La coquille de la transition des militaires est à jauger à l’entame de la nouvelle année, même si leur prise de pouvoir n’est vieille que de quelques mois. C’est une œuvre que chaque gabonais se doit d’apprécier le contenu. Coquille vide ou pleine à ce stade de la gestion du pouvoir ? Voilà l’occasion qui est donnée aux spécialistes des évaluations multiformes, même s’il a été prouvé que la lecture des peuples n’avait rien à voir avec les codes et mesures souvent subjectifs des canaux érigés par des consciences polluées des savants.
Un bilan se fait et se voit sous le prisme d’un regard, celui du descripteur. Voici pourquoi une lecture objective de la situation ne peut répondre qu’à une forme de subjectivité, ce qui déterminera humainement la justice des faits à savoir : le visu et le vécu en tout détachement.
Pour certains de ces penseurs, savants et analystes gabonais, le pouvoir des militaires est incontestablement et psychologiquement libérateur, tout comme les mêmes avancent que la structure reste à peu de choses près, inchangée. Pour ces spécialistes des comparaisons ( que d’aucuns diront hâtives), le système reste, seul l’habillage a changé.
Nostalgiques et absolutistes, ces derniers disent que, l’euphorie du 30 août 2023 miroitait l’Eden sans passer par le périple initiatique consacré. Pour preuve, le raisonnement de ces drones psycho-celebraux qui voient tout sans y être, le pays que l’on aime a cette particularité de ne pas accepter bien longtemps ses dirigeants. La frange qui crie plus fort est toujours celle qui analyse sous le prisme intellectuel, décollé des basiques et des profondeurs culturelles. La réalité du bien-être d’une société des Hommes est d’abord et surtout psychologique et l’approche ne peut être acceptée que si l’on met l’Homme chargé de la tâche des attentes du peuple tout en évitant des banalités du genre : ce sont tous ou toujours les mêmes.
Un bilan de quelques mois pour la vie d’une nation, n’est qu’une vue de l’esprit. Un nourrisson ne peut être nourricier, il apporte la joie et la paix, il est cajolé et l’on l’aide pour ses premiers pas, personne de sensée ne peut se plaindre de sa non contribution dans l’amélioration matérielle, du vécu de la famille. Bien au contraire, toute la maisonnée, famille, clan, tribu, et communauté ont le devoir si ce n’est l’obligation de le conduire, ainsi pense la grande majorité du peuple sain de la société gabonaise. Un positivisme trop prononcé pas loin d’une indolence pas du tout au goût de ceux qui veulent » tout, tout de suite » même si, au plus profond d’eux-mêmes, ils savent que c’est une presque impossibilité vu l’abîme dans lequel le Gabon est plongé depuis 56 ans de règne du système Bongo/PDG.
Certes, ceux qui jouissent de cette patience olympienne vis-à-vis du CTRI devraient comprendre ceux de leurs compatriotes qui disent ne pas clairement voir l’horizon car, pour eux, l’essor vers la félicité se doit d’être une brise que tout le monde devrait ressentir la fraîcheur réparatrice mais, toute chose étant égale par ailleurs.
Les premiers mois de pouvoir du comité pour la transition et la restauration des institutions sont très loin d’être une catastrophe, bien au contraire, c’est une ouverture vers un nouveau monde bien meilleur que celui connu jusque-là. C’est loin d’être parfait, certes, mais les prémices soulagent plus qu’ils ne désolent.
Des points d’ombres interrogent plus d’un, c’est vrai et certains balbutiements se font jour et cela à raison, laissant un certain nombre de gabonais dubitatifs. Le peuple en ce 30 août 2023 a vu le monde en rose mais le contraire de vues observé aujourd’hui de ce même peuple n’est non plus facile à harmoniser par le nouveau patron du pays Brice Clotaire Oligui Nguema.
En effet, les gabonais dans presque leur entièreté émettent le vœu d’effacer tout ce qui y’a comme ancien ordre, voire l’oublier et en même temps, certains refusent de faire table rase des faits qui ont émaillé ces temps lugubres. Tout le monde doit rendre des comptes, sans exception aujourd’hui et maintenant disent-ils, tout en demandant d’avancer vite et très vite car, martèlent-ils, le pays a besoin d’un nouveau souffle et d’un autre visage.
Le CTRI, par la voix de son porte-parole, le colonel Ulrich Manfoumbi Manfoumbia, a pondu près d’une demi centaine de communiqués en un peu plus de cent jours de pouvoir allant dans le sens de la restauration des institutions. Dans un ton presque martial mais curieusement adulé du peuple, le CTRI cherche à rassurer les plus sceptiques et conforter les convaincus mais le tout reste, en partie, à expliquer d’où la recherche de l’efficience de la communication présidentielle et gouvernementale. Le peuple demande plus de justice oui ! Il faut dire le droit même s’il y’a un quelconque risque de se renier car un chef qui n’a pas l’esprit de représailles n’existe pas. C’est d’ailleurs sur ce point que les sceptiques au CTRI (qu’ils qualifient de difficilement lisible) se demandent si au Gabon aujourd’hui l’on vit une fin de règne ou une fin de régime ? Trop de barons de l’ancien régime dans la nomenclature de gestion sous ce pouvoir d’exception des militaires, la visible et outrageante liberté des éléments sulfureux du régime déchu qui s’apparente à de l’impunité, le retour à une certaine insécurité dans les grandes villes du pays et son corollaire de décès de coloration fétichiste comme dans l’ancien régime.
Ajouté à cela, des bavures mortelles commises par certains éléments des forces de sécurité et de défense sans véritables raisons pouvant justifier cette bestialité au moment où le peuple a pensé faire désormais corps avec ses hommes et femmes des corps habillés, tout comme serait de retour, la chosification du gabonais lambda par l’élite et certains non-gabonais qui parasitent les milieux du pouvoir militaire, les retro-pédalages sur les décisions à très haute intensité de souveraineté comme l’interdiction de vente des terrains ( les gabonais parlent même d’accaparement) et la cession des titres fonciers aux non-gabonais, tout comme l’est la non application de la priorité des emplois aux gabonais.
Il y’a aussi le mutisme observé par le CTRI sur le débat qui s’enfle sur la promotion de l’homosexualité dans l’épineux projet de l’éducation sexuelle dans le programme de l’enseignement au Gabon et plus grave, depuis les petites sections, pour ne citer que ces cas. D’où la question de savoir si le bras du CTRI au pouvoir au Gabon ne tremble pas à certaines occasions ? Le parcours de la transition est tortueux et semé d’embûches, ce n’est pas un long fleuve tranquille où les apprentis piroguiers peuvent faire leurs traversées, la fleur entre les dents. Conduire un pays sinistré politiquement, administrativement, socialement, économiquement et institutionnellement est une gageure qui ne dit pas son nom. Quelques zélateurs se trompent quand ils disent que la transition militaire au Gabon n’est que politique et que le temps marqué par la charte de la transition ne se justifierait car, pour eux, le Gabon n’est pas en guerre. Mais que diantre !
Le Gabon est un pays autant sinistré qu’un pays en guerre et cela depuis au moins quatorze ans et je lève humblement mon chapeau aux auteurs-acteurs de cette transition qui n’ont pas le sommeil tranquille même si les quelques minutes de répit que l’organisme humain leur impose, peut être considéré comme le repos du juste. Au-delà des zones d’ombre et de turbulences internes et externes, le CTRI tient la barre de ce navire Gabon truffé de trous dans une malmenée quatorze ans durant par des pirates sans foi ni loi. La transition navigue entre haute mer avec tout ce que cela comporte comme risques. La houle et vagues des censeurs lugubres tapis dans le noir, par Jets homéopathiques, lancent des harpons dans le funeste espoir de faire couler le Gabon entre les mains des militaires. Les attentes justifiées et obligatoires des populations, qui voient en ces militaires gabonais courageux, une grande partie des solutions à leurs problèmes avec en plus, un gouvernement ( même s’il ne fait pas l’unanimité) qui a à sa tête, un cheval de bataille rompu aux luttes des restaurations. Le Gabon n’a pas encore décollé, laissons la piste sécher et le décollage sera doux et sécurisé.
Quand les observateurs de la transition au Gabon parlent des premiers mois de la transition, il ne devrait nullement s’agir de bilan, ce n’est même pas le mi- parcours. Il s’agit plutôt d’avoir un regard froid sur les perspectives avec fond de prospections savantes et objectives. À l’écoute des décisions prises par le CTRI, le Président de la transition, chef de l’État et son premier ministre, le peuple, à la fois jubile et retient son souffle sur les plus marquantes : je parlerais du courage de trancher entre le droit de vie des éléphants et celui des populations gabonaises précarisées, la régularisation des statuts des enseignants, du personnel de santé, des professionnels de la communication des médias publics. Des milliers de situations humiliantes ont trouvé des solutions plus satisfaisantes, la priorité donc la préférence faite au gabonais à l’emploi et aussi à l’arrimage de ceux qui ont un emploi de leurs situations aux standards légaux.
Nous pouvons aussi mentionner la sécurisation de nos frontières et la modernisation de ces zones portiques, première image illustrative du Gabon avec les pays dont nous partageons ces frontières à l’exemple de la frontière Gabon – Congo dans le Haut-Ogooué et le lancement des travaux sur la zone frontalière Gabon – Guinée équatoriale par Oyem dans la province du woleu-ntem avec la construction d’une voie bitumée reliant la capitale du septentrion à la république sœur de Guinée équatoriale.
En moins de cent jours de pouvoir militaire, l’annonce de la gratuité des inscriptions dans les établissements publics et conventionnels est venue soulager toutes les familles gabonaises, la nomination des parlementaires de la transition pour faire beau et un peu de politique inclusive ( pas véritablement utile aux yeux des populations qui préféraient une constituante) cette pratique de coptations a vu plusieurs compatriotes qui s’étaient illustrés dans des luttes multiformes pour la démocratie et les droits de l’homme et du citoyen, arborer l’écharpe vert-jaune-bleu. Pour ce qui est de la réduction des charges de l’État, le Président de la transition, chef de l’État a renoncé à son salaire et dans la même foulée, l’annonce de la réduction des indemnités des parlementaires nommés, la suppression des fonds politiques ainsi que la réduction des indemnités de sessions et bien d’autres frais octroyés, en temps normal, aux parlementaires élus.
C’était pratique et cela n’a pas laissé les populations indifférentes, bien au contraire, ceci présageait une recherche réelle de l’orthodoxie financière tant voulue par le peuple qui voyait dans toutes ces répartitions, un partage à géométrie variable et comme cela se dit en Afrique, c’est le mauvais partage qui engendre les conflits. Mais que dire de la suppression des fonds politiques aux partis politiques ?
Dans le registre des décisions fortes du CTRI, il y’a celle de la dissolution du Haut-commissariat de la République dont très peu de gabonais connaissaient la mission véritable qui lui était dévolue. Le général Oligui Nguema et le CTRI via le gouvernement de Raymond Ndong Sima, ont lancé une bouée de sauvetage à l’endroit des PME des gabonais en leur réservant exclusivement tous les marchés publics inférieurs à 150 millions de francs CFA, une politique d’appropriation du marché des affaires. De la communication du gouvernement, il a été annoncé également l’allègement de la dette intérieure et extérieure sous laquelle croupissait le Gabon.
D’autres mesures, touchant directement le gabonais de classe sociale inférieure ont arraché des applaudissements à la population comme celle de repousser l’âge des véhicules importés à 10 ans au lieu de 5. Cette mesure s’étendait également aux motocyclettes de 12 mois. Cette décision est venue nourrir des ambitions saines sur le bien être des gabonais de conditions modestes. Dans une nouvelle approche de reconnaissance et de revalorisation de regard net et d’écoute fine, la transition a pensé qu’il était juste de revaloriser les indemnités des auxiliaires de commandement. Nous allons nous arrêter là pour les moins de vingt ( 20) semaines de pouvoir des militaires du CTRI.
Au moment où nous ouvrons cette nouvelle année, le peuple gabonais se doit d’ouvrir à la fois son cœur, ses yeux, ses oreilles et son cerveau pour que l’approche de son jugement sur ce qui se fait, se fasse avec objectivité. Le pouvoir du CTRI doit comprendre que tout gabonais est acteur de la politique de son pays et les animateurs étant simplement tous ceux qui occupent le moindre pan de pouvoir dans cette transition. Rien ne devrait plus se faire sans ce peuple qui aspire à renaître, il faut le rassurer et toujours le rassurer, tout comme les plus sceptiques n’attendent qu’à être convaincus. Par contre, cela ne devrait non plus entraver l’élan porteur d’espoir du nouveau pouvoir de Libreville car la recherche de l’unanimité (difficile d’y arriver) ne doit pas plomber l’avancée du CTRI. Ne dit-on pas que : autant d’êtres humains sur terre, autant de conceptions de choses ? Même si nombreux trouvent mieux de jouer aux chauves-souris en murmurant » je suis oiseau, j’ai des ailes, je suis rat j’ai les dents et vive les rats ».
Que cette nouvelle année positive nos pensées.
Jean Hilaires Biteghe Obame , journaliste d’investigations, lauréats international, dunkerque, bull international URTI