Il est souvent mal venu d’ouvrir des polémiques lorsque des drames, assortis de pertes en vies humaines, se produisent. Chacun convient alors, par pudeur, de renvoyer à plus tard la question des manquements, des responsabilités. Pourtant, il faut bien que ces questions viennent au débat ; que les causes soient questionnées et les défaillances identifiées et imputées à toute ou partie de la chaîne de décision.
Au lendemain du deuil national qui vient d’être décrété, il faudra les placer au centre des débats et évoquer toutes les questions et notamment celles des responsabilités. Pour l’heure, il faut bien sûr se joindre à l’immense tristesse nationale dans laquelle ce
naufrage plonge tout le pays, réconforter les familles éplorées et penser à la façon dont la vie d’après va s’organiser.
Comment pouvons-nous déplorer la perte de plusieurs dizaines de nos concitoyens dans un naufrage survenu à moins de deux heures de Libreville ou de Port-Gentil dans lequel la lenteur des secours semble avoir été considérable ? Telle est la question centrale du moment qui appelle tous les éclaircissements.
Le Gabon est membre de l’Organisation Maritime Internationale (O.M.I.). Une telle organisation fonctionne sur la base de mécanismes précis qui portent, en principe, sur les procédures d’alerte et de secours aux navires dans les eaux territoriales et les zones économiques exclusives des pays riverains des mers. Au rang de ces procédures, on compte pêle-mêle une fréquence radio pour les appels de détresse, une structure au sol dédiée à la réception des appels de détresse, une entité d’intervention en cas d’appel de détresse.
Qu’en est-il dans notre pays de cette première chaîne d’intervention ? Qu’est ce qui n’a pas marché et qui a conduit à ce drame : l’appel de détresse, le relais au sol de cet appel ou la réaction de la structure d’intervention ? Les explications officielles font mention des interventions de divers corps et structures sanitaires mais on peine à avoir une bonne information sur le délai qui s’est écoulé entre l’appel au secours lancé par le navire en détresse et le début de ces secours. C’est ce temps perdu qui semble avoir été un temps de flottement qui doit être expliqué pour comprendre, au-delà des questions initiales sur l’état du navire qui a coulé, comment un tel désastre a pu se produire.
On note dans le schéma organique de notre gestion de la mer l’existence d’un conseil National de la Mer placé sous la tutelle de la présidence de la République, c’est à dire, comme chacun peut le comprendre, à l’abri de tout contrôle ordinaire. Mais à quel point ce conseil a-t-il su se préparer et préparer le pays à affronter un tel désastre ? Et si ce n’est pas lui qui en est chargé, qui l’est ?
Au passage quelle coordination a été préétablie entre les spécialistes des arraisonnements des pêcheurs en mer (Marine Nationale, Brigade nautique de Gendarmerie, ANPN, DGPA etc.) et le ministère des transports en charge de la marine marchande pour faire face à un tel accident sachant que c’est déjà un problème qui avait favorisé le détournement dans nos eaux le 15 juillet 2013 du navire MT Cotton, un pétrolier battant pavillon maltais ?
Il faut donc espérer que ce drame mettra tout le monde devant ses responsabilités et que le pays se résoudra à mettre en place un vrai plan opérationnel des secours non pas à la présidence, mais en un lieu ordinaire doté de réels pouvoirs de commandement avec des personnels choisis pour leur compétence et disposant de réels moyens d’intervention.
Raymond Ndong Sima