Pour avoir manqué de respect aux matonnes, trois détenues de la maison d’arrêt des femmes de Libreville ont été rasées au crâne contre leur gré. Estimant être un acte de violation de droits des détenus, l’Ong SOS prisonniers du Gabon a récemment interpellé la ministre de la justice Gardes des sceaux sur ces faits, dans une correspondance consultée par notre rédaction. L’ONG que dirige Lionel Ella Engonga invite la patronne de la justice à prendre des sanctions contre les responsables de ses actes.
Ici, l’intégralité de la correspondance adressée à Erlyne Antonella Nembet, épouse Damas.
Madame la Ministre,
Le Gouvernement gabonais ne cesse de mettre en place des mécanismes qui visent à protéger les femmes contre les violences de tous genres. Cependant, notre devoir d’ONG de défense des droits des prisonniers nous oblige à vous signaler que des détenues de la prison centrale de Libreville ont récemment subi de violentes humiliations.
Et pour cause: certains agents affectés à la MAF (maison d’arrêt des femmes) ont, ce mois de mai, décidé de passer outre la loi et de violer avec un plaisir déconcertant les mesures de protection de droit des femmes.
En effet, à partir du lundi 18 mai, trois femmes – à savoir Kanto Diane, Ndou Menié Marlène et Nathalie Princesse Andoue-Mba – ont subi peut-être leur pire humiliation depuis qu’elles sont incarcérées: leurs cheveux ont été coupés par des agents de la sécurité pénitentiaire, qui s’avèrent être des femmes elles aussi, d’après nos informations.
Les matonnes n’auraient pas apprécié que les trois détenues citées plus haut leur manque de respect. Elles auraient alors décidé de les punir en coupant leurs cheveux et en les mettant également en garde, disant que “la prochaine fois, on va vous frapper copieusement.” Les trois femmes ont désormais le crâne bien rasé. Même pas un petit cheveu qui restait au moment de la “coupe”. C’est désormais la stupeur qui règne à la MAF.
D’autant plus que le cas de ces trois femmes n’est pas isolé. Il y a de cela un mois, Audrey une jeune élève en 3e, avait été frappée par des agents pour des faits similaires de manque de respect.
Madame la Ministre, faut-il rappeler à nos agents de la sécurité pénitentiaire que l’article premier alinéa 1 de la Constitution gabonaise dispose: “Nul ne peut être humilié, maltraité ou torturé même lorsqu’il est en état d’arrestation ou d’emprisonnement. »
Couper les cheveux à une personne détenue contre son gré constitue un acte humiliant, dégradant. Cela porte atteinte à la dignité de celle-ci.
Même dans la Bible, il est écrit: « Or, s’il est honteux pour une femme d’avoir les cheveux coupés ou d’être rasée, qu’elle se voile » (Corinthiens 11:6)
Et, parmi les trois femmes détenues rasées, visiblement dame Nathalie Princesse Andoue-Mba présente des troubles psychiatriques depuis son incarcération. Elle n’a pas encore bénéficié des soins. Sa santé n’intéresse personne. Mais ce sont ses cheveux qui intéressent les agents de la sécurité pénitentiaire !
Dans l’arrêté 0018/MJGS/CAB du 15 juillet 2014 portant Règlement Intérieur des Établissements Pénitentiaires, notamment au chapitre 2 intitulé: “Des sanctions et des récompenses”, il n’est nullement mentionné que si une personne détenue manque de respect aux chefs, on doit couper ses cheveux ou la frapper.
Madame la Ministre, faut-il rappeler que le Gabon a ratifié et signé le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques de 1966. En son article 10, il prévoit que « Toute personne privée de liberté est traitée avec humanité et avec le respect inhérents à la dignité de la personne humaine. »
Madame la Ministre, nous vous prions de bien vouloir diligenter une enquête, pour que les agents qui ont infligé ce traitement contraire aux textes en vigueur et aux normes internationales soient sanctionnés afin que le vice ne prospère point.
Madame la Ministre, en comptant sur votre esprit épris de droits de femmes, en particulier, et de droits humains, en général, veuillez daigner croire en mon profond respect.
Ella Engonga Lionel
Président SOS Prisonniers Gabon