La Commission nationale de la lutte contre l’enrichissement illicite et la Direction de la lutte contre la corruption : deux organes en conflit de compétence
La haute administration gabonaise connaît une situation, pour le moins singulière. Depuis plusieurs années, les autorités gabonaises ont décidé de renforcer,par un arsenal juridique et politique, la lutte contre la corruption. Pour cela il a été créé la Commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite. Cette institution est constituée de magistrats. Alors que le 2 décembre 2019 en conseil des ministres, ce même gouvernement a pris ledécret 262/PR/MPBGLCCEPP, portant création et organisation de la direction générale de lutte contre la corruption. On se retrouve ainsi avec deux organes dont le rôle est sensiblement le même. Cela n’est pas sans soulever des réserves de la part de bon nombre de juristes. Le risque de conflit de compétence est là.
A quel niveau la Commission doit intervenir ? Quand la direction générale doit agir ?
Il y a, selon le président de la Commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite, un conflit d’attribution avec la Direction générale de lutte contre la corruption. Les partisans de l’existence nécessaire de la Direction générale de la lutte contre la corruption arguent que celle-ci ne se substitue pas à la Commission, mais qu’elle lui est complémentaire. Cette direction aurait pour rôle de définir les stratégies de lutte contre la corruption, la Commission, quant à elle, a plutôt pour fonction : le contrôle et la vérification des faits qui lui sont rapportés. Cela est discutable, dans la mesure où la Commission peut aussi définir les axes stratégiques de lutte contre la corruption.
On voit bien que la création de la Direction générale de lutte contre la corruption ne répondait pas véritablement à un besoin régalien. Situation qui justifie la requête du président de la Commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite auprès de la Cour Constitutionnelle qui porte sur le constat d’un conflit d’attribution, de prérogative et de compétence entre la Commission et la Direction générale de la lutte contre la corruption.
Le principe de complémentarité n’a pas été reconnu par la Cour Constitutionnelle, celle-ci invite donc le gouvernement à revoir cette situation qui crée un imbroglio administratif.
Serge Bibang