Ce sont les bruits de couloir qui alimentent le débat politique national ces derniers jours, diffusés par quelques activistes. Ces derniers indiquent, en effet, que le régime serait en train de tenter de modifier la loi fondamentale, dans le sens de faire voter le chef de l’Etat gabonais par les parlementaires. Quand on sait le fort penchant du parti au pouvoir et ses affidés à manipuler systématiquement la constitution pour se maintenir au pouvoir, on ne peut que prendre au sérieux n’importe quel cancan lié à une énième modification constitutionnelle.
«La majorité des rumeurs au Gabon finit par devenir une réalité», s’inquiète Emmanuel MveMba, le président du Mouvement citoyen des volontaires des libertés, interrogé par nos confrères de Gabonreview. A quelques mois des élections générales (présidentielle, législatives et locales) prévues pour se tenir en 2023, il se susurre qu’un projet de modification de la constitution serait dans l’agenda des tenants du pouvoir, pour y introduire une disposition qui verrait l’avènement d’un scrutin universel indirect. «Une provocation de trop et inacceptable», estime l’influent membre de la société civile gabonaise, Marc OnaEssangui.
Pour ce dernier, c’est la «preuve que le PDG (parti au pouvoir, ndlr) ne dispose pas d’un réel électorat. Supprimer le suffrage universel direct pour élire un président de la République, c’est renier aux Gabonais leur citoyenneté. Nous allons combattre ce plan jusqu’au bout», proteste le prix Golman pour l’environnement.
Même si la supposée modification n’est pas encore officielle, on peut toutefois s’interroger sur le choix d’un tel modus operandi électoral, dans un contexte où, officiellement, le Parti démocratique gabonais a vanté, lors du 54ème anniversaire de ce parti, les grandes et belles «réalisations » effectuées au pays pendant leur long règne à la tête du Gabon, au point que le président dudit parti, Ali Bongo, a fièrement rassuré ses militants et sympathisants, le 12 mars dernier : «2023 approche à grands pas, je serai là avec vous…La seule issue sera la victoire, une victoire franche, nette et indiscutable, pour que le travail commencé soit achevé.» Une victoire «nette et indiscutable» issu des réalisations peut-elle sortir d’un scrutin universel indirect, dans la coloration actuelle du parlement gabonais, où nombre de députés sont mal élus et une partie de sénateurs nommés par le chef de l’Etat? Le pouvoir serait-il conscient de son échec dans la gestion du pays pour qu’il choisisse des méthodes qui peuvent l’éviter à se faire surprendre négativement par les urnes?
Tuer davantage l’espoir du peuple
Il est clair qu’un tel projet de révision constitutionnelle, s’il venait à passer, tuerai une fois pour toute, le brin d’espoir qu’a encore le peuple gabonais à rêver d’une possible alternance à la tête du pays. Car, un scrutin universel indirect est un système d’élection dans lequel les citoyens ne choisissent pas eux-mêmes un candidat qu’ils souhaitent voir élus, mais élisent des personnes qui font ce choix. C’est-à-dire, qu’à la place du peuple, les parlementaires gabonais, en général mal élus et majoritairement favorables à Ali Bongo, n’auront qu’à remplir une simple formalité.
Il est vrai que depuis que les multiples révisions constitutionnelles, parfois aberrantes, de la loi fondamentale gabonaise sont effectives, cela s’est toujours passé presque dans le calme. Mais le peuple gabonais peut-il rester sans mot dire à une révision constitutionnelle qui retire à ce dernier le droit d’élire directement son président de la République ? Le fameux projet de révision constitutionnelle serait-il un simple ballon d’essai? Wait and see.
Ce sont ces caisses de résonnance du PDG qui éliront peut être bientôt le Président de la République.