolongement de la logique et le climat vécu ce matin de la Libération qui a vu, comme par magie, une réconciliation instantanée, empreinte de vérité et de fierté, entre le peuple et ses hommes et femmes habillés. Un genre d’osmose magnifique et magique qui était aux antipodes de l’idée que ces gabonaises et gabonais euphoriques et ivres de joie s’étaient fait depuis plus d’une décennie, de leurs forces de sécurité et de défense. Ceux qui, hier se regardaient en chien de faïences 24 heures plus tôt, avaient des étoiles dans les yeux, les uns pour les autres. La mémoire et la conscience collective ont tourné casaque sans ambages. Le monde était beau, l’armée était brave et patriotique et Dieu était juste.
Après le doux sommeil de la Libération et le temps de l’euphorie collective, devrait arriver le temps des regards, du jaugeage et de lecture avec cet espoir que tout colle aux attentes et aspirations du peuple pour vivre réellement le changement et la renaissance de ce Gabon longtemps rêvé. À l’évaluation des premiers pas, les visages commencèrent à se froisser, trop de cheveux dans la sauce servie avec un gouvernement que beaucoup ne comprennent pas car, à majorité des mêmes acteurs que le peuple pointe du doigt. Le peuple ne se l’explique toujours pas jusqu’à ce jour et personne ne saurait penser juger cette attitude de désolation de la part de ces heureux du 30 août 2023.
Trop de pieds tordus et de bras cassés entourent le président de la transition disent les populations, malgré son approche pratique et pragmatique de sa vision, beaucoup dans ce gouvernement semblent largués par la vitesse imposée par le général Président. Cela se ressent par le trop d’acquiescements et les louanges à tout va de ceux qui sont sensés lui apporter de l’éclairage dans les tournants qui sont jugés difficiles et à la limite dangereux.
Les douze mois de la transition ont été très court pour les militaires, le général de brigade Brice Clotaire Oligui Nguema avait beaucoup dans sa gibecière, certes il en a distribué, réalisé et construit malgré quelques pesanteurs observées et occasionnées mais apparemment pas au nombre qu’il aurait voulu. Pour la grande majorité de la population, les adeptes de la politique politicienne l’ont orienté vers les schémas de la diversion qui lui ont pris trop de temps et d’argent à l’exemple de cette fameuse concertation d’Agondgé qui ne s’imposait nullement pas pour les réformes donc les militaires eux-mêmes avaient la quintessence avant même l’opération. Des assises qui aujourd’hui, n’intéressent que très peu de Gabonais tout comme le fameux référendum sachant que le peuple lui-même avait déjà demandé le retour à la constitution de 1991. Même s’il fallait simplement réactualiser certains aspects tout en gardant l’essentiel, à savoir : la durée et le nombre de mandats présidentiels, le Président de la transition aurait gagné en temps et en argent, argent qui fut la véritable motivation pour les instigateurs de la messe d’Agondgé du CTRI mais en réalité, des politiciens en eaux troubles.
Pas de Dialogue d’Agondgé, pas de référendum, une assemblée constituante pour dépoussiérer la constitution de 1991, suffisait pour un pouvoir militaire arrivé quand tout était en lambeaux et qui n’était pas soumis à une durée transitoire. Et dans le cas où une durée s’imposait, autant il aurait fallu que la structuration dirigeante de la transition soit allégée. Le peuple des faubourgs de toutes les villes du pays dit ne pas comprendre pourquoi le gouvernement de transition ne serait pas à majorité militaire pour mieux suivre les ordres militaires.
Le 30 août est arrivé avec cette obligation de vérité, vérité sur la fidélité de tous ceux qui entourent le Président et la vérité sur l’état du CTRI vu par les populations. Pour les observateurs avertis, seuls les militaires et le cabinet du chef de l’État sont dans le moule, tout comme moins d’une dizaine de membres du gouvernement suivent et jouent franc jeu pour le président de la transition, le reste fait de coquins et de copains, dort au premier banc et constitue une charge pour la transition.
Le CTRI était à 9/10 il y a un an, aujourd’hui les Gabonais s’accordent à lui accorder encore un 7/10 tout en sachant que le gouvernement lui est dans les 5,5/10 d’opinions favorables (évaluation faite de façon lapidaire dans Libreville et 3 autres grandes villes du pays).
Le temps de tâtonnements est terminé, c’est maintenant celui de la politique et d’ailleurs certains loups sortent du bois même si l’on ne voit aucune brebis ou mouton dans les parages. Nous sommes dans la célébration largement demandée par le peuple, du coup de libération. Jean Paul Sartre disait que l’existentialisme est un humanisme et le peuple gabonais a dit : un coup d’État sans effusion de sang est un coup de libération, alors, fêtons d’un coup, la libération !
Jean Hilaires Biteghe Obame , journaliste d’investigations, lauréats international, dunkerque, bull international URTI