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Opérations Mamba et Scorpion : Un de plus en moins derrière les barreaux

La sortie de prison, plus de trois ans après son incarcération, de l’ancien ministre du Ciel et de la Terre, Magloire Ngambia questionne. Finalement condamné pour un détournement de fonds publics de 4 milliards FCFA  et à verser juste 100 millions FCFA d’amende, Ngambia est désormais libre. Un tel jugement laisse pantois. D’autant que pour l’opinion publique, il était question de 750 millions d’euros de fonds publics détournés. 

Et selon ses propres aveux recueillis sur procès-verbal l’homme gagnait/touchait – la nuance n’est pas inutile – 6 milliards FCFA de salaires à l’année. Et, en 2017, on l’aurait enfermé pour 4 milliards FCFA de détournement qu’il pouvait aisément débourser et rembourser ? Des montants qui donnent, certes, le vertige mais n’ont pas empêché notre confrère Gabonreview de procéder à des opérations basiques de calcul qui rappellent que « l’ancien tout-puissant ministre de la Promotion des investissements, des Transports, des Travaux publics, de l’Habitat, du Tourisme et de l’Aménagement du territoire fut quand même accusé d’avoir détourné pas moins de 500 milliards de nos francs soit l’équivalent d’un milliard de dollars US ! » et de se demander « Que s’est-il passé entre-temps ? Pourquoi le montant en cause a-t-il été revu à la baisse, se chiffrant désormais à 4 milliards de nos francs…? » Question de fond à laquelle nous n’aurons certainement pas de réponse immédiate.

Les élites gabonaises, grâce aux fonctions qu’elles y occupent, ont la particularité historique d’accumuler et de s’enrichir dans l’Etat. Ce fut le cas sous Omar Bongo Ondimba. Après sa mort, les choses se sont même emballées, pour ne pas dire empirées. La bande de Maixent Accrombessi qui accompagne l’ascension fulgurante de M. Ngambia, et la faction de Brice LaccrucheAlihanga ont démontré à ciel ouvert l’étendue de leur efficacité/nuisance en matière de détournement de fonds publics.

Alors que Léandre Nzué vient d’y faire son entrée pour cause de détournements, après que Brice Laccruche Alihanga y ait été accueilli pour les mêmes raisons, la prison centrale de Libreville, alias « Sans-famille », a ouvert ses deux lourds portails à Magloire Ngambia et lui a offert la liberté, après une condamnation de 3 ans fermes d’emprisonnement déjà purgés et 100 millions de FCFA d’amende. Avant lui, Etienne-Dieudonné Ngoubou, puis Noël Mboumba ont bénéficié des mêmes libéralités. Pourquoi ce ballet quasi régulier des membres de notre très haute « bourgeoisie » gabonaise au sein de la prison de Gros-Bouquet ? Depuis Omar Bongo Ondimba, les principales fortunes des élites de notre pays se sont constituées dans l’Etat et grâce aux très hautes fonctions qu’occupées. Et le principal mode opératoire de l’enrichissement rapide et pharaonique a toujours été le détournement de fonds publics avec tout ce que cela comporte de complicités dans l’appareil.

L’hebdo Jeune Afrique du 18 avril 2018, rapporte les explications d’un soutien de l’ancien ministre,  écrivait : « on parle de violations des procédures d’attribution des marchés. Mais, pour passer des marchés de gré à gré, comme cela a été le cas, il a fallu des autorisations au ministère de l’Economie, au Budget, à la Primature, voire à la Présidence, vu les montants en jeu ». Un autre, ancien ministre, pour le même journal, soutient : « S’il – Ngambia- a fait des choses pas nettes, il ne les a sans doute pas faites seul… ».

Comment ça fonctionne ? En fait, nous avons affaire à une nouvelle race de prédateurs. Si, sous OBO, l’allégeance politique suffisait pour bénéficier des largesses du disparu, depuis 2009, les choses ont un peu évolué. Nous avons désormais affaire à des sortes de « Golden Boys » gabonais qui opèrent sur le marché des investissements et dont, parce que bien calés dans l’Etat, l’objectif est de négocier des produits financiers. On maximise les gains d’intermédiation au moment d’acheter et de vendre. A la différence des traders, le risque est quasi nul pour nos « Golden Boys » des tropiques. Vu qu’ils sont à la signature. Et nous avons affaire à des experts du monde de la finance. Jeune Afrique nous décrit Magloire Gambia : « fils de diplomate né le 2 avril 1971 à Mounana, dans ce Haut-Ogooué acquis aux Bongo, il a passé son enfance entre le Gabon, la RD Congo et la Roumanie, au gré des postes de son père, conseiller en ambassade. Lycéen dans la capitale gabonaise aux côtés d’Yves Fernand Manfoumbi (futur ministre de l’Agriculture finalement limogé le 20 février 2018), puis étudiant en sciences économiques à l’université Omar-Bongo, il fait ses armes de banquier à l’Institut national des sciences de gestion du Gabon. C’est donc tout naturellement qu’il tente le concours d’entrée à la Beac, en 2002. Une réussite. Le jeune diplômé intègre l’institution et en gravit les échelons à Yaoundé. « Premier arrivé le matin, dernier parti le soir », selon un ancien camarade, il devient le premier de sa promotion à atteindre le grade de directeur adjoint, au département des investissements, en 2007. Il gère les projets immobiliers de la Beac et supervise notamment la construction de son siège de Libreville. Peu le connaissent. » A ses côtés, depuis 2009, son ancien et fidèle conseiller, Christian NkéroCapito, expert en questions fiscales et financières, toujours en prison. On dit que le métier du « Golden Boy » exige de la « résistance au stress ». Gambia vient d’en faire la démonstration. Après plus de 3 ans au mitard, il s’en sort avec une condamnation pour détournement de 4 milliards FCFA et 100 millions d’amende.

Supportable pour le multimilliardaire : en 2009, il est nommé ministre de l’Economie, en 2012, à la tête du ministère de la Promotion des investissements, des Transports, des Travaux publics, de l’Habitat, du Tourisme et de l’Aménagement du territoire. En 2014, Jeune Afrique le classe parmi les « 50 qui font le Gabon ». La vie de château jusqu’en septembre 2015 où il sort du gouvernement. A raison de « 500 millions de F CFA [plus de 760 000 euros] par mois » conformément à une déclaration de M. Gambia au juge d’instruction consignée dans un procès-verbal daté du 30 mai 2017, nous ne serions pas loin du compte si nous affirmons que la fortune de l’ancien ministre du Ciel et de la Terre pourrait s’élever à près de 50 milliards de FCFA.

A propos des questions de procédures

Certains ont applaudi à l’annonce de la relaxe de Magloire Gambia. Les mêmes s’étaient émus du non-respect des procédures lors de son arrestation, comme lors de celles de Brice LaccrucheAlihanga et de Léandre Nzue. Il faut bien reconnaître qu’un bon nombre de procédures ont été abrégées et, parfois, escamotées dans le processus des multiples arrestations politico-financières qui sévissent au Gabon depuis la mort d’Omar Bongo Ondimba. Nombre de confrères revendiquent d’ailleurs une nécessaire « transparence…Pour lutter contre la corruption », ou encore le «  respect des procédures » et des « droits de la défense », au nom de la « présomption d’innocence ». Mais, faut-il croire qu’une insistance opiniâtre sur le respect des procédures judiciaires concernant le traitement judiciaire des détourneurs contribuera à résoudre les questions de fond ?

préoccupations de fond

Omar Bongo Ondimba a laissé le Gabon en pâture à des « Golden Boys » locaux. Accrombessi Boys et Bla Boys notamment. Tapis au sein de la très haute bourgeoisie gabonaise, ils ne visent qu’à contrôler les circuits financiers de l’Etat et à s’en nourrir. Ils ont démontré qu’ils en étaient/sont capables. Certains d’entre eux sont derrière les barreaux, d’autres libres de leurs mouvements. Retombées des « luttes intestines » qui ébranlent la stabilité interne du pouvoir en l’absence d’un maître des horloges, OBO, qui n’est plus. Cependant, apparemment, ces va-et-vient à Sans-Famille ne semblent pas suffisants pour résoudre les problèmes de fond. L’un d’entre eux touche, par exemple, à la prise de conscience de ces élites qui ont le plus profité de cette accumulation primitive des rentes de l’Etat pendant plus d’un demi-siècle sans que l’on assiste aux modernisations nécessaire dont le pays a besoin. Il faut, à cet effet, construire une vision pour le pays et non pas seulement pour ses propres comptes en banque. En allant planquer « leurs » fortunes à l’étranger, nos élites ont-elles cette vision ?

On ne saurait réduire cette préoccupation de fond à des questions de procédures ou à des emprisonnements « à la tête du client ». Qu’en pense Magloire Gambia ?

Stéphane MWAMEKA

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