A deux (2) ans de la tenue de la présidentielle au Gabon, la scène politique gabonaise est entre recomposition politique, structuration des blocs, l’émergence des nouveaux acteurs et la naissance des nouvelles formations politiques. Francis Edgard Sima Mba jette dans ce libre propos dont nous publions l’intégralité, un regard froid et sans faux fuyant sur l’incapacité de l’opposition gabonaise à s’imposer à ce scrutin, si les choses restent en l’état. Lecture !
J’ai voulu être bref, concis dans mon analyse, en épargnant les lecteurs d’un texte kilométrique et purement théorique, j’ai pris sur moi le pari d’aborder cette question sans artifices en ayant à l’esprit de m’adresser à tous les publics.
De prime abord, soulignons qu’au Gabon il n’y a pas une opposition, mais plutôt des oppositions. Ce que je qualifie d’opposition arc-en-ciel. Il y a trois (3) tendances qui se dégagent: une première catégorie qui se réclame de la branche
dite « radicale ». En réalité, les acteurs qui appartiennent à ce courant non nullement pour objectif: la conquête du pouvoir, ils s’opposent plutôt aux acteurs politiques de la galaxie présidentielle.
La deuxième catégorie dite « modérée et démocratique » encore appelée trivialement « opposition responsable » ou de service, leur leitmotiv est de figurer dans les différentes équipes gouvernementales. Ses membres n’ont aucun projet politique. Ils font une fixation sur la réclamation des postes et disent vouloir servir la nation. Quant à la dernière tendance qui a pignon sur rue, la branche de l’opposition dite « virtuelle et utopique » l’une des particularités des tenants de ce courant est de prendre le Gabon pour un roman. Ils vivent des retombées des assises politiques, ce sont les mêmes qui parleront de leurs participations à la Conférence Nationale de la décennie (1990), des Accords de Paris (1994), d’Arambo de 2007 et du Dialogue politique d’Agondjé en 2017.
Aujourd’hui, ils crient sur tous les toits pour l’organisation d’une nouvelle messe politique, selon leur rhétorique politique ils proposent la dénomination de: » l’appel des braves », vous les reconnaissez par leur message politique qui se résume à l’appel éternel au dialogue politique. Certains d’entre-eux passent la majeure partie de leur temps à faire des déclarations politiques et les meetings dans les réseaux sociaux (Facebook et Whatsapp).
Modestement, voici mes observations :
– L’opposition gabonaise depuis 2009, après que le système en complicité avec certains anciens opposants aient décapité, l’opposition originelle, a perdu sa véritable identité politique. Composée majoritairement des anciens barons du parti démocratique gabonais (Parti au pouvoir), on assiste à un duel entre les anciens PDgistes et ceux qui sont aux commandes du pays;
– Nous avons à faire à une opposition nostalgique de la décennie 90, dont le mode opératoire reste le même, la contestation des résultats électoraux dans la rue, l’invective et la non maîtrise du terrain politique, même discours, et même stratégie pour le même résultat.
– Une opposition bureaucratique, spécialiste des déclarations et de points de presse, aucune présence réelle sur le terrain, et les élections couplées législatives et locales de 2018 sont venues confirmer cette tendance;
– Une opposition statique et non dynamique, composée en grande partie de leaders sans véritable aura national. Des leaders dont les actions ne dépassent pas leurs petits fiefs électoraux. D’ailleurs, certains n’ont pas ou plus un mandat électif. Battus, pour la plupart, par le PDG et ses alliés connus ou masqués.
– Une opposition qui prône l’alternance au pouvoir dans son discours officiel, malheureusement , lorsque vous observez en profondeur le fonctionnement de ces formations politiques, triste est de constater qu’il y a aucun renouvellement des élites en leur sein. Ce sont les mêmes qui occupent des postes de responsabilité;
– Une opposition essoufflée, qui doit aujourd’hui son existence et sa longévité grâce à l’arrivée des anciens PDgistes, opposants devenus généralement à la perte d’un privilège.
– une opposition financièrement trop dépendante de certaines grosses légumes qui ont déménagé du PDG.
– Une opposition minée aussi par les querelles d’égo qui ne rassure pas les militants et sympathisants.
– Une opposition qui ne s’active que lors des élections esquivant les questions d’actualité;
– Une opposition, dont les leaders prônent la politique de la chaise vide. Personnellement, j’ai un avis négatif quant à l’efficacité du boycott des élections comme stratégie électorale.
Il y a d’autres raisons qui peuvent expliquer la faiblesse de cette opposition, d’autres spécialistes des questions politiques pourront compléter le tableau. Toute porte à croire que la scène politique nationale est en recomposition, les leaders de l’opposition doivent comprendre qu’être opposant n’est pas une fonction, mais plutôt une alternative crédible pour matérialiser son programme politique, une fois au pouvoir. Mais encore faut-il un rapport de force qui puisse contraindre les tenants du pouvoir à reconnaître leur poids politique. Mais cela passe par une meilleure organisation de l’opposition. Ce qui, malheureusement, n’est pas le cas. Alors, doit-il attendre quelques semaines de la présidentielle pour colmater les brèches, alors qu’en face la machine électorale du parti au pouvoir, toujours efficace, veille au grain? La question reste posée.
Francis Edgard SIMA MBA
Géopolitologue/Géostratège.
Analyste politique.
Consultant international.
Expert en Stratégie et en Intelligence politique.
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