Prenant la parole aux travaux de la société civile gabonaise pour la transparence électorale qui se sont ouverts, il y a quelques jours, à Libreville, le président du Rassemblement pour la patrie et la modernité a réitéré l’engagement des politiques sur le processus électoral qui doit être transparent, crédible et sans violence. Plusieurs mois après le dépôt du mémorandum des partis politiques de l’opposition, Alexandre Barro Chambrier s’interroge sur les intentions du pouvoir, resté silencieux jusque-là. « Doit-on interpréter ce silence comme un refus d’examiner nos propositions et de perpétuer les conditions d’une compétition biaisée, anti-démocratique, inéquitable, opaque et non crédible ? », s’est-il demandé. Ici, l’intégralité de son discours.
Révérend Georges Bruno NGOUSSI, Président du Comité d’organisation du Congrès ;
Monsieur Georges MPAGA, Président du Comité Stratégique du Congrès ;
Mesdames et Messieurs les membres de la Société Civile et membres du Consortium des Organisations de la Société Civile pour la Transparence Electorale et la Démocratie au Gabon ;
Mesdames et Messieurs ;
Chers amis congressistes ;
Je tiens tout d’abord à vous féliciter pour l’importante initiative que vous avez prise d’organiser les présentes assises destinées à mettre en place un Consortium des Organisations de la Société Civile pour la Transparence Electorale et la Démocratie au Gabon. Je salue le but poursuivi qui est de coaliser et mutualiser les organisations non gouvernementales et l’ensemble des parties prenantes au processus électoral à venir, autour d’élections démocratiques, libres et transparentes dans notre pays.
En lançant et en matérialisant votre initiative, je considère que vous êtes dans votre rôle d’aiguillon de la société à qui vous montrez clairement les enjeux du moment et en invitant les forces vives de la nation à privilégier l’intérêt général au détriment des intérêts partisans. En agissant de la sorte vous aidez le pays à accélérer les progrès souhaités, notamment dans les domaines de la démocratie et des droits de l’homme.
Ensuite, je voudrais vous remercier pour votre aimable invitation et l’opportunité que vous m’offrez à prendre la parole devant cette auguste assemblée. Vous m’avez demandé de présenter la vision et l’engagement du Rassemblement pour la Patrie et la Modernité à s’inscrire résolument en faveur de la crédibilité et de la transparence de l’élection présidentielle de 2023. Ce que je fais volontiers et avec un immense plaisir.
Mesdames et Messieurs ;
Chers amis congressistes ;
Le peuple gabonais a fait le choix judicieux, en 1990 de revenir, compte tenu des limites du monopartisme, à la démocratie multipartiste acceptant ainsi de mettre en œuvre les règles du pluralisme politique et en particulier du choix des dirigeants à tous les niveaux par le truchement des élections.
Un tel processus pour être acceptable par la grande majorité et pour être crédible à l’extérieur se doit d’être transparent, libre et consensuel de telle sorte que les dirigeants proclamés élus bénéficient de la légitimité accordée par le vote et que les lendemains des élections soient apaisés ; c’est à cette condition que les vaincus, à la régulière, accepteront le verdict des urnes et se prépareront, en tirant les leçons de leur échec, aux compétitions électorales futures.
Or, depuis 1990 la plupart des élections, particulièrement, les élections présidentielles ont donné lieu à des contestations qui ont dégénéré en violences sur l’ensemble du territoire national.
Ainsi, en 2009 les contestations post électorales étaient déjà importantes.
La dernière élection présidentielle de 2016 a, quant à elle, révélé à la face du monde un degré inimaginable de fraude avec une manipulation abjecte des résultats, une violence inouïe, une répression sauvage et une violation intolérable des droits de l’Homme. Et pour reprendre l’expression devenue célèbre d’un prélat : « ils ont déclaré admis un échoué », alors que le Président sortant avait été considérablement devancé dans les urnes par le Candidat Unique de l’opposition, Monsieur Jean Ping. Ce faisant, les institutions chargées de l’organisation et de la gestion des élections ont pris un risque énorme qui aurait pu faire basculer le pays dans le chaos total.
Par ailleurs, le rapport de la mission d’observation électorale de l’Union Européenne, tout comme celui de nos propres observateurs et représentants au niveau des bureaux de vote et des commissions locales des élections de 2016, ont mis en évidence l’ampleur de la mascarade orchestrée par le pouvoir pour se maintenir en place.
Cette situation a eu pour conséquence d’une part, d’élargir le fossé de la division entre gabonais, et d’autre part, d’aggraver le manque de légitimité au sommet de l’Etat, incapable dans ces conditions de mener les réformes indispensables destinées à soutenir le développement économique et social du pays. Il en résulte une forte défiance des processus électoraux qui renforce l’abstentionnisme et décrédibilise la classe politique.
Aujourd’hui, le pays est bloqué car ceux qui exercent le pouvoir n’emportent pas l’adhésion du grand nombre et le pays régresse dans tous les domaines, alors qu’il dispose d’atouts qui lui permettraient, à l’instar d’autres pays de niveau comparable d’enregistrer de substantiels progrès économiques et sociaux.
Je continue de parcourir de long en large le Gabon et je peux témoigner du sentiment d’abandon des territoires, de la misère et de la précarité des populations, de la dégradation, voire de l’absence des infrastructures de base. Je peux également traduire les aspirations profondes des populations à l’alternance et au changement qui constituent le seul moyen pour eux de désigner celui ou celle, apte à redresser le pays, à remodeler son visage et à améliorer significativement leurs conditions de vie.
Dans ce contexte, certains pensent de plus en plus, ici et là, que le bulletin de vote ne sert à rien et qu’il n’y a que par la force et le soulèvement populaire que le changement est désormais possible, face au refus délibéré des tenants actuels du pouvoir d’accepter le jeu démocratique et de travailler dans l’intérêt des populations et du pays. Aussi convient-il, pour prévenir ces velléités, que les autorités en place comprennent la nécessité d’accentuer le travail de persuasion afin d’amener nos compatriotes à reprendre confiance, à s’intéresser aux élections politiques et à s’y impliquer, chacun à son niveau.
Je crois que nous avons une ultime chance de montrer que l’option du soulèvement populaire ou du coup de force ne constitue pas la panacée. Avec la bonne volonté et la mobilisation de tous, le suffrage électoral populaire, peut, dans la paix et des règles acceptables, nous permettre d’aboutir à l’alternance recherchée.
C’est le sens de la démarche que nous avons entreprise au niveau des partis politique de l’opposition de rédiger et de déposer auprès de la Cour Constitutionnelle et du Ministère de l’Intérieur un mémorandum pour la transparence électorale. Il s’agit d’un plaidoyer qui aborde dans un esprit républicain de nombreux aspects pour une réforme du système électoral national et demeure malheureusement sans suite jusqu’à ce jour. Il y a lieu de s’interroger sur les intentions réelles du pouvoir en place.
Doit-on interpréter ce silence comme un refus d’examiner nos propositions et de perpétuer les conditions d’une compétition biaisée, anti-démocratique, inéquitable, opaque et non crédible ?
Il convient de rappeler d’une part, que la Présidente de la Cour Constitutionnelle avait lancé aux leaders politiques un appel à faire connaitre les améliorations souhaitées au système électoral actuel et d’autre part, que le pouvoir avait accepté, suite au rapport d’observation de la mission de l’Union Européenne de procéder aux réformes attendues qui touchent à la fois les opérations pré électorales, électorales et post électorales.
Certes il y a eu le dialogue politique d’Angondje de 2017, mais celui-ci n’a pas toujours, loin s’en faut, réussi à éloigner le spectre de la fraude et des violences post électorales.
Le pouvoir doit comprendre que le peuple gabonais est suffisamment mature et exige que ses choix soient respectés. De quoi a-t-il peur ? si tant il est, comme il le dit, attaché aux valeurs démocratiques, qu’il en fasse la preuve en acceptant réellement la mise en place des règles consensuelles d’organisations du scrutin.
J’appelle par conséquent le pouvoir, à un an de l’organisation des élections générales, à donner des signes de prise de conscience de ses responsabilités et à engager, sans délai, la préparation du processus électoral avec les partis politiques, toutes tendances confondues, et avec la société civile, afin de regarder ensemble ce qu’il faut améliorer.
A défaut, et comme il faut être à deux, même parfois, pour danser la rumba, les forces de progrès doivent s’organiser, comme vous les y avez invité, pour tenter d’annihiler la fraude qui semble déjà poindre à l’horizon et qui fait du Gabon un pays régulièrement pointé du doigt pour son incapacité à organiser des élections aux lendemains apaisés.
Mesdames et Messieurs ;
Chers amis congressistes ;
Notre pays se trouve une fois de plus à la croisée des chemins.
Ainsi que je l’ai dit tantôt, la société civile que vous représentez doit continuer à jouer son rôle de lanceur d’alertes, de sensibilisation et de conscientisation auprès de toutes les forces politiques.
En effet, le camp de l’opposition comme celui de la majorité est constitué de gabonaises et de gabonais liés par une communauté de destin. L’intérêt supérieur du pays doit donc toujours prévaloir sur toute autre considération. Je souhaite que toutes les forces vives de la nation brisent ensemble le cycle infernal qui veut qu’au Gabon les élections se soldent par des pertes regrettables en vies humaines. Nous devons tous nous y engager. C’est pourquoi je salue également l’idée de la signature d’un code de bonne conduite pour les candidats aux élections politiques au Gabon.
Pour clore mon propos, je voudrais au nom du RPM et au mien propre, vous réitérer mes encouragements et mes félicitations. Je salue à nouveau votre initiative qui mérite d’être appuyée par la classe politique dans son ensemble et que je soutiens totalement.
Il ne me reste plus qu’à souhaiter pleins succès à vos travaux dont la nation toute entière attend avec beaucoup d’intérêt les conclusions.
Vive le consortium de la société civile gabonaise !
Vive la démocratie !
Vive des élections libres, équitables, transparentes et crédibles !
Que Dieu bénisse le Gabon !
Je vous remercie.