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Putschs en Afrique : de la condamnation vers la légitimation ; qu’est ce qui a changé ?

L’histoire politique à travers les âges a toujours été ponctuée de coups de force. Dans cette mouvance, les jeunes Etats africains au Sud du Sahara présentent depuis leurs indépendances obtenues dans les conditions que l’on sait, la mine patibulaire du parent pauvre au visage anguleux avec plus de deux cents coups de force recensés à ce jour. Hier unanimement honnis de tous mais à ce jour perçus comme une bouée de sauvetage ou même le moindre mal, qu’est ce qui peut expliquer un tel revirement dans la perception du coup de force dans la mémoire collective africaine au point de susciter l’adhésion de ces peuples pourtant prétendument privés de liberté ?Voilà le fil rouge de notre descente dans les caves de la géopolitique africaine si inséparable de l’odieuse franç’Afrique.

Voici ce que dit G Pariset dans son maitre-ouvrage intitulé La Révolution (1772-1799) in Ernest Lavisse PP 112-113 du coup d’Etat : « Par définition c’est un attentat contre la liberté publique qui réside essentiellement dans l’équilibre des pouvoirs organisés. » Il se dégage donc clairement que pour lui, qu’il s’agit d’une agression mais que cette dernière va se parer tel un mauvais prince oriental du manteau pourpré de la légalité.

Il n’est point question d’une invention purement africaine comme pourraient le penser certains car à ce propos il y a dans l’histoire plusieurs faits pour le démontrer. En 1962 en France, relativement à la question algérienne qui divisa beaucoup, l’enjeu étant la reprise en main par cette nation de son sous-sol immensément riche de pétrole et de gaz naturel pour en disposer librement, il s’était constitué un groupe dénommé OAS (Organisation armée secrète) qui était dirigé par le Lieutenant-colonel Jean Bastien Thiry. En date du 22 Mai de cette année au lieudit Petit-Clamart, alors que le Général De Gaulle se rendait en compagnie de sa famille à l’aérogare de Villacoublay, son véhicule heureusement blindé essuya cent quatre-vingt-quatre tirs de la part des hommes du Lieutenant–colonel Thiry. Le nom de code cette opération était Charlotte Corday.Il y eut un procès et Thiry fut condamné à mort et puis fusillé au Fort d’Ivry. Ce fut le dernier condamné à mort fusillé en France.

 Plus proche de nous, en République centrafricaine, un jeune officier français de retour dans son pays natal pour y exercer comme coopérant au sein de l’armée renverse son cousin président pour occuper lui-même le fauteuil présidentiel. Il s’agit de Jean-Bedel Bokassa. Ces évènements se déroulent le 31 Décembre 1965, c’est le coup d’Etat de la St Sylvestre. Les dieux rendant toujours fous ceux qu’ils veulent perdre comme l’ont dit les anciens, sa plus grosse folie fut d’abord de croire à la sincérité de l’amitié qui le liait à celui qu’il appelait « son parent » et qui n’est autre que Valery Giscard à lors président de la république française. Dans ses confidences au gaulliste Roger Delpey, il martèle lui avoir offert la République centrafricaine :

Ivoire, uranium, bois précieux, diamants et bien plus. D’ailleurs, c’est sur les conseils d’agents immobiliers français roublards qu’il acquit ses vastes domaines de la contensière, de Vilmorin, d’Hardricourt, de Romorantin Lantenay et autres à des prix astronomiques. Agacé par cet amour  à sens unique dans lequel il ne recevait presque rien en dehors du sacre, autre occasion au cours de laquelle de nombreux artisans français s’en mirent plein les poches, Bokassa eut donc la très mauvaise idée de se retourner vers la Lybie de Kadhafi dans l’optique de booster l’agriculture dans son pays. C’est au cours du voyage qu’il y effectua en 1979 que « son parent » décida de son éviction à travers l’opération CABAN qui se télescopa d’ailleurs sur le théâtre des opérations à une autre Barracuda, mission commise pour les mêmes fins dont les éléments français d’un zèle détestable portèrent à bout de bras un David Dacko dont le discours fut rédigé à Paris. Parti de Tripoli pour Paris dans l’intention d’aller s’expliquer auprès de celui qu’il croyait être un parent , celui que De Gaulle appelait non sans une pointe d’ironie « le soudard » boira la coupe d’humiliation jusqu’à la lie. Des que sa caravelle franchit l’espace aérien français deux chasseurs l’encadrèrent aussitôt l’obligeant à se poser sur la base militaire d’Evreux. L’avion fut fouillé de fond en comble et son illustre occupant dévêtu, palpé jusqu’aux parties intimes. Curieux traitement pour cet engagé volontaire à seize ans dans les rangs de l’armée française et qui a participé non seulement à la Deuxième Guerre Mondiale sur les fronts d’Algérie et d’Indochine ce qui lui a valu la Légion d’honneur et même la prestigieuse Croix de Guerre à titre militaire. « Horresco referens » entendez « je frémis en le narrant ».

C’est donc peu de dire que les grandes puissances occidentales et singulièrement la France, au gré de leurs intérêts géostratégiques et au grand mépris des « libertés » peuvent selon les cas adouber, retourner, ou chasser purement et simplement un chef d’Etat. Au demeurant, les peuples d’Afrique de l’ouest ont-ils définitivement retenu la leçon ?

Les coups d’Etat démocratiques d’Afrique de l’Ouest ou dynamique vers l’indépendance réelle ?

D’après OzanVarol qui l’a théorisé, le coup d’Etat démocratique est : « l’acte par lequel l’armée met fin à un régime dictatorial en favorisant les bases démocratiques. » Il se caractérise par sa réalisation contre un régime totalitaire ou même sur la demande persistante d’une opposition populaire au régime dictatorial. A cela, on peut ajouter le refus pour ce régime de prendre en compte les désidératas du peuple en démissionnant. Alors survient un militaire à la réputation établie qui instaure la démocratie en organisant des élections libres. Ce fut le cas de Jerry Rawlings au Ghana.

 A l’épreuve des faits, il est indéniable que le modèle démocratique tel que présenté par l’occident et ses corollaires que sont le maintien aux affaires des dictatures féroces complices du pillage scandaleux des ressources naturelles dans une Afrique désormais résolue à s’émanciper essuient un échec retentissant en Afrique de l’ouest ces derniers temps. Tous les analyses de bonne foi d’ici et d’ailleurs sont formels sur la question. La démocratie africaine a été vidée de tout son contenu. A l’heure où le pré-carré français est traversé par une pauvreté endémique, le peuple fait par lui-même l’amer constat du drame géostratégique qui se noue devant ses yeux. Si la présence russe révulse autant c’est simplement du fait de la tentative de diversification des partenaires. La question du terrorisme est globale et aller en guerre contre lui est avant tout se protéger soi-même et non faire de la charité.

Lorsque l’impétueuse jeunesse d’Afrique de l’ouest manifeste son soutien à des militaires nouvellement arrivés aux affaires d’une part et qu’elle se met d’autre part en travers du chemin de l’armée française soupçonnée de transporter des minerais rares ; il y a là matière à réflexion. Qui comprendrait donc qu’une décennie durant et en présence de ces « amis » pourtant détenteurs de la logistique la plus sophistiquée qui soit le Mali ait perdu des milliers de citoyens massacrés comme du bétail ? Si les entreprises du Cac 40 français ont désormais très mauvaise presse en Afrique c’est du fait de leur implication dans la déstabilisation du continent en fournissant des armes à des factions dissidentes qui mettent en mal la vraie démocratie. Le cas du Congo-Brazzaville est suffisamment évocateur.

De plus, le cliché du militaire inculte et simple brute épaisse doit être rapidement effacé. Les officiers supérieurs africains sont désormais diplômés des plus grandes académies du monde et de ce fait comprennent parfaitement tous les enjeux politiques mondiaux. De mémoire de malien, aucun homme politique, qui qu’il soit n’a jamais pu rassembler autant que le jour où les nouvelles autorités avaient demandé de le faire. Les anciens disaient encore : « Vox populi, vox Dei » « La voix du peuple est la voix de Dieu ».

A tout prendre, l’avalanche de coups d’Etat démocratiques en Afrique de l’ouest a ses fondements dans la combinaison de plusieurs facteurs parmi les quels la mauvaise gouvernance, le mépris de la volonté du peuple, la pauvreté grandissante, le déficit sécuritaire et le refus catégorique du colon français de quitter puis de laisser l’Afrique s’inventer un destin. Il y a enfin la montée fulgurante de cette jeunesse qualitative, consciente et éclairée décidée à provoquer sa chance même au prix de sa vie.

Par JIM NDONG consultant et J. PAULIN NDI. Journaliste Indépendant

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