Il s’agit plus précisément ici des entreprises de presse du secteur privé grâce à qui, l’instance de régulation des médias au Gabon, la haute autorité de la communication née sur les cendres du conseil national de la communication, doit son existence. Car, il faut bien le préciser, cette instance est née dans la foulée du retour du pluralisme au Gabon. Parce que sous le parti unique, seuls les médias de service public avaient pignon sur rue.
Désormais érigées en entreprises de communication, selon le code de la communication de 2016, tous les organes de presse qui existaient bien avant n’étaient pas forcément assujettis aux dispositions fiscales ou immatriculés à la sécurité sociale. L’ancien code de la communication réduisait la création d’un organe de presse à la délivrance des récépissés de déclaration du parquet de la république et du ministère de la communication, en plus du quitus de l’instance de régulation. Point !
Constituées en entreprises de communication avec toutes les exigences y afférentes, le statut de l’entreprise de presse privée est prosaïque. Et pour cause, cette entreprise peut être suspendue d’un mois, jusqu’à l’interdiction définitive de parution par une simple sanction administrative, selon le code de la communication en vigueur au Gabon (article 183). L’hebdomadaire satirique La Griffe avait été définitivement interdit de paraître en juillet 1998. Et tout le personnel a été prié d’aller voir ailleurs. Sans une autre forme de procès, et sans paiement de leurs droits légaux. Ce sont les négociations politiques qui ont vu le retour du satirique du vendredi en kiosque, trois ans plus tard. C’est dire si le manque de considération des médias privés ne date pas de l’actuel code.
Depuis lors, les interdictions temporaires de paraître pleuvent, dans un pays où les autorités prônent officiellement la promotion de l’entreprenariat. Quel paradoxe ! En fermant une entreprise pour des erreurs professionnelles, pense-t-on un seul instant aux contraintes inhérentes à une entreprise? Pourquoi ne pas prévoir des sanctions qui protègent l’existence de l’entreprise ? Le secteur de la communication est-il le seul où l’on enregistre des erreurs professionnelles ?
Lorsque, pour ne prendre que cet exemple, les citoyens meurent aux portes des urgences des hôpitaux publics de la place pour absence de prise en charge médicale, que disent les autorités ? La vie d’un être humain est-elle devenue moins importante qu’un article de presse dénué de rigueur professionnelle, au point de fermer toute une entreprise ?
En rendant visite à un aîné que le ‘’grand frèrisme’’ africain me commande d’appeler ‘’Grand frère’’, DG d’une entreprise publique, devenu plus tard ministre de la république, j’ai été choqué par sa réaction: «en dehors de ce que tu fais là, est-ce que tu travailles ailleurs. Je peux te nommer chargé de mission du DG ici. », m’a-t-il proposé. Comme pour me signifier que le travail de journaliste et patron de presse du secteur privé que je fais est une perte de temps. Une attitude qui traduit le véritable état d’esprit des gouvernants gabonais sur l’entreprenariat et la presse privée qui, à leurs yeux, ne vaut pas grand-chose. A l’opposé du Cameroun voisin où un professionnel des médias peut démissionner du secteur public pour un secteur privé mieux structuré parce que bien encadré par les textes.
La restauration des institutions, cheval de bataille du CTRI, a véritablement du fil à retordre, dans un pays où tout le monde doit émarger à la fonction publique et où les lois ont été conçues pour plaire aux gouvernants et leurs affidés.
Jean Yves Ntoutoume