Très répandu dans les milieux populaires, pratiqué depuis des décennies, le système de la tontine a permis à de nombreuses personnes de réaliser des projets. Au –delà du fait qu’il soit, lui aussi, impacté par le Coronavirus, ce mode de financement a révélé une faille dans son application.
Dame M.M est une compatriote d’une soixantaine d’années, retraitée du secteur privé, et vivant au quartier Akébé, dans le troisième arrondissement de la commune de Libreville. Tous les jours, après avoir rempli ses obligations domiciliaires, elle se rend au marché d’Akébé pour y rencontrer les membres de son groupe de tontine et verser sa contribution. « Grâce à la tontine, il y a des gens qui ont pu réaliser un projet, acheter quelque chose et même envoyer leurs enfants étudier à l’étranger durant de nombreuses années », soutient – elle.
Un groupe de tontine peut être mixte ou unisexe – exclusivement féminin, masculin ou mélangé -. Etant donné que tout le monde ne perçoit pas ses revenus en même temps, on choisit une période où chacun, en principe, devrait être en mesure de verser. « La période est comprise entre le 5 et le 10 du mois, étant donné que les fonctionnaires sont payés le 25 et les agents du secteur privé le 30 ». Les cotisations sont remises à une seule et même personne, généralement l’instigatrice de la tontine, appelée « le père ou la mère tontine ». Une fois que tous les membres ont versé, la responsable appelle le ou la bénéficiaire du mois ou de la semaine – il faut savoir que la tontine peut être perçue de manière hebdomadaire mais, le plus souvent, c’est mensuel -. Cela signifie – t – il que seules les personnes de ces catégories peuvent avoir recours à la tontine ? Non, pas du tout. « Tout le monde est convié, peu importe l’âge ou la profession. Le plus important est que la personne soit solvable. », Renchérit Dame M.M. Et c’est là que commence les tracasseries.
Principale difficulté : la malhonnêteté de certains cotisants
Tout le monde connait le nombre de personnes qu’il y a dans le groupe, même s’ils ne se connaissent ni ne se fréquentent. Le montant de la cotisation est fixé en conclave, car il faut tenir compte de la capacité de chacun à verser. C’est ainsi que quiconque peut se faire une idée, lorsque ce sera son tour de bénéficier, de combien il pourra percevoir, et ce qu’il fera de cette « manne ». Or, il arrive que des personnes, à la moralité douteuse, disparaissent dès qu’elles ont perçu. « On peut sortir d’un groupe de tontine, il n’y a pas de problème. Mais vous ne pouvez pas vous permettre de faire ça alors que tout le monde n’a pas perçu : lorsque c’était votre tour, tout le monde a cotisé. Vous vous devez aussi de cotiser pour tout le monde ; vous pourrez alors sortir après un « tour complet ». C’est pourquoi certains préfèrent avoir affaire à des autochtones parce que les étrangers peuvent partir à tout moment.
Et dans ce cas, comment les retrouver ? », S’en amuse la retraitée. Autre difficulté majeure : la non – reconnaissance, par les lois et règlements en vigueur dans notre pays, de l’activité. Dame M.M raconte : « lorsque ce fut, pour la première fois, mon tour de percevoir, j’ai voulu aller déposer les fonds à la banque – c’était une somme de 3 millions de FCFA -. Ne me voyant pas souvent avec autant d’argent, la banque m’a demandé sa provenance. Malgré mes explications, le gestionnaire m’a dit qu’il avait besoin de plus d’éléments. J’ai dû produire une liste de tous les membres du groupe, avec les sommes versées, afin qu’il accepte de l’encaisser ». Et sieur Tomo, un membre du groupe de tontine de Dame M.M., rencontré ce jour – là, de renchérir : « la tontine n’est pas réglementée et l’on ne peut assigner personne en justice pour une histoire de tontine. C’est pourquoi il est très important de savoir à qui l’on a affaire : cela minimise les risques de palabres pouvant surgir plus tard. », A – t – il déclaré.
A la question de savoir si ce ne serait pas une bonne idée que le législateur se penche sur la situation, Dame M.M est catégorique : les choses sont très bien dans leur état. « Si l’Etat s’en mêle, il va venir avec des impôts et taxes et à la longue, ça va décourager les gens. Là où son intervention peut être intéressante, c’est trouver les voies et moyens d’endiguer les effets du Coronavirus car, à cause de ça, il y a des membres qui ne cotisent plus, les priorités se trouvant clairement ailleurs. », A – t – elle ajouté. Encore un point qui démontre que l’équipe gouvernementale, dirigée par Rose Christiane Ossouka Raponda, a du pain sur la planche. Et c’est le moins que l’on puisse dire !!!!
Yohan Freddy NGUEMA ZUE