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Opposition gabonaise : L’urgence de la déconstruction en vue du triomphe final.

La bataille à fleurets mouchetés que se livrent mirmillons et rétiaires de l’arène politique gabonaise a, de toute évidence, pour objet l’élection présidentielle de 2023, laquelle peut paraître lointaine à plus d’un, alors même qu’elle est indéniablement certaine. Toutefois, l’opposition gabonaise est-elle condamnée, tel un Sisyphe des temps modernes, au funeste destin de l’éternel recommencement ? Son offre politique viendra-t-elle une fois de plus comme toutes les précédentes depuis celle de 1993, échouer tel le ressac vespéral d’une mer agitée au large de la Baie des Rois de l’autre côté du Palais du bord de mer ? Voici ombres et lumières d’une opposition pourtant qualitative, mais malheureusement livrée sans défense à de nombreux maux qui attendent désespérément la médication appropriée.

« Fluctuat nec mergitur ». Cette locution latine qui se traduit par « Il est battu par les flots, mais ne sombre pas » résume assez bien le tumultueux voyage du radeau de l’opposition gabonaise sur des eaux glauques et en furie depuis le début jusqu’à lors. Pourtant, il y a à sa décharge un dynamisme et une robustesse jamais pris à défaut du fait de ses animateurs qui de tout temps ont toujours été des étoiles de première grandeur. Si on peut lui remettre sans hésitation la branche de chêne aux glands

symbolisant ses actes de bravoure, il est bien retardataire, le temps de la branche de laurier avec les baies qui représente la victoire. Qui sont donc ces braves gens qui ont si souvent apporté la contradiction à l’ordre gouvernant ?

La genèse.

La fresque de l’opposition même en esquisse est fort chatoyante. C’est pourquoi il n’est pas superfétatoire d’en faire un bref aperçu historique pour les jeunes générations. C’est en 1945 qu’a été créé le premier parti politique dénommé Parti Démocrate Gabonais (PDG à ne pas confondre) par un certain Emile Issembé. L’année d’après, c’est au tour de Jean Hilaire Aubame de fonder l’union Sociale et Démocratique Gabonaise (USDG).Cette formation politique a eu le mérite d’accéder au pouvoir en faisant élire Mathurin Anguilet au Sénat, Jean Hilaire Aubame au Palais Bourbon et René Paul Sousatte à l’Union française. En 1958, Le Bloc Démocratique de Léon Mba absorbe Paul Ngondjout et précipite l’USDG d’Aubame dans l’opposition. Commence alors pour la jeune opposition une véritable chute en quenouille, parenthèse de sang durant laquelle l’ordre gouvernant, usant de méthodes soviétiques, ne lui épargnera ni l’exil ni le forçat, l’acculant jusqu’à la clandestinité. Plusieurs de ses figures marquantes telles que Marc Saturnin NnangNguema, Germain Mba ou encore Gaubert Obiang feront les frais de cette politique d’étouffement et de strangulation qui sera affinée et conduite à son paroxysme par Albert Bernard Bongo parvenu à la magistrature suprême en 1967 suite au décès de son mentor Léon Mba. Il décrétera à coup d’arguties et de brutalité, le parti unique en 1968. La longue trêve démocratique va mettre vingt-deux ans, ponctuée de persécutions de toutes sortes. Toutefois, une éclaircie viendra de Luc BengoneNsi qui, en 1981, quitte ses prestigieuses fonctions de Directeur au ministère des finances pour créer le Mouvement de Redressement National (MORENA).Plusieurs de ses militants seront aussi embastillés. Tel fut le triste sort des Nzoghe Nguema, MoubambaNziengui, MbaBekale et autres abbé NoëlNgwaNguema.

Commerçants du temple et collabos.

Au départ, la politique est noble. Elle charrie des convictions elles-mêmes adossées sur des idéologies aussi diverses que variées. Lorsqu’elle devient une simple affaire de tendeurs d’écuelle, d’hommes de paille et sous-fifres mus uniquement par la recherche de leur pitance, elle perd de sa substantifique. Omar Bongo Ondimba dont la ruse était le marchepied avait su au moyen de sa « convivialité politique » ramollir puis retourner de nombreux opposants soucieux d’aller très rapidement à la soupe. Les cas de MbaAbessole, MapangouMucani, Divungui Di Ndingue, MbaBekale et même Simon Oyon’Aba’a sont très illustratifs. Leur félonie est restée dans le temps un grand point noir sur le visage immaculé de cette opposition qui veut voyager loin. Plus proche de nous, d’autres opérateurs politiques de la même engeance dont la soif est inextinguible et l’appétit vorace n’hésitent pas à franchir le pas jetant ainsi le doute sur la marche de l’opposition dont les coalitions successives sont qualifiées de ses comptempteurs comme de simples alliances hétéroclites de circonstance mieux, des coquilles vides. Cependant, tous ces apporteurs d’affaires politiques pour le compte de l’ordre gouvernant sont tout autant moqués au sein de la société gabonaise pour leur versatilité. A la vérité, ne pas mourir « okoukout » pour emprunter à René Ndemezo’o ou même s’empresser d’entrer dans un gouvernement « illégitime » comme dit Alexandre Barro Chambrier de Michel Menga ne servent en aucune manière l’opposition qu’ils contribuent à émietter servant ainsi la cause de la bonne vieille logique césarienne du « divide et impere » « diviser pour mieux régner ».

Porte-étendard.

S’il y a eu en d’autres temps des opposants très charismatiques comme Pierre Mamboundou, André MbaObame puis Zacharie Myboto, OyéMba ou encore MoukagniIwangou, il urge d’avancer groupés sous la bannière d’une coalition comme souvent derrière une personnalité aux qualités exceptionnelles irréfutables. Jean Ping aura tenu ce rôle en 2016 en fédérant autour de lui des noms qui sonnent très fort dans le landernau politique gabonais tels que Léon Paul Ngoulakia, Louis Gaston Mayila, Bertrand Zibi, Paulette Missambo, Jean EyegheNdong ou encore Divungui Di Ndingue et bien d’autres encore. A ce jour, Alexandre Barro Chambrier peut-il à bon droit être considéré comme le primus inter pares ? Sa fraicheur physique, son parcours académique, professionnel et politique plaident en sa faveur .La tournée nationale qu’il a entreprise l’a déjà mené dans le Woleu-Ntem, le Haut-Ogooué, la Ngounié l’aide à se faire une idée précise sur ses capacités réelles à briguer le poste. Il fait courir les foules, écoute le petit peuple laminé par une pauvreté endémique et dans le même temps donne une envergure nationale à son parti. Dans ce costume de présidentiable, il fait par lui-même le constat du degré d’enclavement du Gabon profond, celui de l’intérieur et des espoirs déçus du peuple.

L’impérieuse reconstruction de l’opposition.

Elle requiert une longue fouille de ses décombres, une autopsie sans complaisance des échéances manquées de 1993, 1998, 2009 et 2016 dont « le droit d’inventaire » doit se muer en « droit de s’inventer » un destin. Dans l’histoire de la Ve République en France, l’exemple de la Gauche est édifiant à maints égards. François Mitterrand après les échecs de 1965 devant le Général De Gaule et de 1974 face au centriste Valery Giscard d’Estaing a su en 1981 fédérer dès la base à partir de la Convention des Institutions Républicaines (CIR) jusqu’au Parti Communiste Français en même temps qu’il a trouvé le mot juste pour parler à Jacques Chirac lors de leur rencontre secrète de l’entre deux tours.

Le 10 Mai 1981, le député de la Nièvre et Maire de Château-Chinon vivra son sacre à vingt heures depuis le Vieux Morvan, petit hôtel dans lequel il avait ses habitudes. La France qu’il avait rencontrée, à laquelle il avait présenté un programme en cent dix points venait de faire de lui son président. Revenu au Gabon, si la tâche parait indiscutablement herculéenne elle n’est pas irréalisable. Pour y parvenir, les forces de l’opposition doivent avant tout coaliser comme souvent, organiser une primaire pour désigner un candidat consensuel, présenter un programme politique respectant les canons universels d’une élection présidentielle avec pour points d’ancrage : les institutions, l’économie et le social. De plus, la construction d’une masse critique électorale dont la pierre de touche est la jeunesse scolaire, estudiantine et désœuvrée est d’une nécessité absolue. Ses axes de travail doivent être le vote citoyen, sa surveillance ainsi que le caractère non-violent des revendications post-électorales toujours maculées de sang. C’est aussi à l’opposition de sensibiliser les forces armées et la police par le rappel de leur mission première qui est la protection du peuple qui est permanent, qui a une mémoire alors qu’un régime peut s’arrêter y compris involontairement.

Puis il y a le réarmement moral des scrutateurs qui doivent être des personnes d’envergure capables d’obvier la corruption. Dans le même temps, une grande levée de fonds tant au niveau national qu’international doit être initiée pour faire face aux questions de logistique. Enfin, pour une information crédible et équilibrée, de nouveaux médias peuvent être créés avec des séquences de flux et reliance sociale ainsi que des débats pour apporter une culture politique conséquente au plus grand nombre de citoyens.

Par JIM NDONG et J.PAULIN NDI Consultants pour le compte du Laboratoire citoyen gabonais.

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