Longtemps détenu par les expatriés, le marché de la friperie nourrit bien son homme au Gabon. A en juger par de nombreux bénéfices engrangés au quotidien par les opérateurs de ce secteur. Des bénéfices qui vont bien au-delà des attentes de ces commerçants.
La vente de la friperie est une activité qui nécessite de la persévérance. Il suffit de voir certains vendeurs, faute de moyens pour s’offrir les services d’un « brouettier », porter eux-mêmes sur la tête ou à l’épaule, leurs ballots de friperie entre le lieu de dépôt et celui de la vente. Un exercice auquel tout vendeur sérieux de friperie devrait se soumettre. Parce qu’en période conflictuelle avec la mairie ou autres organismes publics, chaque opérateur doit transporter, à la hâte, sa marchandise pour éviter que celle-ci ne se retrouve bloquée à l’Hôtel de ville de Libreville avec son corollaire d’amendes. Malgré toute cette gymnastique, cette activité nourrit bel et bien son homme au Gabon.
Les grossistes achètent des ballots par containers en provenance d’Europe et d’Asie repartis en plusieurs catégories dont les coûts oscillent entre 30.000 FCFA et 500.000FCFA. Une fois dédouanés, ces ballots sont acheminés dans les magasins situés au marché Mont-Bouët de Libreville, notamment du côté de Petit Paris, dans le 3ème arrondissement de Libreville.
Les ballots de 500.000FCFA (1ère catégorie), contiennent des habits de qualité, que l’on retrouve le plus souvent dans les prêt-à-porter et autres espaces vestimentaires prestigieux des quartiers huppés de la capitale. Ces ballots sont généralement achetés par les majors de l’activité, c’est-à-dire, ceux disposant déjà d’un important capital et d’un réseau de vente approprié.
Un ballot de deuxième main peut rapporter plus de 500.000 FCFA de bénéfice, alors que pour un ballot de premier choix, les bénéficies sont proches du million de FCFA. Comment dans ces conditions, avec un peu de persévérance et un capital pour le début, plusieurs Gabonais rechignent encore aujourd’hui à pratiquer cette activité lucrative ? Heureusement, ce n’est pas le cas de tous. Plusieurs ont compris la nécessité de se prendre en charge en exerçant cette activité et s’en sortent fort bien.
Octavie, étudiante en fin de cycle à l’Université Omar Bongo de Libreville reconnait que sans cette activité, elle ne serait pas en master 2 aujourd’hui : « Ne disposant pas encore mon propre capital, et dans l’attente de mon intégration à la Fonction Publique, je travaille pour une tierce personne. Pour me soutenir, elle m’a proposé de vendre la friperie, chose que j’ai acceptée sans nourrir de complexe. Après la vente, nous nous partageons le fruit de nos efforts. Cette activité me permet également de nourrir et de scolariser mes deux enfants et de payer chaque mois mon loyer. C’est une activité qui marche bien au-delà des préjugés que certains nourrissent » a-t-elle déclaré.
Un point de vue soutenu par M. Ondo Mba, Gabonais, footballeur dans un club de première division. Ce dernier avoue que sans la friperie, il serait devenu mendiant lors de l’arrêt du championnat. « Ce que je gagne par semaine en vendant mon ‘’moutouki’’ dépasse largement mon salaire mensuel de footballeur. Quand le marché marche, il y a des jours où je gagne entre 50.000FCFA, voire 100.000FCFA. Du coup je ne suis même plus motivé à poursuivre ma carrière de footballeur au Gabon », a-t-il précisé.
Une autre commerçante d’origine congolaise, mariée à un gabonais soutient que le salaire mensuel de son mari, équivalant au SMIG, ne leur permet pas de joindre les deux bouts. Mais c’est grâce à la vente de la friperie qu’ils subviennent dignement à leurs charges. « Je suis spécialisée dans la vente des sacs d’occasions, mais avant cette activité, notre couple battait de l’aile. Parce qu’après avoir payé la maison et les autres charges, il ne nous restait que 10.000 FCFA pour faire le marché. Nous étions réduits à manger le riz blanc tous les jours avec nos enfants. Et un jour, je me suis lancé dans la vente des sacs d’occasions, aujourd’hui, nos conditions de vie se sont améliorées. Nous mangeons à notre fin, nos enfants apprennent dans d’excellentes conditions. Et mon mari, une fois sorti du travail vient me soutenir dans l’activité. La misère et la précarité ont fui notre foyer », s’est-elle réjouie.
Des témoignages similaires sont légion dans le monde de la friperie. Une activité qui mérite aujourd’hui plus de considération et non de la stigmatisation.
LMA