En prévision des prochaines échéances électorales de l’année 2023, le ministre de l’Intérieur, Lambert Noël Matha, a annoncé, à deux reprises, la reprise imminente de l’établissement de la Carte nationale d’identité (CNI). Pour ce faire, plusieurs centres mobilisés ont relancé l’enrôlement des données, malheureusement les conditions d’obtention et l’accueil laissent à désirer.
Pénible dites-vous ? Oui, puisqu’il faut se réveiller très tôt pour se rendre dans un commissariat commis pour la tâche. Sur place, quelle que soit l’heure à laquelle vous vous réveillez, c’est une masse de personnes, agglutinée à l’entrée du commissariat, qui vous accueille. S’en suit une attente qui vous prendra toute la journée. Cette étape ne concerne que ceux qui veulent juste se faire inscrire sur des listes, afin de se voir établir cette fameuse carte d’identité.« Finalement, il est plus facile à un expatrié d’obtenir sa carte de séjour qu’à un Gabonais comme moi de disposer d’un simple récépissé. Je ne parle même pas de la carte d’identité nationale elle-même est devenue depuis bientôt 10 ans un sésame aussi précieux que le diplôme de doctorat, voire l’agrégation. C’est pitoyable ce pays ». Cette déclaration d’un usager à la sortie du commissariat de police de Nzeng-Ayong (6e arrondissement de Libreville) la semaine écoulée, est la parfaite illustration du calvaire qu’endurent plusieurs Gabonais, chaque jour dans la capitale gabonaise, pour l’obtention du récépissé qui donne ensuite droit à la délivrance d’une carte nationale d’identité gabonaise.
11 ans que cette situation perdure
Réaffirmée par le patron de l’administration territoriale du Gabon devant les sénateurs le 14 décembre dernier, la reprise de l’établissement des cartes d’identité nationale, du moins l’émission des cartes définitives sous forme de macarons biométriques promis plus sûrs par Lambert Noël Matha, reste très attendue durant les 3 prochains mois. Et des équipes des forces de police nationale sont d’ores et déjà mobilisées au sein de plusieurs commissariats à travers le pays.
Cependant, à y voir de près, les conditions d’exécution de cette mission sont décriées par une partie importante de la population. En cause principalement, l’accueil. « Figurez-vous que ça fait trois fois que je trouble mon sommeil en pleine nuit, vers 3-4 heures du matin pour compter parmi les têtes de liste ici au commissariat de Nzeng-Ayong. Avec tous les risques de braquage que cela comporte. Mais curieusement quand je reviens, on me dit que ce n’était pas la bonne liste. Qu’il y’avait une autre en parallèle. Et que du coup, mon nom n’y figure pas. Or, je vois bien qu’on appelle certaines personnes qui étaient arrivées bien après moi. Même vous-mêmes, est-ce qu’on peut s’en sortir comme ça ? », fulmine de colère Igor, un jeune Gabonais de 22 ans désemparé, à peine sorti du portail du commissariat.
Un accueil des usagers moribond
Et une dame d’ajouter : « Papa, ici c’est infernal oh. Voyez mon âge. Grand-mère de mon état, on me rejette mes papiers au visage parce que soi-disant, le cachet de mon acte de naissance original n’apparaît pas bien sur la copie pourtant déjà légalisée par un autre officier d’état civil. J’ai en plus mon original avec moi. Y a 2 semaines, je me suis présentée avec la souche légalisée par le préfet de chez moi que j’ai fait venir du village. Ils l’ont rejeté et demandé que je revienne avec cet acte original qu’ils rejettent aujourd’hui. Mais finalement ? En plus, le ton employé et l’attitude des agents sont irrévérencieux à l’égard d’une vieille retraitée comme moi », enfonce dame Germaine, une septuagénaire retraitée de la Caisse nationale de sécurité sociale.
Effectivement, une fois que l’on a franchi le portail et que votre dossier a été retenu qu’elle n’est pas la surprise de constater que sur 10 dossiers soumis à l’officier en charge de la collecte des données, un peu plus de la moitié sera rejetée. Souvent pour des motifs fallacieux. « A Ntoum, il y a un bien meilleur accueil. Là-bas, non seulement vous n’êtes pas nombreux, mais les deux dames qui constituent l’équipe sont tellement simples et sympathiques. L’accueil est fluide. Elles vous détendent avec leurs bonnes blagues tout en examinant votre dossier. Quand il y a un petit couac sur l’acte de naissance, elles vous invitent à expliquer calmement. Si c’est bien justifié, elles valident. Si ce n’est pas le cas, elles vous conseillent bien et vous indiquent comment faire avant de revenir prochainement. En moins d’une heure d’horloge, vous en ressortez avec le sourire et votre récépissé en poche. Mais ici… », a indiqué un autre usager.
Approches différentes pour une même corporation et pour le même service envers les mêmes usagers. Il est à souhaiter que l’unique finalité soit la délivrance d’une carte nationale d’identité à l’ensemble de Gabonais qui se retrouvent en très grand nombre sans papiers officiels et vivant dans leur propre pays.
LMA