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Gabon : lettre  ouverte de Jean Elvis Ebang Ondo  à  Ali Bongo Ondimba

J’ai l’honneur de venir très respectueusement auprès de votre haute bienveillance, solliciter, votre intervention  au sujet  des violations des droits de l’homme et des libertés fondamentales  dans notre pays.

Le monde entier avait  appris l’élection du Gabon comme membre du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies le 13 octobre 2020 dernier, pour une durée de trois ans. C’était  un grand honneur et une haute responsabilité pour le Gabon. J’avais livré une communication médiatique à ce sujet au niveau international. Toutefois, connaissant plusieurs violations des droits humains que

Gabon : lettre ouverte de Jean Elvis Ebang Ondo à Ali Bongo Ondimba © DR

vivent les Gabonais au quotidien, j’avais émis beaucoup de réserves  avant d’applaudir des deux mains.

La situation des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales reste toujours préoccupante au Gabon en 2021, pourtant, le Gabon  a ratifié plusieurs textes, chartes et conventions nationales et internationales en la  matière. Malheureusement, ces textes demeurent insuffisamment appliqués et quelquefois violés.

Je vous adresse aujourd’hui cette lettre ouverte, car, je pense qu’il est nécessaire de  vous interpeller sur La Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH), sa conformité avec les principes de Paris, et  son mandat actuel. Les autres violations des droits humains et les libertés fondamentales seront aussi évoquées. Vous vous  êtes engagé  Monsieur le Président de la République, à protéger les Gabonais, c’est la raison pour laquelle je sollicite votre intervention.

Je suis l’un des acteurs de la société civile Gabonaise qui dénonce depuis quelques années les dysfonctionnements de cette institution : dans la forme et dans  le fond. Car, elle  n’est pas crédible pour obtenir une accréditation internationale dans ces conditions. Pour rappel,  un avant-projet de révision de la loi est en cours de promulgation par des instances concernées avec une réforme hors norme de cette institution.

Sur la forme de la structure. Depuis sa création en 2006, conformément à la loi N˚19/2005 du 3 janvier 2006, la Commission fonctionne effectivement depuis l’année 2011 avec une juridiction nationale. Très engagés dans cette dénonciation, nous (organisations de la société civile) avons saisi le Bureau du PNUD au Gabon. Ce dernier a confié notre requête à Monsieur Michel Forst, afin qu’il rédige un rapport exprimant une opinion experte sur la question de la conformité de l’avant-projet avec les Principes de Paris. Michel Forst est l’ancien Secrétaire Général de la CNCDH et ancien Rapporteur Spécial des Nations unies sur la situation des défenseurs des Droits de l’Homme. Aussi, ila été longtemps membre du Sous-Comité d’Accréditation des Institutions Nationales de Promotion et de Protection des Droits de l’Homme de l’Alliance Globale des Institutions Nationales des Droits de l’Homme (GANHRI).

L’analyse et le résumé  du rapport de  cet expert indépendant, sur la conformité de l’avant-projet  de la CNDH, avec les Principes de Paris et autres normes du droit international,  soutient  nos remarques et observations formulées en 2020.  La CNDH doit être revue et corrigée pour s’arrimer aux normes internationales. Cet expert  a identifié 4 points de non-conformité : (la composition et la procédure de désignation des commissaires, l’indépendance et la gouvernance efficace, la permanence  à plein temps  des membres, leurs traitements identiques aux autres corps constitués, les garanties et l’indépendance financière et matérielle à fournir à la Commission  et les autres infrastructures avec leur propre personnel).

De plus, il a proposé 33 recommandations qui contribueraient, si elles étaient suivies, à la probabilité d’une accréditation favorable par la  (GANHRI).Nous pouvons relever dans ces quelques recommandations: l’absence de toutes les sous-commissions permanentes. Lorsqu’une personne viole un droit de l’homme, elle est traduite en justice,  c’est le pouvoir judiciaire qui devrait être  mandaté pour rendre justice malheureusement c’est  l’Assemblée Nationale politisé  qui va jouer  ce rôle. L’implication du pouvoir législatif (monocolore) dans le fonctionnement de la CNDH, donnera à cette institution une cellule d’enregistrement des décisions du parti en place. Ce sera une dictature qui s’installe sans démocratie.

Le règlement intérieur est à réviser et non manipuler régulièrement. L’omerta des membres exigés dans cette loi doit être supprimée définitivement. La seule et l’unique force des OSC (organisations de la société civile) est la liberté d’expression, en la retirant aux commissaires, leur place n’aura plus de sens. Elles seront des figurantes.

Sur le fond de la structure. Le mandat actuel du Bureau de la CNDH a expiré depuis le mois de février 2021. Cependant, les autres institutions républicaines ont été réaménagées (le Sénat, l’Assemblée Nationale, le Conseil National de la démocratie etc.). De plus, certains membres ne remplissent plus les critères pour  siéger comme commissaires (cumul de fonctions, affectations ailleurs, etc.).  En somme, la CNDH fonctionne dans l’illégalité totale. La communauté internationale nous observe et nous juge. Tous les projets financés par les partenaires au développement seront soient  revus, soient bloqués.

En conséquence, l’examen de la demande d’accréditation de la CNDH du Sous-comité d’Accréditation(SCA) de l’Institution Nationale de Promotion et de Protection des Droits de l’Homme de la (GANHRI) est conditionné pour  plusieurs exigences, puisque le processus ne porte pas uniquement sur la conformité de la loi aux Principes de Paris, mais, également sur la mise en œuvre de ces principes. On pourra demander à la CNDH d’apporter la preuve de son autonomie, de son indépendance, de son effectivité ou encore de sa crédibilité auprès des organisations de la société civile. Pour nous, elle est invisible sur le terrain. Où sont les diffusions des rapports annuels et thématiques et les prises de positions publiques ?

Les autres cas de violations des droits humains à dénoncer. Les droits à la vie,  au travail, à la santé, à l’éducation, à la sécurité, etc. Le cas des crimes rituels. Aucun soutient  n’est apporté aux familles des victimes malgré les efforts de lutte contre ce fléau déployés sur le terrain par l’ALCR (Association de lutte contre les crimes rituels), le phénomène reste d’actualité avec le nouveau vocabulaire utilisé actuellement «les drames » et non crimes rituels, crimes de sang ou crimes avec prélèvements d’organes. Les enquêtes  restent sans suites favorables,  et les commanditaires  sont impunis. Quant aux bourreaux, ils sont arrêtés puis simplement libérés  après quelques mois de détention. Mais sur le terrain, le sang des innocents continus à couler. Nous vivons dans l’insécurité, à en juger les disparitions récurrentes forcées et inexpliquées  des citoyens. Les crimes économiques sont condamnés avec rigueur et les crimes rituels oubliés.

 En outre,  Excellence, on ne peut pas passer sous silence le climat de suspicion qui prévaut  entre le Gouvernement et les Ministres de Dieu. La mort d’une Nation commence par son rejet de Dieu. Aucune Nation ne peut survivre sans lui; Le service minimum dans l’administration comme mode de gouvernance, la corruption, le mensonge ; Les mouvements d’humeur des fonctionnaires retraités ; les grèves des étudiants et des enseignants qui réclament les meilleurs conditions de vie et de travail.  A cela s’ajoute, les autres projets de lois dits impopulaires entre autres,  la dépénalisation de l’adultère, l’égalité entre homme et femme au foyer, l’Interruption volontaire de grossesse, sans oublier les détentions arbitraires de certains citoyens dans les prisons du pays.

Et comme si cela ne suffisait pas, la fermeture des écoles de formation de la santé et de l’éducation depuis trois ans  sans concours de recrutements devient insupportable dans les dits secteurs. Avez-vous imaginé la crise des personnels que traversent ces secteurs importants ? Il faudra peut-être attendre la période électorale de 2023 pour traiter ces dossiers dans  la précipitation, voire frauduleuse  et démagogique. Les résultats nous les connaissons,  l’injustice, la corruption, la haine, la violence, et les crimes que nous dénonçons. Cependant, les corps habillés  sont  recrutés chaque année. Où est alors  l’égalité des chances tant prônée par le gouvernement à longueur de journée dans vos médias ?

Monsieur le Président de la République,

 

Certaines mesures sont à encourager :

 -La révision de quelques articles du nouveau code pénal sur les crimes rituels, mais sans mesures d’accompagnements et sans sessions criminelles spéciales pour les crimes rituels.

 -L’arrestation des voleurs des détournements des deniers publics bien que cela a des relents politiques,

 – la protection des citoyens face au Covid-19 avec la résistance de certains Gabonais de se faire vacciner, c’est leur droit ;

 Que fait et dit  la CNDH? Vous ne pouvez pas comprendre notre  amertume face à ce silence. Ceux qui doivent vous parler ne vous disent pas clairement la vérité parce qu’ils préfèrent vous caresser dans le sens du poil pour   protéger leur privilèges  au détriment de l’intérêt supérieur de la Nation. Excellence,  ce sont ces nombreuses causes de déception qui m’ont poussé à vous interpeller en vous adressant la présente lettre ouverte.

La CNDH  sera évaluée à travers les éléments d’informations des articles de presse faisant état de ses activités, des informations fournies par des tiers comme les Nations Unies, la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des peuples, la société civile crédible et indépendantes, les représentations diplomatiques étrangères implantées dans le pays ou les ONG internationales de défense des droits humains. Toutes ces informations et rapports seront demandés et présentés à la Commission pour son accréditation au Sous-comité d’Accréditation.

En ma qualité de citoyen Gabonais, soucieux du devenir de notre pays,  je  ne dois pas rester indifférent face aux violations des droits humains dans notre pays et dont de nombreux indicateurs traduisent leur impact négatif  immédiat dans notre vivre ensemble. Je suis assoiffé de Justice et de Paix, un  patriote qui aime son pays et  ayant la crainte de  Dieu Tout Puissant.

 

Monsieur le Président de la République,

Vos triples qualités de détenteur des pouvoirs Exécutif, Législatif et Judiciaire, me permet de vous interpeller. A quoi servira notre passage au Conseil des Droits de l’Homme à Genève si nous n’arrivons pas à balayer notre maison, en étant des vrais démocrates? Que dire  de cette institution et de ces acteurs chargées d’animer la démocratie tout en promouvant les droits humains s’ils ne sont ni crédibles, ni transparents? Quelles sont les leçons à donner aux autres Nations du monde en matière des Droits Humains et des libertés fondamentales ?

Face à l’urgence d’atteindre l’objectif général du projet de loi réglementant  la CNDH, de contribuer à l’amélioration de la promotion et la protection des droits de l’homme à travers le renforcement des capacités des acteurs institutionnels et non gouvernementaux dans l’opérationnalisation de ses mécanismes, et pour  éviter  à  notre  pays  l’humiliation  de  s’inscrire parmi les derniers de la grande classe du Comité des Nations Unies et autres institutions internationales des Droits de l’Homme, un travail sincère, de partenariat doit être reprise notre les Organisations de la Société Civile en question, le Ministère de la Justice avec l’appui de l’Union Européenne, le PNUD et de l’UNOCA pour la portée cruciale  de ce projet qui doit être revu avant adoption. En somme, revoyez votre politique dans le domaine des Droits Humains, le peuple souffre.

Je  vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat, l’assurance de ma haute considération.

 

 

EBANG ONDO Jean Elvis

Défenseur des droits humains

Libreville Gabon

Tél : 077 36 08 57.

 

 

 

 

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