En répondant par une décente militaire musclée, pour réprimer la colère des populations locales victimes de la destruction de leurs cultures vivrières par les éléphants, le gouvernement a, à travers sa délégation qui a fait le déplacement de Mekambo, manqué de tact et de méthode. Et le pire est vite fait d’arriver.
Le pire, c’est la mort, par fusillade, de l’éco-garde Jean-François Ndong Aubame abattu par un conseiller pédagogique, selon plusieurs sources. Ce crime arrive au lendemain de la descente musclée d’une délégation gouvernementale à Mekambo. Cette descente faisait suite à la montée au créneau des populations de cette localité les 24 et 25 mai derniers pour exprimer leur ras-le-bol face à ce qu’elles considèrent comme un saccage systématique de leurs biens, notamment leurs cultures vivrières par les éléphants.
Le premier échec de cette mission gouvernementale fut la composition de la délégation. Une délégation qui manquait cruellement des personnalités politiques du cru, notamment un membre du gouvernement natif de Mekambo et député de la localité, en l’occurrence, Prisca Koho Lend. A cette délégation, on pouvait aussi compter sur la présence du ministre d’État, Alain Claude Billie-Bi-Nze, la plus haute autorité politique de la province, en termes de grade. Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, il faut reconnaître au député de Makokou, l’art de toujours trouver les mots justes face à ses interlocuteurs.
C’est parce, face au conflit homme-faune, le gouvernement est resté longtemps attentiste, la mission gouvernementale à Mekambo devait être axée, dans un premier temps, à l’accalmie, donc à la négociation, pour ainsi tenter de ramener la sérénité dans le département de la Zadié.
Mais en allant bomber le torse devant des populations restées longtemps à la merci des pachydermes, avec des arrestations et autres brutalités, on a créé l’escalade. Fusillade, avec mort d’homme, et autres fuites des populations dans les forêts environnantes…La suite? C’est la réaction tout aussi virulente du collectif des ressortissants de Mekambo basé à Libreville, ce dernier dénonce l’abus de pouvoir: « Les agents des forces de l’ordre et de sécurité vont jusqu’à casser les domiciles et arrêter les habitants », a-t-il maugrée
Un gouvernement resté sourd face aux cris de détresse des populations rurales
Le Gabon compte à peu près 3.500 villages dont les populations n’ont pour seules sources de subsistance, les cultures vivrières et la chasse. Or, l’hyper protection de plusieurs espèces, à l’instar des éléphants, fait que ces pachydermes, certainement dérangés dans leur espace de vie par la forte activité économique liée à l’exploitation accrue du bois et autres mines, fuient la forêt pour vivre plus calmement vers les villages. Non sans endommager les plantations environnantes, fruits de dur labeur des communautés villageoises. Cette difficile cohabitation a créé le conflit homme-faune.
Pour y mettre un terme, les pouvoirs publics avaient trouvé des pistes de solutions. Entre autres, les indemnisations des populations victimes des destructions de leurs champs par les éléphants ; la construction des barrières électriques. Sur ce dernier point, sur les 3.500 villages recensés, jusque-là, « seuls 13 barrières électriques ont été érigées« , indique une source autorisée. Et les indemnisations n’ont jamais eu lieu.
Pourtant, dans le cadre de ce conflit homme-faune, certains bailleurs de fonds, à l’instar de la Banque mondiale, pour ne prendre que cet exemple, ont mis à la disposition du Gabon, 9,5 millions de dollars. De plus, dans la loi de finances 2020, le gouvernement, pour la première fois, avait inscrit, toujours dans le cadre de ce litige homme-faune, une ligne budgétaire, dit-on, d’un milliard de nos francs. S’il est vrai qu’au Gabon, entre les inscriptions budgétaires et l’exécution, il y a toujours un abysse, reste que le gouvernement se doit de justifier les fonds mis à leur disposition par les organismes extérieurs.
Lors de la conférence de presse du conseiller porte-parole de la Présidence de la République, Jessye Ella Ekogha, le 31 mai dernier, même en nuançant, il a déclaré que le « Chef de l’Etat comprend la colère des populations… ». Si tel est le cas, pourquoi les mesures d’accompagnement manquent cruellement dans ce désormais sempiternel conflit homme-faune? Et quid des responsabilités des uns et des autres dans ce conflit?
Nelson Tchimbakala