Mais face à une communauté musulmane qui a librement fait son choix, il sera difficile à celui qui a été désavoué au cours d’un vote auquel il a personnellement pris part, de conduire le troupeau de Dieu.
Samedi 16 mars 2024, lors du 5ème congrès de la communauté musulmane du Gabon tenu à la Mosquée centrale de Libreville, deux candidats étaient en lice afin que les représentants des neuf provinces (41 imams) choisissent celui qui va présider aux destinées de la communauté. Il s’agit de Benyamin Andjoua Obolo et Abdul Razzak Guy Kabongo. Le premier est plébiscité par 37 voix contre 4. Dimanche 17 mars au lendemain de ce choix, la communauté organise une cérémonie d’installation officielle de leur nouveau chef Andjoua Obolo, à la grande salle de l’immeuble Arambo. L’événement est encadré par les forces de l’ordre, en présence de la presse.
Curieusement, après sa débâcle à la mosquée centrale, le perdant et ses petits soutiens se sont dirigés précipitamment, le même 16 mars, vers la mosquée Hassan 2, où Abdul Razzack Guy Kabongo a appris à la presse, qu’il a été désigné par le président de la transition pour mettre de l’ordre au sein de la Communauté musulmane du Gabon. A ce sujet, aucun document signé du président de la transition n’a été brandi à cet instant. Dès lors, on est en droit de penser à un trafic d’influence.
Du coup, des interrogations fusent : si la désignation de M. Kabongo était formelle, pourquoi ce dernier a-t-il encore pris part au choix d’un nouveau chef de la communauté musulmane du Gabon le 16 mars dernier ? Pourquoi, les médias de service public n’ont-ils pas relayé l’issue du 5ème congrès de la communauté musulmane tenue à la Mosquée centrale ? M.Kambogo qui a été désavoué, peut-il réussir face à une communauté religieuse qui a fait son choix et ne compte pas se laisser dicter?
Aux yeux de la loi, la constitution (de mars 1991) sur laquelle s’inspire la Charte de la transition dispose : «le Gabon est une république indivisible, laïque et sociale. Il affirme la séparation de l’Etat et des religions et reconnaît toutes les croyances, sous réserve du respect de l’ordre public », article 2 du titre premier de la constitution.
Ainsi décrit, le Secrétaire général du gouvernement, troisième personnalité de l’Exécutif gabonais peut-il aussi être un chef religieux ? L’esprit de la constitution permet-il au chef de l’exécutif de dicter un choix pour diriger une communauté religieuse? Dans un contexte qui prône la restauration des institutions, quel signal veut-on donner à ceux qui croient à un retour des institutions fortes et démocratiques ?
Voilà autant de questions qui méritent des réponses claires nettes et précises.
Jean-Yves Ntoutoume